jeudi 28 décembre 2017

Fip, avant, c'était une radio… maintenant c'est une marque !

Quand j'ai reçu le livre "La discothèque idéale de Fip" je frétillais à l'idée de retrouver sur papier la magie de l'éclectisme, la grande classe d'enchaînements subtils, une programmation inventive qui ont fait de cette radio une référence musicale absolue sur les ondes de Radio France depuis 1971. Le génie de Jean Garretto et Pierre Codou, ses créateurs, était d'avoir imaginé une antenne avec "60 minutes de musique par heure". Slogan intact, ponctué de quelques minutes d'infos et des indispensables "conseils" des animatrices. Mais voilà le monde change et malgré ses quarante-six ans vigoureux, quelques esprits chagrins ont décidé de faire "évoluer" la formule en même temps que celle des autres radios du service public au prétexte d'une modernité numérique imparable, dévastatrice de sens et d'esprit.



Je ne traiterai pas ici des inquiétudes qui pèsent sur les antennes régionales de Bordeaux, Nantes et Strasbourg, stations pour lesquelles l'animation en direct est menacée. Mais pour parler de ce livre paru en octobre je commencerai par dire ma stupéfaction rien qu'en regardant la couverture. Fip qu'est-ce que c'est pour quelqu'un qui n'en a jamais entendu parler ? Une radio ? Peu probable ! Le seul logo de Fip n'étant pas la meilleure façon de l'identifier à une radio. L'absence de celui de Radio France est plus problématique ! L'éditeur "Hors collection" (?) aurait pu se fendre du sous-titre "La radio éclectique" par exemple. Ben non. Et à moins de lire les crédits en page 2 qui mentionnent "www.fipradio.fr/discothèque-idéale" rien ne dit qu'il s'agit d'une radio et encore moins d'une radio publique.

Mais ce n'est malheureusement pas tout. En page 5 la préface de Bérénice Ravache, nouvelle directrice de la chaîne depuis août 2017, en trente lignes, ne mentionne jamais le mot radio. Bigre ! Coquille ou intention à dessein ? Page 6, sept animatrices en photos N&B. Qui sont-elles, de quelle année date la photo ? On ne saura pas, aucune légende ne permet de le préciser. Idem sur la même page pour un programmateur… "anonyme". Idem aussi page 322 où posent avec Garretto et Codou, six femmes (animatrices) et quatre hommes (programmateurs) dont Julien Delli-Fiori qui a dirigé l'antenne de 2010 à 2014 après en avoir été un des programmateurs. Aucun crédit, aucune mention nominative.



On ne trouvera le mot "radio" qu'en quatrième de couverture "Laissez-vous bercer par les bonnes ondes de Fip, la radio musicale éclectique de Radio France…" C'est un peu maigre pour l'identification. C'est à la marge et c'est le moins qu'on puisse dire. Donc j'en conclu qu'il y a une volonté de mettre en avant la "marque" et pas le support. Et ça c'est le leit-motiv absolu du Pdg Mathieu Gallet, qui a positionné, dès sa prise de fonction en mai 2014, les antennes du groupe Radio France comme des marques ! Quoi dire sinon se désespérer qu'on jette le bébé avec l'eau du bain ! Ignorées les animatrices et les programmateurs, les créateurs de l'antenne, l'objectif de "services", défendu et promu par Roland Dhordain, le directeur de la radio à l'ORTF, au cahier des charges de Fip 514 (France Inter Paris, 514 m, Ondes Moyennes) à sa création.

C'est une fois de plus une manière détournée pour imposer une nouvelle gouvernance et des objectifs qui feront table rase du passé. C'est une bien mauvaise nouvelle. La discothèque idéale prend un gros coup de blues et, le fait que le boss de Twitter, Jack Dorsey qualifie Fip de "meilleure radio du monde" semble bien dérisoire et pathétique. Et si, sous cet artifice de paillette, la direction de Radio France avait été jusqu'à imaginer faire de "Fip une discothèque idéale", désincarnée des femmes et des hommes qui l'animent ? J'ai peur que la question contienne la réponse ! CQFD. 

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