vendredi 19 avril 2019

De la tyrannie en général et de celle… des audiences médiamétriques en particulier

Badaboum ! Benoît Daragon, journaliste au Parisien, n'a pas attendu ce jeudi 18 avril, pour communiquer les codes nucléaires, euh pardon les résultats d'audience trimestriels des radios élaborés par Mediametrie (1). Cette société, redoutable épée de Damoclès au-dessus de la tête des différents Pdg et/ou directeurs de programmes des radios publiques et privées, fait sabrer le champagne ou provoquer les infractus, c'est selon. Dès mercredi Daragon annonçait que "France Inter passait devant RTL". M. Baldelli (vice-Pdg du Groupe M6, auquel appartient RTL) devait sourire jaune, Madame Veil (Pdgère de Radio France) sourire… 



Alors comme d'hab', chacun de se préparer à commenter ses et ces résultats qui dans la marche du monde moderne sont à peu près aussi indispensables que de connaître la marque des chaussettes de Kim Jong-un. Mais voilà, la tyrannie de communication ajoutée à la tyrannie commerciale ont imposé aux radios privées de commander à Médiametrie ces sondages et autres enquêtes pour agir sur les annonceurs, pour "taquiner" la concurrence radiophonique et se faire des com' de fanfarons ! Même si "le média radio perd 788 000 auditeurs en un an" !

Enfin "des com' de fanfarons" encore faut-il naviguer en tête pour se payer des placards dans la presse et autres affiches auto-satisfaites au cul des bus (2). Pivot (Bernard) avait dès les années 80 critiqué ce système qui risquait de devenir un fléau et pire influer et influencer les programmes non plus pour être dans une situation de l'offre mais subordonnés à la demande (2) ! Mais l'invraisemblable tient au fait que l'audiovisuel public ait accepté de se fourvoyer dans un tel système de notations, de premier de la classe, de cancres et de remise de diplômes permanente.

Les décideurs de cet état de fait lorgnaient sûrement du côté des tutelles (Bercy et Culture), voire de la Cour des Comptes pour justifier les deniers publics octroyés à la radio et à la télévision. Avec une obligation de résultats permanente et plus aucun autre indicateur de qualité, de service, de diversité de l'offre, d'éducation ou formation. Les ministres concernés et autres hauts-fonctionnaires zélés pouvaient avec la morgue qu'on leur connaît agiter en permanence le chiffon rouge de la diminution de crédits, d'économies invraisemblables, de fermetures de chaînes etc, etc. 


La Maison de la radio en construction















Au début des années 60, un peu avant l'inauguration de la Maison de la radio, (14 décembre 1963), il est demandé à Roland Dhordain, futur directeur de la radio au sein de l'ORTF (1964) de "transformer cette ringarde de Paris-Inter en une radio capable de rivaliser avec les stations périphériques" (4). Il réussira parfaitement dans cette entreprise à l'appui des sondages maison et au concours de sociétés de sondages spécialisées. Pour autant fallait-il concrétiser ad vitam æternam cette course à l'échalote, ridicule et pathétique, au risque d'adapter les programmes à la seule demande du public ? Et continuer à donner aux tutelles et à la Cour des Comptes un seul type d'argument pour faire ou défaire l'audiovisuel public ?












Pour conclure sans répondre à ces deux questions de fond, je voudrai donner un coup de chapeau à Fip et à son journaliste, Eric Pachet, qui hier pour son flash de 9h50, a mis en valeur, avec talent et jolies tournures, les chaînes publiques de Radio France (pour leurs résultats d'audience) sans jamais citer "sa" radio (5). Caroline Ostermann, animatrice à Fip (antenne nationale) l'a désannoncé de belle façon "Quels jeux de mots, Eric Pachet, vous êtes un artiste" (6). Touchant, émouvant. La "petite puce Fip" discrète, efficace, qui "fait le job" sans moufter pourrait-elle une fois pour toutes ne plus s'inquiéter des humeurs des tutelles ou de la Cour des Comptes ? Ces dernières ne pourraient-elles définitivement jeter aux orties leurs sordides comptes d'apothicaire et reconnaître à sa juste valeur Fip et ses trois régionales qui, là où on les écoute, donnent à l'oreille (en coin) son absolu besoin d'évacuer les marasmes quotidiens, les plaies du monde et la logorrhée permanente des causeurs de tout poil ? Alea jacta est…  

(1) "Audiences : France Inter devient la première radio de France devant RTL"
in le site du journal, mercredi à 17h01… alors qu'il serait convenu avec les radios, principales intéressées, que ces résultats ne peuvent être communiqués que le Jour J à 8h,

(2) Quelques petits soldats "aux ordres" de supers Pdg trouvent le moyen ce jeudi sur Twitter d'enfumer les chiffres calamiteux de la station qu'ils dirigent (Europe 1) pour écrire "notre antenne progresse, chaque jour plus proche de son public"… bel exemple de charabia de com', non ? "La station dirigée par Laurent Guimier voit ainsi partir encore 30.000 fidèles sur une vague et près de 500.000 habitués sur un an. Europe 1 se retrouve par conséquent au coude-à-coude avec Nostalgie", in Pure Médias, 18 avril 2019. La motion de défiance des salariés d'Europe 1 à l'encontre d'Arnaud Lagardère votée hier calmera certainement les ardeurs communicantes du zélateur ! Europe 1… c'était naturel (avant) ! Et le Canard Enchaîné (17/04) d'annoncer le possible remplacement de Guimier par son second, Donat Vidal-Revel…



(3) Journaliste, producteur d'"Apostrophes" sur Antenne 2 (deuxième chaîne de télévision publique),
(4) Martine Valo, in Le Monde, 13 décembre 2003 (pour les quarante ans de la Maison de la radio), 
(5) Les résultats sont connus quelques jours plus tard que pour les radios généralistes,
(6) Pachet ne manque jamais de bien tourner ses mots, une heure après pour parler de Notre-Dame il dira à propos des dons qui affluent qu'ils sont "partis en flèche"…

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire