lundi 30 janvier 2012

La radio au (kilo)mètre…

Avec une précision de métronome la presse s'est engouffrée dans les derniers résultats radio de Médiamétrie (novembre-décembre 2011) annoncés mi-janvier. Ce baromètre qui est une des illustrations de l'écoute radio (mais pas la seule) fait frétiller la presse et bien sûr les radios elles-mêmes qui se gaussent de leurs propres résultats, que ceux-ci soient en hausse ou en baisse d'ailleurs. Je survole ce qui me passe sous les yeux. Cette fois-ci j'ai porté une attention particulière à l'article de Flora Genoux (1) qui a partir d'une interview d'Emmanuelle Le Goff (1) brosse un tableau surprenant de l'évolution de l'écoute qui serait arrivée au "record absolu". J'ai lu et relu cet article et ai décidé de prendre contact avec Emmanuelle Le Goff pour en "savoir plus" ou "en "savoir mieux" (3).

Je suis toujours surpris qu'on en fasse des tonnes sur l'écoute radio avec le seul angle d'approche de l'information, du sacro-saint prime-time de 8h, d'un "retour" d'écoute en fin d'après midi. Pour à chaque fois faire silence radio (sic) sur les programmes qui existent entre 9h le matin et 18heures, et après 20 heures. On sait que l'écoute radio est facilitée dans les transports automobiles le matin et le soir et cela fait déjà une très belle audience.

Concernant les CSP+ (4), s'ils écoutent la radio 2h40 par jour, on peut facilement imaginer que c'est plutôt au domicile, en voiture à l'aller et au retour de leur trajet professionnel. Quant aux "35-59 ans, eux, affichent un  niveau d'audience de 86-87 %, ils se tournent particulièrement vers les radios thématiques, d'information".(1) Formidable mais cela tombe sous le sens que ces écouteurs radios le font la plupart hors leurs heures de travail, même si grâce à Internet certaines professions peuvent écouter en travaillant (5). Donc puisque " au fur et à mesure de la journée, le public devient plus jeune, notamment après 21 heures." (1), cela implique de la part des autres catégories une écoute aux pics de la journée (8h le matin et à partir de 17h).

Cette démonstration rapide et qui mériterait de pousser une analyse plus fine, c'est le moins qu'on puisse dire, montre qu'on ne dispose pas de mesures tangibles pour analyser l'écoute des programmes qui se situent entre les infos ou que personne ne les sollicite (6). Pour les radios l'affaire serait entendue passé 9h et ce jusqu'à 18h, ces périodes leur permettant de "faire leur chiffre" (d'audience). Cas particulier pour RMC qui tiendrait ses auditeurs sur toute la matinée grâce à des programmes de talk (7).

Dernière interrogation : toutes les radios à la rentrée 2011 ont dit vouloir s'intéresser à des programmes pour les jeunes dont on peut imaginer qu'ils n'écoutent pas la radio pendant les heures de cours. Comme le montrent les chiffres Médiamétrie c'est après 21h que l'écoute des jeunes est la plus forte, particulièrement les émissions de "libre antenne". À priori RTL, Europe 1, France Inter, France Culture, France Musique, … ne proposent pas ce type de programmes ciblés (8). J'aimerai donc bien savoir à quelles heures ces radios vont proposer des programmes spécifiques ?

La valorisation d'une chaîne de radio passe par l'intégralité de ses offres, information,  culture, divertissements. En focalisant sur la seule information offerte au public et ses "bons" chiffres d'écoute, on minimise les programmes qui deviendraient presque accessoires. Pas très stimulant pour les producteurs ! Cet état de fait renforce la précarisation d'emploi de ces producteurs de programmes (9) quand les journalistes sont la plus part du temps salariés des chaînes. 

Comme souvent la presse et les médias en général n'apportent qu'une analyse partielle des chiffres Médiamétrie. L'information cache la grande forêt des programmes. Pourquoi ? L'information serait vendeuse et bien vendeuse. Quand aux programmes se serait un accompagnement. On parle même de fidéliser les auditeurs au delà des programmes d'information ! Et pourquoi ce ne serait pas le contraire ? Encore faudrait que ces programmes d'information ne se ressemblent pas tous à la virgule près !!!

Merci à Emmanuelle Le Goff de m'avoir accordé cet entretien.

(1) Paru le 17 janvier sur Le Monde.fr,
(2) directrice du département radio à Médiamétrie,
(3)Emmanuelle Le Goff m'a accordé un entretien téléphonique le jeudi 26 janvier 2012 en fin d'après-midi,
(4) catégories socio-professionnelles les plus élevées,
(5) je n'oublie pas toutes les situations professionnelles qui permettent d'entendre la radio, chantiers, magasins, bars…,
(6) le groupe public Radio France dispose d'une direction des études qui analyse finement heure après heure les écoutes radio,
(7) paroles, paroles avec des échanges antenne avec les auditeurs,
(8) Le Mouv' et toutes les musicales privées doivent faire l'audience des jeunes,
(9) contrat de septembre à juin ou juillet renouvelable si le programme qu'ils assurent est lui-même renouvelé.

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