Paris. Un automne de la fin du dernier siècle. Boulevard Saint-Michel.
L'homme
marche à bon pas, plongé dans ses pensées, avec comme un sourire au
coin des lèvres. À la main, il tient serré le journal du soir plié en
quatre. De sa poche de duffle-coat rouge dépasse d'autres journaux. Il
s'engage dans la rue Racine, en ayant pris soin de regarder vers le ciel
ou vers les oiseaux. À moins que ce ne soit vers la Sorbonne, comme
pour se donner un instant de rêve, furtif. Ce n'est pas l'heure du
bouillon. Pourtant, dans ce Bouillon Racine, il y entre volontaire. Café
1900 qui, chaque mardi,accueille son "Pot au Feu", mitonné aux petits oignons et autres ondes en modulation de fréquence.
J'y entre bien après lui. Assez tôt quand même, pour m'accorder vingt minutes pour "lire"
le journal de Frédéric Carbonne. Et, guetter du coin de l'œil, comment
l'"animal" Lebrun, tourne en rond sur sa piste, tendu et concentré, ne
regardant plus personne. Ultime tension, il serre, entre ses dents, le
tuyau de sa bouffarde qui ne manque pas de fumer. 18h20. Le rouge
s'allume et la "République de la parole" s'installe. Dans un
tempo où le maestro dirige sans baguette, l'invité n'a d'autre choix que
de jouer le jeu et il le jouera. Je ne sais pas si ce jour-là, Hélène
Starozum, auditrice fidèle et participante active des séances du mardi,
était présente. Lebrun, à chaque fois qu'il le peut, aime faire
intervenir cette femme savante. L'occasion pour lui d'une pirouette,
d'une relance, ou d'un bon mot.
La
petite ronde a tourné très vite. Désannonce et le rouge s'éteint. Je
suis seul sur ma table de bistrot. À côté de mon verre, ma pipe et une
belle boîte de tabac bleue. Avec dessus un merveilleux navire, le Flying
Dutchman. Le vaisseau fantôme. Le hollandais volant. Jean Lebrun, qui
s'adresse cordialement à quelques personnes venues écouter l'émission,
s'approche de ma table et sourit goguenard. Complicité sans doute des
fumeurs de… Flying Dutchman ?
Le
Hollandais volant ! J'en appellerais bien à Antoine Sire*, formidable
érudit du cinéma qui, en cent quarante signes, sait raconter les
histoires. Il nous "découperait" Le Vaisseau fantôme de Mickael Curtiz, en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire, et nous inciterait instantanément à aller le (re)voir.
Mais
bon, là nous sommes le 6 mai 2012, il est un peu plus de 18 heures et
on aimerait bien savoir où en est le Hollandais volant ?
* Gérard Sire, son père, par ses contes merveilleux, a ébloui la radio, de sa voix chaude et lumineuse, dans les années 60 et 70,…
Jean Lebrun,
ex-producteur à France Culture, après avoir inventé "Culture matin", ou
comment prendre son petit déjeuner sans se prendre la tête, passera aux
fourneaux de "Pot au feu", avant de coiffer son casque de chantier pour
"Travaux publics"… Et la nave va, Flying Dutchman !
Pour répondre à votre question : le Hollandais volant est sur un nuage.
RépondreSupprimerl'odeur de ces beaux dimanches
RépondreSupprimertraversant le midi en radio
un nuage au dessus de ma tête
.
.
je me souviens très bien
.
L'odeur forte des nuages de Flying Dutchman, que souffle mon Papa,
se marrie si bien avec les vapeurs dansantes du café noir
alors que l'indicatif fou des Papous sonne dimanche dans ma tête:
.
Fête dé-mot-niaque déchargé en trombe dans les cales de mon esprit-navire,
je parts à l'aventure !
.
simple moussaillon,
je ne démêle pas tout à fait le méli-des-mots des savants fous ,
qui jouent de la langue et souque à tout vents,
mais j'entends bien que les Papous gais lurons jonglent comme les saltimbanques...
.
et petit gars rêveur, sans me préoccuper des chutes
j'attrape en vol quelques mots bizarres et rigolos,
pour jouer à mon tour et lancer au Papou quelques ritournelles
fumées au feu du... Flying Dutchman !
.
j'ai dix ans
Hum ! Hum ! Cela me rappelle un/des souvenirs personnels de dimanche : Papous + F.D. Merci d'avoir situé cela avec cette formidable émission de France Culture qui perdure, alors que le tabac, m'a lui, définitivement quitté.
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