mardi 8 mai 2012

Crumb en son blues… (big ass comix)

Je ne suis pas tous les jours fâché contre la France Culture. Des fois j'applaudis des quatre mains. Ce soir, on part pour chez Crumb le dessinateur UNDERGROUND qui, grâce à Jean-François Bizot et Actuel, le mensuel qu'il avait fondé, nous a sorti, nous les petits Français de la Beat Generation (sic), de la torpeur du Général et de son cousin Pompidou (1). Pour ces deux docs des Ateliers de la création, c'est Christian Rosset qui s'y colle (2) ! Pour moi, Christian Rosset ce sont "Les nuits magnétiques", "Surpris par la nuit", "Les passagers de la nuit" et le complice de Yann Paranthoën (3)… Un gage absolu de qualité.




Crumb me renvoie, plus vite qu'il ne faut pour le dire, au début des années 70, en 1971 précisément, en Allemagne, où, faisant les cons à cause de la boucherie humaine, nous avions, mes p'tits camarades et moi, la rage au ventre, les poings serrés et des fusils dans le regard. Flower Power, Summer of Love, qu'ils disaient, outre-Atlantique ! C'était pas pour nous, jeunes Européens, qui ressassions sans le vouloir, les névroses de nos aînés. Et, à mâcher cette gomme kaki au goût fétide nous avions des hauts-le-cœur permanents. Il n'y avait alors que Janis Joplin et ses "Cheap Thrills" pour calmer cette tension intérieure et nous sauver. Janis, et Crumb qui venait de dessiner la couverture de son premier album. Et là, sans l'aide de substances hallucinogènes, nous décollions vers d'autres paradis qui n'avaient rien d'artificiel, car malgré la grisaille et la déraison, nous étions dedans. Dans le blues et dans les dessins de Crumb. For ever. Pour toujours, quoi qu'il arrive, à moins de devenir encore plus cons que ceux qui nous opprimaient.

Bon, Fañch c'est bien joli tes-p'tits-souvenirs-d'ancien-combattant-de-la-guerre-que-t'as-pas-faite mais faudrait peut-être nous parler plus clair de ces deux émissions, non ?


 

Réalisation : impec, sensible, sur le fil du crayon du Crumb où, dans les recoins des strips, j'ai pu entendre mes amis Bizot (Jean-François), Dister (Alain), Cestac (Florence) et Robial (Etienne). Rosset sait nous promener dans les cases. Avec lui, en écoutant Crumb, on effeuille, avec le sens du détail, une à une, les pages de la production gigantesque du maigrichon.

Illustrations sonores : Non seulement Rosset fait de la radio, mais aussi dessine et compose la musique. Outre une création originale de musiques électroacoustiques, plutôt douces, mixées avec des sons naturels que Rosset a enregistrés lui-même (des oiseaux, de l'orage, des rumeurs, …) qui court sur tout le doc, quelques ziques provenant directement des 78 tours du Crumb soi-même (5).


 


Pouvoir d'évocation : total ! Quand d'autres (producteurs) nous font perdre la boule, Rosset sait nous faire rester dans la case (4). Sans doute convient-il un minimum de connaître les dessins de Crumb, mais la magie de Rosset tient dans le fait qu'il a les mots et les descriptions justes, pour que ce soit limpide et explicite ?

Donc vous bloquez tout pour ce soir. Crumb, toujours aussi timide et mal à l'aise quand on l'expose, vous accompagne au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris et, c'est dans la radio !

Une dernière chose : Rosset est captivant ! J'ai envie, là maintenant, de prendre le TGV de filer à l'expo, de dénicher dans un coin un vieux numéro d'Actuel, de casser ma tirelire (que je n'ai pas) pour me passer La Crème de Crumb (6), entrer dans les dessins comme on entre en religion et, ne plus écouter que du blues, quitte à frôler l'"overdose". Voilà le pouvoir de la radio, au-delà d'une émission, donner envie de plonger dans un sujet, jusqu'à s'y perdre.


(1) Ohé, Ohé, Pompidou, Pompidou navigue sur nos sous (air connu)…
(2) Crumb au musée ce soir à 23 heures, Crumb dans le miroir à trois faces jeudi 10 à 23h, France Culture,
(3) Christian Rosset, Yann Paranthoën, L'art de la radio (1CD + 1DVD + 1 livre), Phonurgia Nova
(4) et pas que dans celle de l'oncle Crumb ! 
(5) il y a essentiellement du blues (Skip James / Robert Johnson / Blind Lemon Jefferson). Et aussi du musette (Crumb en est un grand amateur : "rêve secret" par l'orchestre musette Gigetto). Et quelques autres choses moins connues prises dans la compilation "Hot Women" (par ex: "Blues Negres" (Louisiana Cajun, 1934) - Cleoma Falcon),
(6) Cornélius, 2012.

4 commentaires:

  1. Cet article m'a donné l'envie de réécouter ce petit bijou d'anthologie du Jazz concocté par Robert la Miette et dont la critique parut un jour dans Telerama ( elle m'avait d'ailleurs totalement échappé à l'époque)

    http://www.telerama.fr/musiques/heros-du-blues-du-jazz-et-de-la-country,29357.php

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  2. Il existe un autre Crumb, prénommé George, né en 1929, compositeur de musique contemporaine. Je l'ai découvert sur France Musique dans des pièces pour piano, grâce au passionné Renaud Machart, il y a bien quinze ans. Merci Renaud.

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  3. Christian Rosset9 mai 2012 à 09:00

    Bonjour Fanch et merci pour cette écoute plus qu'amicale (pourtant, on ne se connait pas, enfin pas encore) ! J'ajoute que je suis moi aussi très passionné par George Crumb qui est à quelques milliards d'années lumières de Robert question credo musical...

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  4. Rosset est captivant, dites-vous. Il a une parole qui va de l'avant, il est confiant, bienveillant, curieux et de bonne humeur, visiblement heureux de faire ce qu'il fait.

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