lundi 26 novembre 2012

Entre les lignes…

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Ce n'est pas une fiction mais une vraie grosse réalité ! Une radio-réalité même… Olivier Poivre d'Arvor, directeur de France Culture, s'exprimait samedi dans les colonnes du journal Le Monde et son supplément TéléVision (1) qui réserve une page par semaine à la radio. Décryptage (comme ils disent dans les journaux).



Plus d'auditeurs
"Nous avons gagné 300 000 auditeurs depuis deux ans, ce qui représente une progression très importante. Nous l'expliquons par une alchimie étrange avec, d'un côté, une radio durable qui laisse du temps pour parler d'économie, de politique ou de sciences et de l'autre une radio d'information, capable de proposer des " 24 heures " à l'occasion du " printemps arabe " ou des élections américaines."
C'est marrant j'aurai pensé que c'est d'abord la culture (au sens large) qui faisait la chaîne ! Bon. Quant à "l'alchimie étrange… d'une radio d'information" j'avoue que si la marque est audible (pour ne pas dire criante) elle ne correspond pas au positionnement initial de la chaîne. Qu'elle soit devenue une radio d'information soit, mais nous aurions pu attendre de la part du journaliste une question pertinente du genre : "L'information pourquoi ? et à la place de quoi ?"

De la relativité de la mesure
"Nos cinq millions de podcasts mensuels, dont un quart vient de l'étranger, témoignent que les gens veulent réécouter nos programmes, qui ont pourtant des durées d'écoute longue.
Bigre ! "C'est quoi la longueur M'sieur ?" aurait pu demander le journaliste. C'est l'occasion pour moi de dire qu'à la question précise sur la longueur des émissions, contenue dans ma "Lettre ouverte au directeur de la chaîne" il n'a été à ce jour donné aucune réponse. Le format 55', et moins si affinités, a été traité dans plusieurs billets la semaine dernière. La longueur d'une émission est toute relative. Avec Jean Garretto (2) et son "Fip ce sera 60' de musique par heure", on pouvait penser que ce serait long "et moins de 2mn de paroles" que ce serait très court ! 

Spectaculaire
"A terme, l'idée est de monter des opérations spectaculaires et de faire venir des partenaires privés. C'est une source nouvelle de revenus pour nous."
La question que s'est posée initialement la chaîne (et que le journaliste n'a pas posé) était-elle "Comment faire pour attirer des partenaires financiers de prestige sans rien renier ?" ou "Sans visibilité médiatique nous ne pourrons faire venir des partenaires financiers. La Sorbonne + l'actualité de l'Histoire, de la philosophie et des sciences devraient attirer des partenaires liés à ces disciplines" ? Oups ! Vous pensez à qui M. le Directeur ? (Cette question n'a pas été posée).

Économies
"Nous aurons 300 000 euros d'économies à faire par an entre 2013 et 2015. Nous avons entamé des discussions avec les producteurs, pour allonger la période des grilles d'été notamment."
Le voilà le plus magistral "entre les lignes" que Guillaume Fraissard a été incapable de décrypter, car peut-être non auditeur de la chaîne. Là, la douche est froide et la "facture" salée. À la différence de France Inter qui depuis presque les origines installe une grille en juillet et août (et même septembre jusque dans les années 80), France Culture en juillet couvrait, de tradition, les festivals. La grille prenait ensuite ses quartiers d'été pendant cinq semaines environ. L'occasion de bouleverser les formats, les habitudes (et les habitués) et les sujets, et de proposer à de nouveaux producteurs d'"entrer dans le jeu". Si France Culture se calque sur Inter et entonne, par exemple, "Les grandes rediffusions" c'est l'hypothèse de moins de créations, moins de producteurs, moins de "découvertes". Et aussi des contrats moins longs pour les producteurs de la grille annuelle (septembre à juillet) et sans doute moins de commandes pour de nouvelles émissions, donc des économies financières. Mais ça fait beaucoup de moins. C'est la crise ! Le propos n'est pas anodin. Il n'y a plus d'émissions de nuit sur France Inter (exclusivement des rediffusions du lundi au vendredi), verra-t-on l'esprit de l'été de France Culture partir aux oubliettes ?

J'ai volontairement fait l'impasse sur France Culture Plus qui démarre ce lundi et sur lequel je reviendrai une fois cette web radio écoutée sur la durée. Par contre je note que définitivement France Culture est devenue une radio d'information et que des partenaires privés vont être associés à des opérations spectaculaires de prestige. Aux origines la publicité institutionnelle sur France Inter était supportable. Elle est maintenant audible aux heures d'écoute clefs, comme pendant la matinale et à d'autres moments de la journée. On ne voit pas comment on reviendrait en arrière sur cette chaîne. Le jour ou France Culture mettra le petit doigt dans le sponsoring (appelons un chat un chat) c'en sera fini de cette radio… libre !

Une dernière pour la route ! Si le directeur de la chaîne a constaté, pour l'inciter à créer France Culture Plus, "qu'il y avait un sujet qui n'était pas traité dans le groupe Radio France : la vie étudiante.", pourquoi le groupe Radio France n'a t-il pas constaté que l'information est déjà traitée par France Info et France Inter et que trois chaînes d'infos sur sept, ça commence peut-être à faire beaucoup ?

(1) Le Monde daté 25-26 novembre 2012 Sympa non, quand on s'appelle TéléVision de s'intéresser à la radio ?
(2) Co-producteur de "L'oreille en coin" sur France Inter,1968-1990, et co-créateur de Fip (initialement France Inter Paris) en 1971, décédé le 14 septembre 2012.

2 commentaires:

  1. J'ai lu cette même itw dans le Monde et je me suis fait peu ou prou les mêmes remarques. Je me demande s'il faut en rire ou en pleurer. L'autosatisfaction béate dégouline à chaque phrase au point de susciter la gêne chez le lecteur.Le "journaliste" n'a visiblement pas la pertinence ni la connaissance du sujet comme certain confrère de Libé mais peu importe le fond reste le même. Sottise à tous les étages.....et repli - en ce qui me concerne - vers la lecture ou la réécoute sur le site de l'INA d'émission anciennes en guise de réponse. Une plongée dans le passé pour se laver des scories de cette néo-kultur de l'instant.
    Allez! Je vais me replonger dans la lecture du Passé Défini de Jean Cocteau avec une pensée pour le jardin des Simples de la petite chapelle Saint-Blaise où il repose sous la garde des colchiques et de la menthe.

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  2. Mais comment peut-on nommer cette quasi-obligation qui fait que les thèmes des émissions sont au mieux choisis en fonction de l'actualité, au pire en fonction des sorties de livres, film, expositions, unes de magazines, buzz du moment ? N'y hume-t-on pas les vapeurs d'un "partenariat" qui ne dit pas son nom ? Même les émissions de l'après-midi, souvent intéressantes d'ailleurs, sont rattachées à une actualité de l'intervenant. Sortons nos mouchoirs et constatons que la culture est aujourd'hui un produit de consommation de masse, tout comme les yaourts et les tomates.

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