mercredi 27 novembre 2013

La radio par l’image…


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Kriss chez elle - © Roger Picard - RF


Si. Souvent plongé au fond de mon blog, en miroir de mes méninges qui fument et archivent ma mémoire radio, je me demande circonspect pourquoi la radio se "vend" si mal aujourd’hui dans les médias. Préalable de base : pour pouvoir en parler il faut/faudrait l’écouter. Effet secondaire : ça prend un certain temps. Effet tertiaire : comment en parler en société sans passer pour "out", ou version tendance, "comment en faire du buzz ?" Autant de principes existentiels ruinés par le «tout image» qui colle à nos vies urbaines, rurales, troglodytes et sous-marines. Comment parler de ce reportage fouillé, sensible, en quatre volets, au cœur de l’Amazonie ou au cœur… d’Aubervilliers, sans fournir aux lecteurs, spectateurs, voyeurs avides, des "images pour comprendre". Cela supposerait une écriture fouillée, suggestive, imaginative qui donne envie d’écouter et pour laquelle les images sont superflues.
 

Nanteau, Villers, Desbarbat © Picard -RF

Moi-même il m’arrive de me creuser, d’aligner quelques mots subtils, d’essayer de suggérer l’émotion ressentie, de vous faire partager ce qui m’a souvent bouleversé. Et bien le lendemain mes statistiques sont «déplorables». Soit j’ai été très mauvais, soit je n’ai pas su, sans image, sans vidéo vous donner envie d’être surpris. Par contre j’écris sept lignes sur Bernard Lenoir et vous propose sept sons du Black et je fais un carton immédiat (1). Un nom est «porteur» (2), tandis que telle productrice qui a fait son documentaire sur plus de six mois de sa vie a le "tort" d’être une illustre inconnue. Et ça, la presse (et les médias en général) ne savent plus faire : défendre quelqu’un ou quelque chose qui ne gagne qu’à être connu et entendu.
 
Jean-Louis Foulquier @Picard -RF


Comment être captivant, suggestif quand on a pas le début du commencement de la moindre photo, image, clip, vidéo qui donneraient un "aperçu" (sic) de ce qu'on va entendre. Des journalistes se rendent, en extérieur, sur les lieux de l’enregistrement d’une dramatique ou d'une fiction, en font un reportage vidéo et c’est bingo. «Vous allez voir, ça s‘écoute", si ! De la même façon, quand nous nous sommes rendus à Cordouan, François Teste (3) a réalisé un petit diaporama qui, une fois sur le site de l’émission, a rendu compte du «vécu», du «off» voire de l’inattendu (4). Pourquoi inciter journalistes, rédacteurs, narrateurs à se «décarcasser» pour écrire, quand deux trois petites images font le boulot ?
 
J. Pradel Catherine & Françoise Dolto © Picard - RF



Voici mon postulat : l’avenir de la radio c’est l’image (lol) ! Oui, je sais vous allez imaginer que je suis devenu fou, que j’ai mangé mon chapeau (5) ou que j’ai retourné, opportuniste, ma veste pour endosser celle de la télévisée. Ce sursaut de lucidité, d’intelligence ou de désespoir m’est venu à la lecture du billet des Garriberts dans le Libé de samedi dernier. Les joyeux drilles de la critique télévisuelle posaient très bien les ressorts de ce qui risque d’arriver demain à la radio… puisque ça vient d’arriver à la télé.
 
J.C. Aschero © Picard RF




Démonstration : «Before» le show déjanté d’avant « Le grand journal» (6) est fait de dizaines de pastilles (7) empilées qui, à peine l’émission terminée se retrouvent sur le web, en autant de YouTube "empastillés". Et tourne tourne et retourne sur le web, chaque pastille, beaucoup plus vite que «Le manège enchanté» (8). Et qu’importe que cette "émission" de télévision ne soit suivie "que" par «200 000» spectateurs, lesdites capsules entament alors une "carrière" qui va durablement décupler.
 
Marche ou rêve - La bande à Villers © Picard- RF


Donc m’étonnerait pas que dès janvier sur le Mouv’ un tel principe soit mis en œuvre. Peut-être, par exemple, sur les émissions du midi, puis dès 18h. Je suis pas devin. Mais ce principe du "court", de l'éphémère, du gag réflexe, du geek soluble dans tout (et inversement),  accroche un public déjà perfusé… et captif. Le tout à l'appui d'"images qui bougent". Si la radio donne à se voir, à s'entendre (pour s'écouter il faudra peut-être attendre un peu), l'onde de propagation va être très importante (buzz permanent). On parlera beaucoup du nom de l'émission, du nom des animateurs et de la station et ça n'aura plus beaucoup d'importance que le support initial soit la radio. Une autre question n'aura pas beaucoup plus d'importance "est-ce bien de la radio ?". Attendre et écouter… voir.
 
Garretto/Codou © Picard - RF


Rappel : en 1983, Jean Garretto, directeur des programmes, fait une nouvelle révolution à France Inter en inventant des programmes courts qui vont s'affranchir des soixante minutes diffusées entre chacune des heures justes. Les "barons" (Artur, Villers, Bouteiller, Chancel) n'en reviennent toujours pas. Quant à la presse, elle n'a pas senti/suivi l'innovation. En ce qui me concerne j'ai plusieurs fois préconisé que des capsules "son" s'intercalent entre des programmes souvent figés et enfermés dans leur grille. Pour surprendre et donner à entendre… d'autres "images" !

Toutes les photos qui illustrent ce billet sont extraites du blog "France Inter à 50 ans". (Précision : à l'époque de leur publication je n'en avais vu aucune !)

(1) Plus de 590/visites du billet en un jour,
(2) Telle vedette de télé qu’est devenue ministre ou tel ministre qu’est devenu vedette de télé donne de la matière à commentaire et si  par hasard ( sur le p’pont des arts) elle s’est fourvoyée à la radio c’est l’effet média assuré. «Pensez avec son carnet d’adresse il a de quoi inviter beaucoup plus de people que… Chancel (mesure étalon définitive), 

(3) Réalisateur à Radio France,

(4) Le porteur de valise,

(5) Bonnet ou béret basque… c’est selon,
 

(6) Canal+, que j'ai regardé une fois, 

(7) Si, si j’aime bien ce mot, vous en aurez compris le sens. Les Garriberts parlent de "capsules"…

(8) Référence TV pour faire «in».

2 commentaires:

  1. Je me permets de préciser que les "capsules" imaginées par Garetto avaient une autre allure que certains modules "interstitiels" d'aujourd'hui...

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  2. Quitte à raisonner ab absurdo, constatons simplement que si l'émission radio n'existait pas, il n'y aurait pas d'images de la radio... Donc : en supprimant la radio, il n'y a plus d'images ! Mais en supprimant les images, on n'empêche pas la radio de continuer ! CQFD (ou presque)

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