Mitterrand "monte" au Panthéon, une rose à la main. |
Vendredi dernier, 13h30, Jean Lebrun sur France Inter reçoit son grand témoin, Christian Dupavillon. Ensemble ils vont évoquer la cérémonie d'investiture du Président Mitterrand le 21 mai 1981, et particulièrement l'hommage rendu au Panthéon. Au fur et à mesure du dialogue entre les deux interlocuteurs, les images reviennent et l'émotion ressurgit. Lebrun comme à son habitude tisse "son" Histoire et Dupavillon "s'insère" dans un tourbillon mémoriel, dont Lebrun a le secret, pour entraîner ses invités dans une cavalcade oratoire qui ne manque jamais de souffle. Ce chant et contrechant historique joué par les duettistes stimule la mémoire, la revitalise, l'excite au point tel qu'il n'est nul besoin d'image pour être "dedans".
On est en mai 81, quelque chose est en train de changer, quelque chose va changer. Les mots, les sons, les commentaires dépassent les images tant ils permettent de "voir" et de ressentir ce qui déjà à l'époque a transcendé cette journée particulière. Si l'on était à la télévision notre regard chercherait le détail, l'envie de reconnaître tel ou tel, de scruter le ciel, les balcons, les anonymes, les photographes… Autant de "points" de dérivation où le fil des mots pourrait se perdre ou rester en arrière-plan sans qu'alors il permette de faire sens. L'écoute, l'attention tendue à l'écoute change tout. Tout vibre dans la tête et les yeux servent à revoir, pas à voir. Ce pouvoir d'évocation de la parole ne pourra jamais être remplacé par le filmage. Chacun a son rôle à jouer. Vouloir donner des images à la radio c'est renier la fonction sacrée de la transmission par la parole et de son corolaire, l'écoute. "On n'écoute plus, on regarde".
Et, dans mon propre panthéon des mots, des souvenirs, les deux mots "Rue Soufflot" (1), je les entends dits par Ferré dans sa chanson "Quartier Latin". Ceux-ci me renvoient à d'autres images, d'autres émotions qui se télescopent avec ce que j'écoute de l'émission. Mais ce sont mes images. Et de cette journée du 21 mai 1981, ce ne sont pas les roses déposées sur les tombes des grands hommes Jaurès, Moulin et Victor Schoelcher que j'ai retenues, mais bien plutôt la liesse populaire des anonymes tellement moins médiatisée.
La radio de Lebrun joue pleinement son rôle de transmission du savoir, d'apprentissage de l'écoute et d'entraînement perpétuel de la mémoire. Pas étonnant que cette émission, plus que les autres, soit la plus podcastée de toutes les chaînes de Radio France. "On ne regarde plus, on écoute".
Quartier Latin (Extrait)
Les années Ça dépasse Comme une ombre
Le passé Ça repasse Et tu sombres
Rue Soufflot Les vitrines Font la gueule
Sans un mot J´me débine J´ferm´ ma gueule
Je r´trouv´ plus rien Tell´ment c´est loin L´Quartier latin
Léo Ferré
(1) Qui monte au Panthéon.
En 81 j'étais encore au collège, enrageant de ne pouvoir voter !! et je me souviens du *sourire* des journalistes à la télé, qui ne pouvaient encore rien dire de précis, et je me suis dit, souriant aussi : "c'est bon, c'est bon !".
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