Jean-Louis Foulquier et Maryse Friboulet © Michel Rougé - 1973 - 2013 |
Jean Lebrun sait aller chercher loin les "débuts" de ses invités. Jamais de façon abrupte. Il coule sa question dans les prémices de ses récits, comme on donnerait la main à quelqu'un d'inconnu pour faire passer le fluide indispensable à un dialogue, où, le temps, mesuré, devra être au maximum dédié à la parole ou au témoignage. Maryse Friboulet a commencé sa longue "carrière" de quarante ans à France Inter en repérant Limoges sur une carte de France pour rentrer à Inter-Services Routes créée par Roland Dhordain (1). C'était un temps ou les hasards faisaient bien les choses. Combien de témoignages de ce genre pourrions-nous recueillir de professionnels qui ont commencé à la radio avec "rien" comme bagage, diplôme ou certificats (2) ? Mais être en cabine pour l'enregistrement des droits d'auteur a été pour Maryse Friboulet sa première expérience "dedans". On voit bien comment ce tâtonnement expérimental, cher au pédagogue Célestin Freinet, était d'un usage courant à la radio quand aujourd'hui il faut être capable de donner des résultats avant même d'avoir engagé une démarche.
On pourrait dire que de façon intuitive Maryse Friboulet a plongé dans la radio par l'écoute de ce qui se passait en régie et de ce qu'elle voyait se dérouler en studio. Observer les savoirs-faire professionnels était le meilleur apprentissage pour comprendre ce qui se vivait sous ses yeux et dans ses oreilles. Maryse Friboulet a été fasciné et "ça a duré jusqu'au dernier jour". Son témoignage est primordial pour comprendre tant les évolutions de la radio qu'un certain âge d'or "où tout (ou presque) était possible". Ces façons "artisanales" de faire la radio ont permis à quelques uns de participer au développement du média et d'y apporter, leur bon sens, leur sens artistique voir même de transcender la petite musique de la parole.
Kriss, for ever |
Qu'il est touchant et sensible d'entendre Friboulet évoquer Kriss et ses "portraits… sensibles". Où l'on perçoit que la complicité, l'intuition et la "cause commune" guident la fabrique de la radio. Si Lebrun aime convoquer le passé il sait faire revenir au galop le présent. Et Maryse Friboulet d'acquiescer au fait que si autrefois les locaux d'inter se prêtaient à la création en "bandes", ceux de Mangin entretiennent "un vaste complot contre la convivialité et la conversation". Et bam : CQFD.
Friboulet enfonce le clou "avec le numérique on passe devant les bureaux et on entend plus rien". Quand on peut imaginer, photos à l'appui, qu'autrefois l'écoute à l'oreille des sons des bandes magnétiques créait une ambiance de marché, de place publique, ou quelque fois sans doute de total recueillement… Et Lebrun de fustiger les "immenses" écrans installés dans les locaux de "La marche de l'histoire" qui empêchent de voir ceux qui se trouvent "cachés derrière". Une fois de plus c'est cette petite histoire de la radio qui rend savoureuse la grande, savante ou érudite. C'est le vécu de Lebrun et de Friboulet qui ne s'en laissent pas conter pour nous faire accroire ou avaler que "maintenant c'est beaucoup mieux qu'avant". Ces très rares moments de "coulisse" me sont précieux et peut-être partagerez-vous ce point de vue, mes chers auditeurs ? Car sinon il ne nous resterait plus qu'à gober l'auto-congratulation permanente que relaient les réseaux sociaux (3).
Et pour fermer en beauté ce moment précieux avec Maryse Friboulet, Lebrun proclame à qui voudrait bien encore l'entendre "La supériorité du son tient à l'invisibilité" et cette citation de Guy de Maupassant "Quand le monde disparaît c'est le son qui disparaît en dernier".
(1) "Père" de la réforme de Paris-Inter et "inventeur" de France-Inter, France-Culture, France-Musique. À l'époque les trois chaînes s'écrivent avec un trait… d'union… à la France !
(2) Ce qui fût aussi le cas d'Agathe Mella,
(3) Et de me réjouir d'entendre Lebrun affirmer "On ne va pas assez dans les régions à France inter".
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