"Un média de service public n’est pas fait pour l’audience mais pour remplir des missions qui sont de faire vivre des valeurs de démocratie, de culture et de création." Jean-Paul Philippot, administrateur général de la RTBF (Radio Télévision Belge Francophone)
lundi 9 décembre 2013
Ceux de France Inter… (3)
L'aurez-vous remarqué, pas une seule fois (1) le nom d'Agathe Mella n'a été prononcé au cours des émissions du cinquantenaire de France Inter ? Et pourtant en 1963 Agathe Mella était directrice de Paris-Inter et de fait du tout nouveau France-Inter (2). Une femme, directrice, oubliée ou éclipsée par Roland Dhordain qui avait été chargé de "rénover" ce "vieux" Paris-Inter, comment une chaîne qui a toujours valorisé l'histoire a t-elle pu commettre une telle faute et par la même un tel manque de reconnaissance pour cette pionnière ? Voilà, s'il en était besoin, un exemple qui montre bien que l'élaboration du cinquantenaire de la chaîne généraliste du groupe Radio France n'a pas été pensée de façon globale et chronologique, mais j'oserai dire "au petit bonheur la chance"…
C'est où la mémoire ?
Je l'ai écrit et déploré de nombreuses fois il n'y a pas de lieu dédié à Radio France qui conserve la mémoire des personnels qui ont fait la radio que ce soit les journalistes, les saltimbanques, les techniciens, les réalisateurs,… Dans plusieurs lieux existent des "petits bouts" de biblio, d'archives, de sons (à l'Ina surtout) mais rien de global ni d'exhaustif. Donc comment des producteurs, des directeurs font-ils aujourd'hui pour choisir, sélectionner, promouvoir des émissions, des voix, des archives ? Qui possède cette mémoire globale, qui peut en parler, qui peut faire des propositions raisonnées (3) ? Qui connaît encore dans la maison Annick Beauchamp, Georges Lourier, Claude Dufresne, Gérard Klein, Daniel Hamelin, Gérard Sire, Brigitte Vincent… (4) ? Comment dépasser le cadre de l'anecdote et construire l'histoire solide d'un média qui continue à séduire 43 millions d'auditeurs par jour ? Sans tomber dans le piège de la pipolisation dans lequel Télérama n'a une fois de plus pas manqué de s'engouffrer en mettant en avant neuf voix de radio archi-connues dont une seule femme.
C'est qui le sélectionneur ?
S'il était imparable de ne pas oublier André Francis (et Julien Delli-Fiori) pour évoquer le jazz à France Inter, comment n'a t-on pas tout fait pour sortir trois jours Bernard Lenoir (5) du bois de son Biarritz de rêve… L'embarras du choix ne peut être une excuse quand il s'agit de mettre en scène cinquante ans de radio presque vingt-quatre heures sur vingt quatre. Imaginons la commémoration du Bicentenaire de la révolution française qui aurait fait l'impasse sur tel acteur du mouvement ou sur tel événement périphérique. Inimaginable ! Et à la radio ce serait possible ? Bien sûr la radio, à peine le présent vécu, regarde immédiatement vers demain, le passé définitivement bon à classer aux archives (6). On peut comprendre alors l'émiettement, les choix arbitraires, l'absence de globalité qui a "guidé" la mise en œuvre de la commémo. À France Culture, pour le cinquantenaire c'est un historien "maison" et une sociologue qui ont rédigé le livre du cinquantenaire (7). Ici, pas de comité scientifique, pas d'équipe pluri-disciplinaire, juste la bonne volonté, les souvenirs épars et une très grosse part d'improvisation.
Je n'ai pas fini d'écouter tout ce qui nous a été proposé donc je reviendrai peut-être dans quelques semaines sur cet événement. J'aimerais, chers auditeurs, lecteurs, vos avis sur ce grand raout qui semble t-il en a laissé plus d'un perplexe et songeur…
(à suivre)
(1) Mais mon écoute est faillible !
(2) Avec le trait d'union, s'il vous plaît !
(3) Comme le catalogue raisonné de l'œuvre d'un peintre,
(4) Voir billet précédent,
(5) Producteur mythique de "Feedback" et de "C'est Lenoir" poussé au micro en 1978 par Pierre Wiehn et José Artur,
(6) radio France produit et diffuse et l'Institut national de l'Audiovisuel (Ina) archive et valorise,
(7) Emmanuel Laurentin et Anne-Marie Autissier, Flammarion, septembre 2013,
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Je suis amplement d'accord avec toi, Fanch....Et comme toi, malgré le grand raout et la promotion à tout va....je reste sur ma faim sur ce cinquantenaire travesti et dérisoire, ces jingles souffreteux, ces oublis impardonnables de ces femmes et hommes de radio qui comptent encore pour chacun de nous ...
RépondreSupprimerEt au terme d'un week-end, il ressort en moi le sentiment intense d'avoir entendu - d'une oreille distraite (heureusement !) - un bavardage sans grand intérêt....Autocongratulations à gogo, autopromotion...Tout cela a quelque chose de vaguement dérisoire et d'inutile....bien dans notre époque, malheureusement.
Certes "la parole est libre" (et elle tourne vite à la logorrhée), mais du coup, nous auditeurs, n'entendons plus la diffférence, pour reprendre les slogans d'antan !
Guillaume HAMON