mardi 16 avril 2019

Lettre ouverte au Ministre de la Culture, Franck Riester…

Monsieur le Ministre de la Culture, 
Vous êtes en période active de consultations en préalable de la future loi audiovisuelle qui devrait être proposée au législateur l’été prochain. Je me permets de vous interpeller car je ne suis pas sûr que vos interlocuteurs vous fassent part de ce qui pourrait apparaître comme un détail.

Yann Paranthoën sous son parapluie de berger
Paris-Roubaix 1981 ©Marc Enguerand 

























Le rapprochement de Radio France et de France Télévisions s’il peut être pertinent d’un point de vue comptable et fonctionnel l’est peut-être moins pour celui de la création audiovisuelle en général et pour la création radiophonique en particulier. Je vais illustrer cela d’un exemple précis.

Passionné par la ferveur populaire qui anime les courses cyclistes je ne peux que louer la qualité des retransmissions que propose France Télévisions et ce depuis de nombreuses années (et dimanche dernier pour Paris-Roubaix). Qui mieux que la télévision publique rend compte de tous les instants de course, en tête, en queue de peloton, des péripéties, des sprints, des arrivées au demi-millimètre près… ? Aucun autre média assurément.

Pourtant un très grand ingénieur du son de Radio France, Yann Paranthoën a, au moins à deux reprises, magnifié Le Tour de France et Paris-Roubaix. Deux très riches documentaires dont l’un a concouru pour le Prix Italia en 1982. À l’écoute de ces deux documentaires, si l’on aime le cyclisme, on accède à des subtilités sportives que la télévision reste impuissante à faire entendre (1).

Pourquoi ? Sans image, Paranthoën a su par le son, ses mixages et son montage, créer un rythme, une ambiance qui rendent compte tant de la ferveur du public que de l’effort des coureurs, des situations exceptionnelles de la course comme de l’euphorie collective. Sans image, je le redis.

Yann Paranthoën au centre, 14 avril 1996
©Marc Enguerand 
















Paranthoën a été beaucoup plus loin qu'un reportage en temps réel. Il a capté des sons que la télévision ne captera jamais. Bien plus que les seuls résultats sportifs il a sublimé les efforts, les abandons, les réussites individuelles et/ou collectives. Il a forcé nos imaginaires à «être dedans, avec, autour» aussi bien que dans la roue des cyclistes filmée par les professionnels de France Télévisions. 

Pourtant la tentation est grande de dire "La TV montre tout, sans image la radio ne peut pas faire mieux". Une autre de "tout mélanger", le son radio et l’image TV, les savoirs-faire radio et ceux de la TV. Mais une volonté politique peut-elle (doit-elle) imposer un "média-mixe", un média surgonflé, bouffi, qui avalerait le média audio sans tenir compte de son identité, son histoire et la fidélité de ses auditeurs, aficionados du son ?

La radio publique ne peut, ne doit être réduite à l'aune de ses matinales filmées (reprises en TV) ou à quelques sketches humoristiques. Dans la future loi audiovisuelle la création radiophonique devrait être sanctuarisée en donnant aux chaînes publiques les moyens, le personnel (producteurs, réalisateurs, équipes de réalisation) pour que leurs productions soient audibles dans les programmes de flux.

En 1974, les promoteurs de l'éclatement de l'ORTF avaient, quelques jours avant la promulgation de la loi, oublié les archives radiophoniques qui avaient fini, sur le fil du rasoir, par trouver un point de chute à l'Institut National de l'Audiovisuel créé pour l'occasion. 

En 2019, la radio doit absolument être confortée dans ses missions, ses moyens humains et techniques et ses développements qui dépassent le "tout numérique" trop souvent agité comme seule source de salut. L'audio, le son doivent trouver leur pleine puissance en radio. C'est le véritable challenge du XXIème siècle. Ne jetons pas la radio avec l'eau du bain…TV.

Recevez, Monsieur le Ministre de la Culture, mes sincères salutations.

(1) "Yvon, Maurice et les autres… et Alexandre ou la victoire de Bernard Hinault dans Paris-Roubaix 1981", France Culture, 1982, une version de 45' a été produite pour concourir pour le Prix Italia,
"Le Tour de France 1989 de Vincent Lavenu, dossard 157", France Culture, 1990,

J'ai posté ce jour, en papier, cette lettre au Ministre de la Culture.

2 commentaires:

  1. Merci Fanch pour votre soutien fidèle à la radio que nous aimons. Merci aussi pour votre éloge de Yann, talent inoubliable. Cela nous met un peu de baume au cœur à nous qui vivons la "révolution du média global" de l'intérieur...

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    1. Merci ;-) Ici l'explication de ma réponse tardive ! https://radiofanch.blogspot.com/2019/09/alerte-quelque-chose-coince-dans-la.html

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