dimanche 12 août 2012

Gérard Sire réenchanté…

 


À défaut de grives j'ai fait avec des merles. Ce n'est pas très courtois de commencer ainsi avec Gérard Sire ! L'absence de documents sonores en ma possession m'a récement incité à lire un joli recueil de contes écrit par lui (1). Dès les premiers mots que j'ai lus je n'ai pu faire autrement que d'entendre, très présente, sa voix tellement entendue à la radio. "Naturellement", j'ai essayé, sans me forcer, de retrouver son tempo, ses scansions et de retrouver le velours de sa voix qui, l'après-midi sur France Inter, nous transportait exactement là où il savait nous faire aller (2).

J'ai pris le temps de la mesure de ses récits. Et, comme le conseille son bon ami Jean Yanne en préface, je n'ai pas tout lu d'un coup. M'en gardant pour les belles rousseurs d'automne et même les petits froids d'hiver. Ici, il ne s'agit pas de consommer (horreur), il s'agit de respecter quelques étapes pour commencer à rêver. Entrer par la petite porte, marcher à pas de loup et tranquillement se poser dans l'histoire, en ombre ou en transparence. Car Sire en quelques secondes, bienveillant et attentionné, nous a pris par l'oreille et soufflé "venez, approchez, écoutez ce petit morceau de vie ! Vous êtes bien ? Alors faufilez-vous entre les lignes, je vous laisse, j'ai à faire."

Plus subtilement que Claude Sautet (3), Gérard Sire raconte les choses de la vie, simples, banales, tragiques, où l'indicible se faufile dans chacun de ses récits, en filigrane ou en toile de fond. Sire s'inspire du quotidien apparemment le plus ordinaire. Il y ajoute sa poésie de conteur, une petite cuillère de cynisme et sa bonhomie de rêveur. Il aime les pirouettes, les rebondissements, les clins d'œil et une certaine farce noire semi-comique ou semi-tragique suivant le côté d'où on l'observe. Il savoure ses mots pour les offrir à ses auditeurs sachant parfaitement tourner sa langue sept fois dans sa bouche, sans jamais se priver de fustiger malicieusement la société de consommation galopante et d'y ajouter une bonne dose de dérision ou de fatalisme.

Sire, de ses larges ciseaux, cisèle les contours de ses personnages, de ses géographies et de ses intrigues sortis tout droit de sa besace magique. Il les découpe avec soin et minutie, place ses découpages sur sa table de travail, puis, sans lacher sa cigarette, met en place avec quelques sourires satisfaits sa petite commedia dell'arte. Son affaire s'enroule chaque jour à l'antenne sans aucune fioriture. Avec "juste" un immense supplément d'âme. Sire enfile les perles sans avoir jamais l'air d'y toucher, comme ça entre deux, pour passer un bon moment et sortir subtilement d'une mécanique radiophonique déjà trop bien huilée.

Sire était un magicien sublime de la parole. Discret, il portait sa part de mélancolie en bandoulière. Il écrivait pour la radio et mettait de la radio dedans (4). Vous pouvez me mettre trois secondes de Sire au milieu d'un océan de sons, j'accroche, me fige et savoure l'immense plaisir d'être en retrouvailles. Sire touchait au cœur, juste parce qu'il était tendre et simple. Et c'est bien cette part d'humanité-là qui manque cruellement aujourd'hui à la radio.

(1) Le clown et autres contes, Jean-Claude Simoën éditeur, 1978,
(2) Une immense voix, années 60 et 70, voir aussi l'audioblog d'Hervé Hist, pour un pett bout de son de son émission "Omnibus" 14h-17h, France Inter, du lundi au vendredi,
(3) Cinéaste, qui produit avec Romy Schneider et Michel Picoli "Les choses de la vie", en 1973,
(4) Amenant Pierre Bouteiller (Embouteillages, France Inter, magazine du lundi au vendredi 9h) dans "La collection" et dans "Le supermarché", Garretto et Codou pour "TSF 71, future L'Oreille en coin

6 commentaires:

  1. Bel hommage à Gérard Sire. Une voix dont on se rappelle qu'on l'a trouvait particulière mais que l'on n'a plus en mémoire. Où l'entendre sur la Toile ?

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  2. @ Philaunet : les documents se font rares et d'autant plus sur la toile. Vous ne trouverez nulle émission, mais quelques perles y nichent encore notamment cecei : http://www.ina.fr/divertissement/humour/video/CPF86625958/jean-yanne-sur-france-inter.fr.html avec jean yanne.

    Je vous conseille également le DVD que nous avons édité il y a quelques années avec France Inter et qui est encore disponible : http://www.lirentousens.com/3234-contes-de-noel-pour-adultes-sire-boucq-cd-audio.html

    Cordialement
    Benjamin Sire

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  3. Pour répondre d'une part à l'émouvant hommage de Fãnch et à ce qui vient d'être écrit par Benjamin Sire, en réponse à Philaunet, j'aimerais ajouter qu'il y a eu aussi la radioscopie du Père Noël par Jacques Chancel, émouvante participation de Gérard Sire à l'oeuvre du bon papa ! 55 minutes de gentillesse et d'humour et même si l'on aimait Gérard avant tout pour lui-même, pour l'homme de radio, pour le conteur avec cette voix tellement unique et familière, tout est bon à prendre si cela permet de le réentendre et merci à Chancel d'avoir fait cette radioscopie un beau soir, le si joli soir de Noël 1970. Et que j'entendis en rediffusion et enregistrai pour ma part un autre soir, le si triste soir du 22 novembre 1977 alors que Gérard venait de nous quitter "pour rejoindre son quelque part" pour reprendre, je crois, les mots touchants de Jacques Chancel.

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    1. Fort heureusement cette radioscopie du Père Noël est d'ailleurs intégrée au coffret de CD de contes de Noël mentionné par Benjamin Sire.

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  4. Merci à vous trois pour vos commentaires et vos références. C'est du bon ! Ce que je recherche c'est écouter Gérard Sire dans le contexte de son époque. Je quête et guette une (ou deux) émission intégrale d'Omnibus son émission de 3h sur France Inter… L'appel est lancé.

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  5. « Contes de Noël pour adultes » : je viens d'acquérir ce petit coffret. Alors oui : le talent du conteur et celui de l'écrivain sont au rendez-vous pour mon plus grand plaisir et il est agréable de réentendre sa voix, même si la qualité de l'enregistrement laisse parfois à désirer.
    Cependant, je déplore que le titre laisse accroire l'idée que l'on nous propose des histoires sur le thème de Noël, alors qu'il n'en est rien. On se laisse d'autant plus aisément abuser que le coffret comprend également l'enregistrement d'une Radioscopie consacrée au Père Noël (au demeurant affligeante, eu égard au niveau de qualité auquel Jacques Chancel nous avait habitués). Dommage : Gérard Sire méritait mieux, je trouve, que ce que je considère constituer une entourloupe...
    Claude

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