"Quand j'étais encore plus petite, parce que j'avais quelque chose à dire sur tout, ma grand-mère me surnommait "La radio". C'était mon premier pseudonyme. Nous habitions à deux cent mètres d'un immense chantier qui me fascinait. Je n'avais pas le droit d'aller y jouer toute seule, mais parfois, sur mon tricycle, je m'en approchais, mine de rien. je ne savais qu'on y construisait la Maison de la Radio."
C'est ainsi que Kriss (Graffiti) (1) conclu son livre de sagesse (2). Kriss y est égale à elle-même. Vous ne trouverez pas là de recettes, de leçons (de maintien au micro) ou même d'astuces pour réussir une émission. Mais bien plutôt ce qui entre intuitions et bon sens a permis à La Kriss de faire un long et beau chemin à la radio publique. Jean-François Remonté l'a décrit ainsi "Kriss Graffiti utilise sa voix d'adolescente sexy à tililler l'amour propre de ses prochains." (3) On est en 1969, et je peux dire que, moi même adolescent, Kriss m'a troublé au point d'en faire une icône avant même qu'elle ne le devienne définitivement quelques années plus tard. Garretto et Codou lui offrent un bout de leur "Oreille en coin" (4) où elle aura toute sa place parmi quelques producteurs de légende (5).
"La nuit dans les couloirs [de la Maison de la Radio], on ne croise personne, mais derrière chaque porte on sait qu'il y a des vies qui attendent d'être diffusées… des rêves, des chagrins, des coups de génie.Le matin nous sommes des colporteurs, à midi des bateleurs, l'après-midi des complices, le soir des confidents et la nuit des marchands de sable." Avant de créer ses "Portraits sensibles" (6), il est évident de dire que Kriss portait la sensibilité en sautoir. Une sensibilité à fleur de peau et de cœur. Et c'est ça qui passait par dessus-tout à la radio. Que de bonnes ondes ! Une bouffée de bonheur et d'humanité chaque jour ça change un peu plus la vie que des slogans politiques bidons.
Kriss dans ce livre témoigne de ses tâtonnements, de ses doutes, de quelques certitudes et de son humilité à toujours vouloir remettre sur le métier ce qui n'est jamais acquis. "Comment faire cette cette "radio de création", montée, écrite, en tenant le rythme ? Faut-il sacrifier la forme pour privilégier la spontanéité ? Mais la forme c'est du sens." (7)
J'ai écrit ce billet pour conjurer le sort de "cette daube fumante" que j'ai dénoncée dans le billet précédent. Kriss a porté très haut son métier de femme de radio, sans spectacle, sans buzz, sans artifice. Elle rayonnait par dessus tout. Pierre Bouteiller disait d'elle "C'est une voix en mini-jupe". Sa voix, ses élans, ses rires sont pour toujours au Panthéon de la radio. Salut La Kriss !
Réécoutez ici l'hommage que lui a rendu Thomas Baumgartner dans ses "Mythologies de poche de la radio".
P.S. : Si vous avez quelques enregistrements de cette émission ou si vous connaissez des auditeurs qui les auraient enregistrées, merci de laisser un message en commentaire pour que Delphine et d'autres puissent se mettre en contact avec les heureux possesseurs de cette "mémoire" radiophonique…
(1) Corinne Gorce pour l"état-civil. Productrice et animatrice de radio à France Inter,
(2) La sagesse d'une femme de radio", L'œil neuf éditions, 2005,
(3) Les années radio, Jean-François Remonté, Simone Depoux, L'arpenteur, 1989,
(4) C'est pour la saison 72-73 que TSF 68, 69, 70 et 71 prendra le nom de "L'Oreille en coin",
(5) Paula Jacques, Marie-Odile Monchicourt, François Jouffa, Simon Monceau, Jacques Trémolin, Agnès Gribes, Emmanuel Den, Katia David, Daniel Mermet, Claude Dominique… et puis Leïla Djitli,
(6) France Inter, 2000-2004,
(7) Qui voudrait, voudra faire de la radio de création à France Inter aujourd'hui ?
Si vous avez une astuce pour pouvoir réécouter les portraits sensibles, je suis preneuse. Parce que même sur le site de l'INA, il n'y a rien...
RépondreSupprimerMerci pour votre blog, très intéressant!
Bonsoir Delphine, il n'y a malheureusement pas de solution immédiate. Je vais ajouter un P.S. au bas du billet pour solliciter ceux qui auraient enregistré cette émission et en auraient conservé les enregistrements…
Supprimer(à suivre)
Super! Je vais suivre l'affaire!
RépondreSupprimerJe découvre votre blog...
RépondreSupprimerPeut-on s'abonner ?
Bonsoir Zazie ;-) Venez quand vous voulez. Cette saison je publie sur 68 le lundi et vendredi et ensuite au gré de mes humeurs. Vous trouverez l'émission que j'ai faite avec Chantal Pelletier (qui a écrit "À cœur et à Kriss") pour Longueur d'Ondes 2017 : https://radiofanch.blogspot.fr/2017/02/kriss-pas-la-pas-loin.html
SupprimerBonne nuit ;-)
Bonjour Fanch, j'ai su mais trop tard qu'une rediffusion de portraits avait été programmé fin 2019 pour les 10 ans de la disparition de notre amie Kriss. Sais tu où il est possible de les réécouter, y a t il un podcast pour l'ensemble des rencontres ? Nous avions été invités à Issy les Moulineaux, tous les "modèles", plus de 400 de mémoire ne tout. C'était une belle fête, douce, soyeuse, généreuse. Je ne sais aps ce qu'est devenue la maison. Le jardin, la porte bleue, les chatons barbouilleurs... Bien sincèrement. Thézame Barrême
RépondreSupprimerBonjour Thézamme ;-) Oups ! Alors regarde sur le site de France Inter, sur France Inter+, l'émission du soir (23h) qui envoie du replay. En novembre 2019 (du 25 au 28) diffusion de 4 portraits sensibles, réécoutables sur le site, mais inaccessibles en podcast sauf la rediffusion de 2 portraits le 3 janvier (il faut s'abonner au podcast) ! Voilà ! Pourrais-tu en privé fanch.langoet@wanadoo.fr me parler de cette fête des 10 ans ? Tous les ans je publie un petit mot pour Kriss le 19 novembre https://radiofanch.blogspot.com/2019/11/kriss-quelque-chose-dancre-vie.html et là https://radiodepoche.blogspot.com/2020/04/raconte-kriss-raconte.html Merci et bonne journée ;-)
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