"Un média de service public n’est pas fait pour l’audience mais pour remplir des missions qui sont de faire vivre des valeurs de démocratie, de culture et de création." Jean-Paul Philippot, administrateur général de la RTBF (Radio Télévision Belge Francophone)
mercredi 30 juillet 2014
Libéradio késaco…
Le journal Libération fondé en 1973 par Jean-Paul Sartre et associés (sic) a mis en ligne depuis quelques jours "Libéradio" qui fait suite (après interruption momentanée du son) à Radio Libé. Première remarque, Radio Libé sonnait dans son titre comme si elle avait été créée en 1981 (1). En "poussant" le titre on pouvait entendre/imaginer "Radio Libé…(rée)". Libéradio quant à elle fait tout se suite plus classe. Pour essayer de comprendre les raisons qui poussent un journal papier à créer une web-radio j'ai interviewé Florent Chatain (2) responsable éditorial du projet.
Radio Fañch : Pourquoi avoir lancé Libéradio ?
Florent Chatain : L'idée en revient à Pierre Faidenraich (3) au titre de la diversification du journal. Nous disposions déjà d'un studio existant. Nous voulions une diffusion web. Le projet c'est de réaliser un programme à la demande. Ce programme pourra ensuite être "tronçonné"/éclaté pour accompagner les pages du journal dont il présentera aussi les coulisses.
R.F. : Pourquoi "publier/mettre en ligne" à 21h, pour coïncider avec le bouclage du journal ?
F.C. : Oui le programme radio est interdépendant du journal. C'est un bon "teasing". À partir du moment où l'ensemble des médias ont pris connaissance de la une de Libé, nos lecteurs peuvent en écoutant en savoir plus sur le contenu du journal du lendemain.
R.F. : Vous appelez "radio" une séquence, une émission qui dure une vingtaine de minutes. Pourquoi l'appeler comme ça ?
F.C. : C'est un programme comme celui d'une matinale des généralistes de la bande FM. C'est aussi une esquisse de "laboratoire" amenée à prendre de l'ampleur, avec l'objectif de devenir une radio et un programme de qualité. Nous allons augmenter en densité. On veut être modeste. En faire moins long chaque jour (que les généralistes, ndlr) mais s'inscrire dans la durée. Nous disposons des compétences de 250 journalistes qui chacun peuvent compléter le travail qu'ils ont réalisé pour l'édition papier. Cette interaction est la base du projet.
R.F. : À qui s'adresse cette radio ?
F.C. : Aux lecteurs de Libé d'évidence. Ceux qui lisent le journal, ceux qui l'ont lu. On vise la "communauté Libé". Entendons-nous bien sur le mot communauté, dans notre esprit il s'agit de toucher ceux qui, un jour ou l'autre, ont eu un lien avec Libé, un souvenir, une une, une époque. Ce lien commun, cette histoire qui nous unit c'est aussi ça que nous voulons transmettre. Pour nous la radio c'est aussi l'avenir de Libé.
R.F. : Les abonnés sont-ils prioritairement informés de la mise en ligne quotidienne de Libé Radio ?
F.C. : Oui bien sûr. Mais les internautes vont très vite avoir le réflexe 21h s'ils veulent connaître le contenu de la future édition du journal.
R.F. : Est-ce que la radio serait une incitation à lire le journal papier ?
F.C. : Bien sûr. Particulièrement si les compléments développés dans le programme , - choix et analyse de une, archives, portrait, … - aiguisent la curiosité.
R.F. : Pour votre programme vous reprenez certains codes de la radio avec jingles, annonces, voix "off"… Au fil de l'écoute on s'attend à écouter d'autres émissions mais le programme s'interrompt. C'est un peu frustrant. Pourquoi Libé ne développe t-il pas une radio sur son "modèle" papier ?
F.C. : Cette web-radio est adaptée à la consommation Internet. Le programme est en boucle sur lui-même. Consommé par "petits bouts" ou dans son intégralité. C'est actuellement une version Béta et une rampe de lancement pour ce que nous préparons pour la rentrée. Notre radio sera faite par nos journalistes qui vont appréhender deux "mondes" ou deux modes d'expression complémentaires : l'écrire et le parler. Mon objectif est clair, je veux aller chercher les auditeurs d'Inter qui souvent doivent être des lecteurs de Libé, et faire beaucoup mieux que la matinale d'Inter ou des autres généralistes.
R.F. : Très vite si l'auditeur est lecteur il va se sentir complice, avec les voix des journalistes, l'ambiance et les coulisses du journal mais, les autres, plus occasionnels, ne risquent-ils pas de se sentir exclus ?
F.C. : Nous devons trouver un équilibre entre coulisses et contenus. Le plus grand écueil pour les coulisses serait de devenir nombriliste et de très vite tourner en rond. C'est un dosage subtil sur lequel nous travaillons. Notre programme radio va prendre un volume plus important et proposer une qualité en adéquation avec ce que nous proposerons. Un rendez-vous politique, des échos et des chroniques.
R.F. : Libé Radio s'est associée à Radio Goom (4), pourquoi ?
F.C. : C'est une association naturelle, un intérêt commun de gens qui font de la radio.
(Rendez-vous a été pris avec Florent Chatain pour en reparler, une fois ce programme plus élaboré mis en ligne)
J'ai écouté plusieurs épisodes de cette webradio et à peu près chaque jour à l'heure de sa publication après 21h. Sans doute très influencé par les revues de presse radio si un sujet m'intéresse j'ai envie "immédiatement" de le lire dans le journal et d'aller l'acheter (comportement phénoménologique d'un autre siècle). Si je suis abonné c'est possible en numérique. Mais si je veux "l'effet papier" il me faudra attendre le lendemain et entamer le long parcours du combattant pour accéder à un… kiosque ne recevant que trois exemplaires de Libé/jour. Et d'ici le lendemain je risque d'oublier. En même temps si l'épisode était publié le matin personne n'aurait le temps de l'écouter. L'équation n'est pas évidente. Considérons donc que cette radio stimulera et donnera envie d'une lecture écran, cela restant sans doute pour le papier très aléatoire.
Ajout du 14 octobre 2014
Libéradio est sur la RNT à Paris.
(1) À c't' époque ma bonne dame, Libé était préoccupé par la refonte du journal qui après un n°d'anthologie publié mi-février 1981, titrait "je t'aime moi non plus" et annonçait la fin d'un cycle, pour "mieux" reparaître le 12 mai 81 (deux jours après l'élection de François Mitterrand) avec en une "Il est mort le soleil" (pas encore celui du socialisme) suite au décès de l'icône jamaïcaine Bob Marley,
(2) Journaliste, ex- Europe 1 et France Inter,
(3) Directeur opérationnel de Libération depuis avril 2014,
(4) Goom est un bouquet de webradios et radios numériques prestataire de diffusion pour de grandes marques désirant développer une webradio, créé par deux anciens collaborateurs d’NRJ (source Wikipédia).
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