Ariane Mnouchkine "on air" France Musique |
Qui pourrait dire qu'Ariane Mnouchkine n'était pas solaire hier matin sur France Musique ? Elle était à sa place. France Musique était à sa place. Et la culture aussi. Quand tous les artistes disent qu'il faut s'engager, s'exposer et défendre la création par dessus tous les obscurantismes, France Musique donnait une tribune à Mnouchkine, Johann Sfar (dessinateur) et Hédi Kadour (poète tunisien). Et de façon apaisée chacun a pu être "au-dessus du nid de coucou" et transcender la terreur des attentats.
L'on pourrait se demander pourquoi Ariane ne déroule pas/plus son fil sur France Culture ? Question aussi sotte que grenue ! Il y a belle lurette que la culture a déserté la matinale de cette chaîne pour ne pas dire la quasi totalité des programmes de la chaîne. À moins que sous le mot culture on fourgue l'info, l'actu, le commentaire sur l'info, celui sur l'actu, et la logorrhée de l'armée mexicaine des chroniqueurs de tous poils et à tous les étages.
France Musique, depuis la rentrée 2014 a pris la main sur "La matinale culturelle" (1) au nez et à la barbe d'un d'Arvor, suffisant, qui n'avait rien fait pour sortir du bois du mimétisme d'avec France Inter. En en rajoutant à satiété. France Culture hier matin ressassait les commentaires, les analyses, les points de vue jusqu'à s'enfermer dans la rhétorique (2) quand France Musique ouvrait les champs de l'espoir et de l'avenir.
Si vous me dites, "si ces deux chaînes ne font pas la même chose, tant mieux" ! Oui tant mieux ! Mais quelle plus-value Culture apporte-t-elle par rapport à Inter ? Aucune, sauf à vouloir se rehausser du col et de la médiamétrique sanction. Combien de temps laissera-t-on s'installer autant de doublons quand Mathieu Gallet prône la complémentarité des chaînes ? La représentation nationale (députés et sénateurs) aurait tout intérêt à ne pas la mettre en doute, des fois que ça pourrait l'inciter à faire des propositions radicales !
Il y a encore quelques mois France Musique était très menacée. On parlait de son passage en web-radio et d'un arrêt de sa diffusion en hertzien. Marc Voinchet est en train de montrer comment "sa" chaîne peut trouver sa place au sein du groupe public. Je n'en dirai pas autant de France Culture où la parlotte autour d'une table est devenue une liturgie, à l'exception d'émissions solides qui résistent, vaille que vaille, à la mode du "talk" (3). Mais comment ne pas regretter les heures de gloire de Jaigu et Borzeix (4) qui savaient ce que culture veut dire. En ces temps-là Mnouchkine et bien d'autres seraient venus débattre de culture et non pas "du comment du pourquoi du parce que" qui sature France Culture aujourd'hui.
Et si on était en novembre 1963, pas sûr que Roland Dhordain (5), ne choisisse le nom de France Culture pour celle qui s'appelait RTF-Promotion ? La typologie "France Culture" s'étiole depuis l'arrivée de Laure Adler comme directrice de la chaîne en 1999. Le direct devenant un crédo, le documentaire un produit rare et le long format une exception estivale.
Je préfère assister jour après jour à l'évolution de France Musique que de devoir supporter la tyrannie de l'info qui a envahi France Culture. Voinchet a pris à bras le corps l'"animation" de France Musique en redonnant confiance aux producteurs, en cherchant à créer une identité forte. Et, tant que France Culture continuera à s'enfermer dans l'info et l'infotainment, les auditeurs iront chercher la culture ailleurs.
On aimerait assez que Mathieu Gallet mette en pratique son objectif de "complémentarité des chaînes" et que ce ne soit pas qu'une déclaration d'intention. Et mieux, que ce soit très lisible sur une grille de programme ce qui, hier matin, n'était pas le cas. Johann Sfar a du sauter de France Musique à France Inter. Il s'agit bien là d'éditorial et pour paraphraser le bateleur Pierre Bellemare je dirai "Il y a sûrement quelque chose à faire Monsieur Schlesinger !" (6).
(1) Du lundi au vendredi 7h/9h30, Vincent Josse
(2) Avec la légérété d'un Guillaume Erner dont on pouvait craindre l'humour type "Le fond de l'air Onfray" comme il avait titré la matinale, le jour où il recevait le philosophe,
(3) Outre que le mot anglais définit un type de radio existant dans le paysage français, je suis raccord avec la nouvelle façon de nommer les émissions sur cette chaine : "soft power", "creation on air"…
(4) Directeurs de France Culture de 1975-1984 et de 1984-1997,
(5) A suivi et élaboré la réforme des radios publiques qui donneront lieu à la création de France Inter, France Culture et France Musique. Futur patron de France Inter, et futur responsable de la radio au sein de l'Ortf,
(6) Directeur éditorial des sept chaînes de Radio France.
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