Combiné Radio/TV… bar |
Ne soyez pas surpris mes chers auditeurs pour ce billet qui évoque les stratégies audiovisuelles de France Télévisions. Je l'ai écrit dès la lecture du rapport Schwartz, flotte dans l'air l'idée d'un rapprochement, à pas lents et subtils, des entreprises de l'audiovisuel public pour refonder, peu ou prou, ce que Giscard d'un revers de main méprisant avait balayé en 1974. En ce qui concerne la chaîne d'info en continu France Info est aux premières loges. La création de cette nouvelle "chaîne" à l'horizon septembre 2016 est un enjeu pour chacun des acteurs de la radio et de la TV. État des lieux.
Historique
En décembre 2014, Rémy Pfimlin, Président de France Télévisions (1), annonce son intention de créer une chaîne numérique d'information en continu. Quelques mois plus tôt lors de la conférence de presse de rentrée de Radio France, Laurent Guimier (2), nouveau patron de France Info avait annoncé le projet, pour sa chaîne, de devenir un média global avec, dans quelques mois, la création d'un flux vidéo (3). Et alors, et alors et alors… Schwartz est arrivé début mars pour pondre son rapport et faire entendre (encore) que les patrons de l'audiovisuel public avaient intérêt à s'entendre, et particulièrement sur ce sujet, sinon l'État pourrait être tenté de jouer une "reconstitution de ligue dissoute" à savoir feu-ORTF (4) que le libéral Giscard, en tant que président de la République, avait décimé moins de 80 jours après son élection en mai 1974.
Pflimlin est sorti du jeu en août et Delphine Ernotte l'a remplacé sur le grand échiquier (sic) de la télé publique. Et, comme sorti de son chapeau qu'elle ne porte pas encore, elle annonce, tout de go, son objectif de créer une chaine d'information en continu et en numérique. Tiens donc ! Elle connait le projet France Info, a lu le rapport Schwartz et sait bien qu'elle ne pourra jouer une création ex-nihilo en solo. Pour autant on va le voir Ernotte a bien envie d'être LE pilote… (5)
Radio, TV, électrophone |
Comme si ça ne suffisait pas de m'être appuyé deux heures de commission mercredi au Sénat, j'ai remis ça jeudi pour écouter plus de trois heures Ernotte répondant aux députés sur son projet stratégique. Là on peut voir à quel point la télévision fait partie du quotidien de ces élus, tant ils citent avec application telle émission, tel animateur, telle chaîne. Le tout agrémenté d'une mémoire à nous faire tirer les larmes quand ils évoquent Chancel ou Pivot (6). Ernotte n'a pas manqué de faire un joli paquet bien ficelé pour présenter "son" bébé de "chaîne info" et, sans vergogne… prendre la main.
La chaîne d'info en continu version Ernotte
"Nous allons lancer en septembre une chaine d’info publique. Une chaine d’info d’abord numérique et qui pourra après être dispo sur la Télévision Numérique Terrestre. Cela avec Radio France, France 24, Arte et l'Ina. Tout le service public va se mettre au service de cette information [en continu, ndlr] particulièrement pour ceux qui ont déserté les canaux traditionnels."
Même topo le lendemain dans le Figaro : "Le cœur du projet est de faire travailler ensemble des rédactions de différents partenaires publics. Nous ne créerons pas de rédaction autonome mais au contraire nous agrégerons des modules d'information clairement estampillés (sic) France Info, France 24, France 2, France 3 ou le réseau Outremer 1ère. Il n'y a pas de volonté hégémonique (re-sic), ni de désir de créer une structure juridique unique. On peut travailler avec une équipe légère chargée de syndiquer les contenus sans remettre en cause les organisations existantes". Cesselaoui ! Autant dire un genre d'usine à gaz.
Même topo le lendemain dans le Figaro : "Le cœur du projet est de faire travailler ensemble des rédactions de différents partenaires publics. Nous ne créerons pas de rédaction autonome mais au contraire nous agrégerons des modules d'information clairement estampillés (sic) France Info, France 24, France 2, France 3 ou le réseau Outremer 1ère. Il n'y a pas de volonté hégémonique (re-sic), ni de désir de créer une structure juridique unique. On peut travailler avec une équipe légère chargée de syndiquer les contenus sans remettre en cause les organisations existantes". Cesselaoui ! Autant dire un genre d'usine à gaz.
Si, si regardez bien y'a la radio… en tout p'tit |
Décryptage : le "Nous" d'intention, et pas du tout royal, pourrait laisser accroire que cela concerne les entités publiques de l'audiovisuel dans un projet "fédéré". Eh ben non, ce "Nous" c'est France Télévisions en tête, en opérateur quoi. Nous, France Télévisions, allons faire et agréger les p'tits camarades qui bien sûr seront mis à contribution. Ben tiens, sauf que c'était pas du tout le projet de France Info qui, elle, pensait "collectif" : une rédaction, une équipe, et un flux linéaire. Il est bon ici de rappeler l'hégémonie de la télé qui ne s'imagine jamais autrement que sur son trône étincelant. Wait and see.
Autant dire que la fameuse "représentation nationale" guette au coin du bois et attend de l'intelligence, de l'esprit public et de la mutualisation. Quant aux égos… au poteau. Franck Riester (député), le même qui suggère de créer "une BBC à la française" (7) ne lâchera pas l'affaire et l'on peut dire que le décompte à rebours à commencé. La chaîne d'info c'est le premier étage de la fusée (8).
Vous la voyez la-bas à l'horizon la France… Bleu
Riester lui la voit très bien et n'hésite pas à poser la question (qui tue) à Ernotte "En ce qui concerne FTV3 irez-vous vers un rapprochement avec France Bleu ?" Ça on pourrait dire que ce serait le deuxième étage de la fusée et si Esclatine, le patron de France Bleu, n'avait pas été lui-même en commission au Sénat avec Mathieu Gallet il aurait sans doute avalé son chapeau qu'il ne porte pas non plus. Ernotte ne répondra pas. On dira donc qu'il n'y a pas que les autruches qui ont la tête dans le sable.
En conclusion, la mise sur orbite dans 5 ans d'une ORTF new-look enverra définitivement Giscard au précambrien de l'audiovisuel public. Et, nom d'un p'tit Mac Luhan, il ne l'aura pas volé (de bois vert).
En conclusion, la mise sur orbite dans 5 ans d'une ORTF new-look enverra définitivement Giscard au précambrien de l'audiovisuel public. Et, nom d'un p'tit Mac Luhan, il ne l'aura pas volé (de bois vert).
Le chien de Giscard |
(1) Nommé par Sarkozy (2010-2015), Pfimlin est dans l'œil du cyclone tant la prolongation de son mandat au-delà d'août 2015 est hautement improbable,
(2) Nommé par le nouveau Pdg Mathieu Gallet en mai 2014,
(3) Ce qui sera fait le 4 mars 2015, (jour de la publi du rapport Schwartz),
(4) Office de Radio et Télévision Française 1964-1974,
(5) Les rencontres des intéressés ont commencé
(6) Allant jusqu'à demander à Ernotte de programmer à une heure de grande écoute l'hommage à Pivot à l'encontre de ce qui avait été fait pour Chancel très tard dans la nuit,
(7) Le Figaro, 14 septembre 2015,
(8) Ernotte parle aussi de reglobaliser l'audiovisuel public.
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