lundi 25 janvier 2021

Ça s'entend pas… à la radio !

J'ai bien conscience, avant même l"écriture d'un tel billet, que les auditeurs de la radio publique se satisfont de ce qu'ils entendent sur l'une ou l'autre des sept chaînes de Radio France, à partir du moment où ça ne bouscule pas trop ce qu'ils sont venus y chercher. La cuisine interne, l'arrière-cuisine et les coulisses ne sont pas leurs préoccupations essentielles. Aussi quand sur son site, le 20 janvier, le quotidien Libération publie une longue enquête sur Fip, on imagine qu'à l'issue de la lecture les auditeurs pourraient dire "Nous, tant que Fip conservera ses programmateurs géniaux, leurs enchaînements subtils et un éclectisme exceptionnel nous resterons ses meilleurs aficionados !" Circulez y'a rien à voir" aurait dit Coluche ! Mais encore ?

Je vous "parle" d'un temps…
En régie, à gauche le chef d'antenne Ph.Raynal
à sa droite le technicien Guy Testa.
En studio, un journaliste et deux animatrices
(sans doute celle qui termine et l'autre qui va commencer ?)













Pour ses 50 ans Fip a changé, Fip va changer ! Pourquoi ? D'abord parce que la radio de service imaginée par Roland Dhordain en 1970 et, créée en 1971 par Garretto et Codou, a vécu ! Exit les points circulation, les 2'/h d'infos générales, les infos culturelles locales (1). L'heure est à la re-cen-tra-li-sa-tion - à Paris - et au label "chaîne nationale" puisqu'avec le DAB+ Fip sera progressivement audible sur tout le territoire métropolitain.

Ce qui m'a intéressé dans l'enquête de Libé c'est l'incursion insidieuse de "directives musicales" venant mordre sur l'autonomie et la liberté créative des programmateurs. Et ça, ça mange du pain, non ? La verticalisation managériale de Radio France s'insinue partout. Et la création d'un Directeur musical des antennes peut laisser craindre, par exemple, que des orientations influencées par des majors s'imposeraient aux programmateurs. Que les labels indé(pendants) perdent petit à petit l'exposition dont ils disposent sur Fip. Et puis une ligne édoitoriale qui suggèrerait "Pas de morceaux qui parlent de drogues, moins de hip-hop ou d'électro, plus de standards… et faire de la station un cocon musical" (2) Ça, c'est plus de la "cuisine" c'est le bouleversement même de l'ADN de Fip ! 

Dans la même veine, le trio qui opère aujourd'hui - chef d'antenne (réalisateur), technicien, animatrice - pourrait évoluer. Le chef d'antenne ne serait plus présent en régie, le technicien risquant de se voir confier la réalisation. L'"auto-réalisation" que des réalisatrices et réalisateurs de Mouv' et France Musique dénonçaient en janvier 2020. Si ça c'est vraiment de la cuisine interne et qu'il ya très peu de chance que l'auditeur en entende les effets à l'antenne, c'est bien l'esprit du travail d'équipe qui vole en éclat. La "famille" Fip qui fut longtemps sa marque de fabrique va disparaitre et définitivement s'affranchir des principes qui l'avaient crée.

Une ambiance, une autonomie, une "horizontalité" des rapports humains sur un même bateau. C'est bien l'accumulation de ces mutations, amorcées depuis 2014 (et la Présidence de Mathieu Gallet (3), qui change la donne et qui, petit à petit, créera des conditions de travail, de création, de réalisation, de diffusion avec moins de moyens (techniques et humains), moins de temps de reportage, moins de temps de montage et mixage. De plus en plus de moins, pour faire accroire à de plus en plus de plus ! Soit le grand déploiement tout azimut de la com' à tous les étages et sur tout les supports H24.


 







Il y a deux postures : ce qui se passe en interne et qui est secret. Ce qui se dit partout pour donner le change. Les audiences, les effets d'annonce, l'événementiel qui permettent à la radio publique qu'on parle d'elle tout le temps, quitte à diluer la critique et ne plus donner envie à personne d'en user ! C'est un fléau sociétal. C'est l'angle unique du consumérisme - audiences de flux et de podcasts - et les litanies sans fin des "récompenses" obtenues par Radio France, par une chaîne, une directrice, une animatrice ou un journaliste ! Ce n'est plus "La Maison de la radio" mais "La maison de la radio et de la communication".

Depuis le 5 janvier je n'avais pas laissé trainer mes oreilles sur Fip. Jeudi dernier j'ai joué le jeu (à partir de 21h) pour écouter "La nuit de la lecture". Si j'ai bien entendu des textes lus par des animatrices, j'ai assez vite compris qu'ils ne seraient pas tous lus en direct mais, que surtout le ton et le débit de lecture n'avaient rien à voir avec la nuit. Pour "être dans la nuit" ne fallait-il pas cette fois là être de nuit en studio ? Là aussi c'est la communication (la forme) qui prime ! Le fond peut laisser sur sa faim si l'auditeur décèle, comprend qu'on l'a "trompé sur la marchandise" !

La force de la radio de nuit, inventée pour France Inter par Roland Dhordain, était d'être en phase avec la nuit : les travailleurs, les insomniaques ou les… rêveurs. Et ce n'est pas du tout pareil d'être en studio la nuit, environné par un grand silence, que d'enregistrer au grand jour ce qui sera diffusé la nuit ! CQFD !

Moustaki invité de "Studio de nuit" de Jean-Louis Foulquier, 
sept 1975 © Radio France
















(1) Depuis le 18 décembre 2020, silence radio pour les antennes de Bordeaux, Nantes, Strasbourg,
(2) Libération, 20 janvier 2021 par Adrien Franque,
(3) 2014-2018, révoqué par le CSA avant la fin de son mandat.

3 commentaires:

  1. France 3 IDF diffuse à partir de ce lundi 15 mars une semaine consacrée aux 50 ans de Fip on peut y voir la gestionnaire carriériste qui prétend (hélas !) diriger fip aujourd'hui effectivement à défaut d'avoir l'Oreille elle n'a même pas le sourire en coin ! (coin-coin).

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    1. Merci ;-) Cette personne ne sourit jamais sauf au patron de Twitter et à l'astronaute Pesquet ! Gestionnaire de quoi ? D'un héritage qu'elle s'efforce sur ordre de dépecer consciencieusement… soit la désincarnation absolue ! Sérode avait démarré la casse Ravache la poursuit !

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    2. Cher Fanch c'est exactement çà ! Depuis le départ de l'historique Julien (Delli Fiori) qui avait su redonner une âme à la programmation musicale Fip s'éloigne de plus en plus de ce qui m'avait tant plu à sa découverte en 1976. Quand à Mr Twitter s'il pouvait s'acheter sa "meilleure radio du monde" il le ferait. Mais peut être que j'anticipe un peu ??? Pesquet se vantait sur Inter cette semaine d'avoir une playlist concoctée par Fip. Pour moi Fip est tout sauf une playlist (horrible anglicisme fourre-tout) mais une programmation musicale concoctée avec soin sous forme de puzzle et qui entraîne curiosité et découverte ! Enfin c'était, parce que maintenant...

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