Premier constat : comment les auditeurs ne seraient-ils pas dépassés par l'histoire de la radio publique qui se joue dans leur dos ? Prenons trois figures de géométrie qu'on étendra à trois figures de rhétorique.
Le triangle ou triangle des Bermudes
La représentation nationale (Assemblée nationale et Sénat), la Tutelle (Ministère de la Culture, Ministère des Finances), Radio France sont… dans un bateau. Le bateau prend l'eau… Qu'est ce qui reste ? Un jeu de dupes. Après les allers-retours de Mathieu Gallet, Pdg de Radio France, au Ministère de la Culture pour élaborer son plan stratégique d'entreprise (sic), le Sénat a décidé de démultiplier les rencontres avec Radio France : les questions à l'intersyndicale le 7mai, leur audition, les questions au Pdg et son audition. Cerise sur le gâteau les Sénateurs n'en pouvant plus ont poussé le bouchon jusqu'à organiser "une table ronde" sur l'avenir de la radio (sic). On ne désespère pas que ces consultations multiples et variées participent à changer la donne d'une vision monolithique, managériale et suffisante, de l'avenir de Radio France.
Le carré et mieux encore Le pré carré
Comme si ça ne suffisait pas de gérer la crise à trois, le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) est venu s'immiscer dans le jeu depuis sa "Très Haute Autorité" qu'on hésitera pas à traduire en "Très Haute Majesté" tant ses décisions récentes dans la plus grande opacité (1) pourraient rappeler des effets de cour royale. On attend toujours que soit rendu public le projet stratégique pour Radio France qui avait valu à Mathieu Gallet d'être élu à l'unanimité des membres du CSA en février 2014. Cette "officine", maillon supplémentaire d'une chaîne rouillée, laisse perplexe pour sa propre méthode de gouvernance ou sa façon, empirique, de faire évoluer ses modes de désignation des Pdg de l'audiovisuel public, au "petit bonheur/malheur" des événements et/ou des situations… politiques.
Le cercle ou la quadrature du cercle
Irréalisable par principe cette "quadrature" intègre l'Élysée qui n'en peut mais, qui au gré des humeurs du Président donne ici une préférence pour la désignation du Pdg de FTV (en l'état Marie-Christine Saragosse, Pdg de l'Audiovisuel extérieur), là un conseil pour le rapprochement de Radio France et de France TV, ou encore là de s'arc-bouter sur les préconisations contradictoires de ses conseillers concernant la Radio Numérique Terrestre (RNT) incitant à ne surtout rien faire.
Las, ces trois figures géométriques et leurs corolaires rhétoriques placent l'audiovisuel public dans un assourdissant n'importe quoi. On en mesurera les effets dans quelques jours en prenant connaissance du projet de grille d'été et de grille d'hiver de France Musique. À lire Citizen jazz on a de quoi être très inquiet. Pour France Musique et la diversité de l'offre musicale mais par effets redondants pour l'ensemble des chaînes de Radio France qui vont devoir passer sous les fourches caudines d'une restructuration éditoriale pilotée par Frédéric Schlesinger, le n°2 de Radio France.
On peut penser à Fip bien sûr. Un peu moins à Mouv' dont l'ultimatum de 18 mois annoncé par Gallet en janvier vient d'être confirmé en mai… avec visiblement "effet retard" à la clef. Les grilles de rentrée seront très significatives. D'ici-là les gazettes culturelles autoproclamées de référence ne manqueront de nous lasser avec un mercato qui risque de laisser plus d'une et plus d'un avec un goût très très amer d'abandon de l'esprit… public de la radio tel qu'il existait depuis sa formalisation avec la création de La maison de la Radio en 1963 (2).
(1) Nomination de Delphine Ernotte comme Pdg de France Télévisions, à qui il serait suggérer de travailler en binôme avec… Pascal Josèphe qui après s'être trouvé à égalité des voix au deuxième tour, a du s'incliner à 5-3 au troisième. "Je choisis puis je me déjuge" voilà une formule qui montre s'il en était besoin que le CSA est à la dérive la plus totale,
(2) Une enquête très fouillée de Laurent Mauduit, Médiapart (abonnés), intitulée "France Télévisions : la désignation de la PDG entachée d’irrégularités" et publiée le 16 mai 2015 conclu : "En piteux état, l’audiovisuel public n’avait guère besoin d’une semblable élection [celle de Delphine Ernotte, ndlr], marquée par autant d’irrégularités, qui en disent long sur les systèmes de connivence et de réseaux d’influence qui gangrènent notre démocratie…"
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