vendredi 20 décembre 2019

"En raison d'un mouvement social"… tentative d'épuisement d'un lieu parisien !

Énorme ! Que dis-je ? Gigantesque !!! La directrice de France Culture, Sandrine Treiner a décidé de consacrer la journée de mercredi dernier au mouvement social en cours à Radio France. Courageux ? Illusoire ? Schizophrénique ? Nous le verrons. De ma vie d'auditeur, je n'avais jamais rien entendu/vu d'aussi fort depuis "La guerre des mondes" de Welles, "On a marché sur la lune", en vrai, le 20 juillet 1969 et "Lulu" de Yann Paranthoën (1992). Déroulé du pestacle…




Rendre compte du conflit "en live" lors de la vingt-cinquième journée de grève à Radio France relève a minima de la schizophrénie, a maxima du foutage de gueule. Les deux premières émissions après la "sacro sainte" matinale ne seront pas diffusées à l'antenne. Pas plus les quatre qui suivent, dans l'après-midi, l'émission de bavardages de la tranche du midi ("La grande table"). Puis arrive le pompon de la mise en abîme sidéral.

À 17h, la productrice de "LSD, La série documentaire", Perrine Kervran, présente sommairement le pourquoi et le comment de la grève, puis annonce la rediffusion d'un documentaire de "La fabrique de l'histoire" de 2008 qui évoque l'ORTF en 68. Donc en 2019, pour parler de l'audiovisuel public en grève on sort une archive datée de onze ans, archive qui elle-même évoque une situation sociale vécue il y a 51 ans. Un coup de pot que l'évocation de 68 ne repose pas sur les grèves du Front Populaire de… 1936 !

Quelle pirouette intellectuelle. Pour faire entrer un documentaire dans le cadre de la journée "En raison d'un mouvement social" Kervran choisit une illustration qui évoque une période passée depuis un demi-siècle et dont les chaînes du service public se sont fait l'écho au printemps 2018. Par contre, le conflit à Radio France en 2015 était-il historiquement trop près, trop brut, pas dérushé, pas monté, les témoins au bord du burn-out, les dirigeants perdus en mer (ou dans le détroit de Magellan) ? Et donc cette rediffusion opportuniste serait censée illustrer le mouvement social en cours à Radio France ? La comédie du pouvoir et du spectacle oui, les enjeux de la mutation audiovisuelle, non ! Combien d'années faudra-t-il attendre pour que la radio publique fasse un travail de fond sur les conflits "modernes" qui la bousculent depuis maintenant plus de cinquante ans ?

Au cours de cette journée "mi-grève", plus actuel, plus au fait de l'actualité chaud-bouillante qui perturbe Radio France depuis quatre semaines, "Le temps du débat", la nouvelle émission d'Emmanuel Laurentin (18h20-19h) abordera avec quatre journalistes (3) la grave question de la menace qui pèse sur la radio publique. Laurentin, en "chapeau" de son émission, a très clairement annoncé qu'il avait signé la tribune parue dans le Monde fin novembre (4).

Par contre au cours de cette journée "spéciale" n'ont jamais été évoquées les rencontres des réalisatrices-réalisateurs, productrices-producteurs avec la directrice de la chaîne et Sibyle Veil, la Pédégère de Radio France. Pourtant dans ces occasions d'échange collectifs (assez rares) la parole se délie et Veil n'y rencontre aucun appui pour passer en force son "plan de départs volontaires" et la "réorganisation" de l'entreprise, dont certains pensent qu'il s'agit plutôt d'une casse savamment orchestrée et pilotée par les tutelles.

Au chausse-pied, à l'esbrouffe, à la com' de crise, à la roucoule, aux postures rien ne passe du management abrupt de Veil qui tel un robot à l'I.A. (Intelligence Artificielle) start-up nation n'entend rien à la radio et à ceux qui la fabriquent. Le Ministre de tutelle est muré "Rue de Valois". Mais pourquoi les médias parlent-ils si peu de ce conflit ? La radio ne serait-elle déjà plus dans l'air du temps ? Le lobby "ANPE" (Audio-Numérique-Podcast-Enfumage) a-t-il réussi à imposer la mue aux forceps ? Les auditeurs ne sont-ils plus que des "bouffeurs de sons" ?

Il faudra sans doute laisser passer la trègrève de Noël pour que commencent à s'échafauder des réponses.

La deuxième partie de mon titre utilise celui de Georges Pérec "Tentative d'épuisement d'un lieu parisien". Place St Sulpice. (1974)





(1) "La Guerre des mondes" (H.G. Welles), par Orson Welles, le 30 octobre 1938, sur le réseau radio de CBS (E.U.). "Marelle", 4 et 5 juin 2016, Beaubourg (Paris), par la productrice de France Culture, "Lulu", femme de ménage à Radio France,
(2) Les salarié-e-s en grève vont-ils pouvoir s'exprimer à l'antenne ? En quoi la journée va t-elle être spéciale (programme, débats, blocages) ? Parade directoriale pour faire accroire au dialogue… social ?

(3) Marina Alcaraz (Les Échos), Laurent Mauduit (Médiapart), Jamal Henni (La Lettre A), Caroline Constant (L'Humanité),
(4) "Faire plus avec moins ne marche nulle part": l’appel de 142 collaborateurs de Radio France,

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