lundi 9 décembre 2019

À la radio fallait-il des fossoyeurs… ? Non !

"À tant d’idées, de mots, d’images, de sons, lancés sur des ondes merveilleuses, 
à toutes ces rafales de suggestions déclenchées vers la foule secrète des esprits, 
bref, à la radio fallait-il une maison ? Oui !" 

Pour mes jeunes lecteurs, j'aime rappeler ces mots que le Général de Gaulle, Président de la République, prononça à l'inauguration de la Maison de la radio, le 14 décembre 1963La radio, de Gaulle savait comment elle pouvait être utile pour s'adresser au plus grand nombre. Et puis je me suis toujours demandé pourquoi Henry Bernard, l'architecte de cette Maison-là, avait imaginé 1000 bureaux et pas 650 ? Il devait bien y avoir une raison valable. Bernard invente un bâtiment qui, rassemblant les trente-neuf sites dispersés dans Paris, chacun pourrait enfin circuler, se croiser, échanger et surtout FAIRE ENSEMBLE, sur la même longueur d'ondes. Aujourd'hui la circulation est entravée par un système de badge et de sélectivité hiérarchique (sous prétexte de sécurité bien sûr). Big Brother a cassé l'esprit même que Bernard avait imaginé avec son architecture innovante et propice aux échanges.




De de Gaulle toujours : "La radio est une action humaine, autrement dit collective. Sans doute se nourrit-elle de la capacité des individus. Mais, pour être valable, il lui faut l’effort conjugué des équipes. Et c’est pourquoi ce bâtiment complexe et imposant, mais unitaire et circulaire, est le signe de l’organisation, de la concentration et de la cohésion, qui sont nécessaires à son audience et à son influence." L'ignare qui a imaginé brider la fluidité des personnels, des équipes et donc des idées et des confrontations dynamiques mériterait le bannissement à vie. "On" a cassé l'unité. On a cassé la chaîne. 

Ce long préalable pour dire que jusqu'à l'arrivée de Gallet (mai 2014) les gens qui administraient cette maison, la faisaient vivre, y soutenaient la création radiophonique et pensaient radio. Gallet puis Veil sont venus pour manager (sans rien ménager) et sans le début du commencement d'une once d'empathie pour ce média. Gallet parle de boîte (1), Veil de miyons. Les mots qu'ils alignent sont impensés, appris par cœur, ou lus (je devrais dire ânonner) sans qu'ils puissent provoquer la moindre émotion. Où, au bout de quelques mois de Présidence de Radio France, l'un et l'autre des présidents, font exploser une colère profonde et le rejet absolu d'un mode de gestion qui ne devrait pas sortir de l'alcôve du CAC 40. 




Flashback 1963. "Le cahier des charges, rédigé en grande partie par Léon Conturie, présente les objectifs que devra remplir la future Maison de la Radio pour permettre l’unité et la cohésion entre les différentes équipes qui l’habiteront. A l’image de la Cité Radieuse de Le Corbusier, qui intègre en un même immeuble des espaces d’habitations, de bureaux, ainsi qu’un ensemble de commerces et de services, la Maison de la Radio est pensée comme un microcosme, une ville dans la ville qui favorise le bien-être et les interactions sociales." (2)  On notera "le bien-être et les interactions sociales."!

Ces quelques lignes posent les fondements (et les fondations) de la radio publique moderne. Gallet et Veil les ont-il jamais lues ? Peu probable. Persuadés qu'ils allaient être les meilleurs rénovateurs de ce service public d'"un autre âge" dont les tutelles (Finances et Culture) leur avaient vendu la nécessité absolue de faire des économies (des coupes sombres) à n'importe quel prix. Au prix de la :
- CSP+ (Casse Super Programmée plus), 
- NTM (Numérique Total Mutation
et, demain au prix du passage au :
- NANANA (nouvel audio, nouvel audio, nouvel audio), meilleure façon d'affadir la radio au point de la noyer dans le bain (télé)visuel.

Le chœur de Radio France touché au… cœur !
















Mais voilà ça résiste… grave !
"Un bâtiment qui se nomme « Maison » ne peut être un lieu de travail comme les autres. C’est un endroit où l’on vit autant qu’un site où l’on produit, 24 heures sur 24 et chaque jour de l’année." (2). Ce n'est ni une "boîte" (à chaussures), ni une immense bergerie peuplée de brebis et de moutons dociles, ni même un lycée où l'austère proviseure aimerait bien ne voir qu'une seule tête (3). La culture de cette entreprise… culturelle, son histoire, sa mémoire imposeraient que ses dirigeants, a minima s'en imprègnent, a maxima viennent du sérail. Pour l'avoir ignoré Gallet a été "déboîté", Veil pourrait à son tour, si elle s'enferre dans son projet stratégique, être mutée dans le repaire à "miyards" de la Française des Jeux ?

Pendant cinquante ans la Maison de la radio a été chargée de beaucoup d'ondes
positives. Chacun sur la même longueur d'onde. Depuis 2014 ça grésille, ça crachouille et les mauvaises ondes sont venues perturber un champ magnétique qui n'était pas habitué à supporter autant d'interférences négatives. Il serait temps que le Ministre de la Culture prenne la mesure du désastre annoncé et engage Sibyle Veil à changer de pratique de management au risque que les auditeurs finissent par changer leurs habitudes d'écoute en généralisant celle de podcasts venus… d'ailleurs. 

À moins qu'au fond voulant absolument affaiblir le service public audiovisuel "ils" finissent par tuer la radio ?


(1) Mot dont il affuble la Maison de la radio dans son discours d'accueil à sa prise de fonctions en mai 2014,

(2) Extrait du document publié par Radio France pour les 50 ans de la Maison. Je pense que ce texte a été écrit à l'occasion de l'inauguration ou reprenait une partie du postulat de l'architecte. Il y est aussi écrit : "Le bâtiment doit regrouper les différents services administratifs ainsi que "l’ensemble des éléments dont l’activité quotidienne contribue, nécessairement, suivant un enchaînement fonctionnel, à la préparation, à la réalisation et à la diffusion des programmes", de la salle de rédaction à l’archivage en passant par les équipements permettant la diffusion sur les ondes."

(3) Ça en ferait environ 4600 à supprimer !

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