«Carnet de bruitage d’Élodie Fiat» © Clitous Bramble |
Philippe Caloni, journaliste, producteur de radio (et d'une matinale jamais égalée sur Inter avec Gérard Courchelle) avait l'habitude de comparer la radio au système carcéral à cause de noms comme : chaînes, grilles (de programme), cellules (de montage). Pertinent et subtil ! Seulement voilà du train où vont les choses il n'y aura bientôt plus de chaînes, de grilles ni de cellules. L'opération de casse est insidieuse et diffuse. À force de rompre les maillons de la chaîne il n'y aura plus de… chaîne. Entendant Sophie (en AG hier) évoquer son métier de bruiteuse, j'ai voulu recueillir son témoignage (Élodie, bruiteuse elle-aussi, a répondu à mes questions).
Radio Fañch : Il est agréable de découvrir le nom de votre métier… au féminin, tant "depuis la nuit des temps" ce sont souvent les bruiteurs qui ont été désannoncés en fin d'émission.
Sophie & Élodie : "Je suis bruiteuse depuis 25 ans et pendant vingt ans j'ai été la seule femme. Élodie nous a rejoint depuis 2015."
R.F. : En AG, hier, vous avez évoqué votre statut de CDDU (1)… "à perpétuité" vous pouvez préciser dans quelle précarité ou inquiétude ça accompagne votre travail ?
S & E : "Nous sommes soumises aux volumes d'emploi de Radio France. Les fictions élaborées (2) ont encore diminué lors de cette dernière rentrée. Faire le choix des lectures, des captations (de spectacles) c'est aller vers ce qui coûte le moins cher ! Il n'y a plus que deux studios de fiction pour France Culture, ils vont être réhabilités jusqu'en 2024."
«Carnet de bruitage d’Élodie Fiat» © Clitous Bramble |
R.F. : S'il y a moins de fictions élaborées, il y aura de fait moins de bruitage. L'étau se referme implacable sur un "enchaînement de métiers" indispensables à la création radiophonique…
S & E : "Le métier de bruiteur est très spécifique. Du fait de cette spécificité la radio est notre employeur principal. C'est un travail d'équipe : ingé-son, réal, comédiens (principe de la casse de la chaîne de production, ndlr). Radio France souhaite de plus en plus la polyvalence des métiers (3). Chacun apporte sa pierre à l'édifice pour l'élaboration de l'émission. C'est comme élaborer une certaine dentelle.
Les dirigeants de la radio sont obsédés par les économies et les coûts. On amoindrit les équipes ! Ce n'est plus la qualité qui compte mais l'argent que ça coûte ! On va vers l'extinction de la radio. On assiste à un nivellement par le bas. C'est la disparition de nos métiers à petits feux ! Le plan de départs volontaires est un plan déguisé de suppressions d'emploi." (Merci à Sophie et Élodie de s'être prêtées au jeu de l'interview-express !)
Les deux photos sont extraites de l'article de Syntone : "On joue leur corps", Entretien d'Élodie Fiat, 29 mars 2016.
(1) Le CDD d'usage (CDDU) est un contrat de travail à durée limitée spécifique dont l'utilisation est réservée à certains secteurs d'activités, dont Radio France,
(2) L'émission "Affaires sensibles " (France Inter) diffusait une fiction élaborée/semaine, il n'y en a plus que deux/mois. Pour "Autant en emporte l'histoire", France Inter, dimanche 21h, suppression d'une fiction sur 4 ! "Samedi noir", France Culture, le samedi de 21h-22h, va aussi passer de plus en plus en mode "lectures" !
(3) Voir le billet d'hier… sur l'"auto-réal",
Des témoignages et l'actualité de la grève…
"La casse de la sidérurgie", par Michel Tauriac producteur du magazine "Vécu" France Inter,1978-1981,
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