dimanche 15 décembre 2019

Le bon plaisir de la radio… de Desnos (14)

Un peu de poésie, crénom ! La poésie qui ne se crie plus (ne s'écrit plus) dans la rue et qui manque dans le paysage. Qui manque à la radio. Pourtant comme vous l'entendrez dans l'émission ci-dessous "Le merveilleux instrument qu'est la radio entre les mains des poètes". Les poètes ? Leur a-t-on coupé les mains ? Leur a-t-on coupé la radio ? Ou la radio a-t-elle coupé les ponts avec les poètes ? "Surpris par la nuit" donne à entendre Desnos et l'on voudrait que la nuit se prolonge, que la poésie se prolonge…



"Desnos fût un homme de radio. Je tiens à rendre hommage à Alain Trutat (1) c'est lui qui sut recueillir la voix de Robert Desnos. Alain, je te dédie de façon post-mortem cette émission." C'est Mathieu Bénézet, le producteur de l'émission ci-dessous qui le dit. Et voilà une petite boucle de bouclée : Tardieu, Desnos, Trutat ou les très riches et belles heures de la radio. 



(1) Alain Trutat, un des fondateurs de France Culture, "Ce qu'il aimait à la radio, c'est bien sûr qu'"il n'y a rien à voir, tout à entendre". A la Maison de la radio, il venait écouter. Écouter les voix et les sons, écouter les poètes, les comédiens, les techniciens, les assistants, les jeunes inconnus rêvant de faire de la radio.", in Le Monde, 28 août 2006,

Baignade (Robert Desnos)
Où allez-vous avec vos tas de carottes ?
Où allez-vous, nom de Dieu ?
Avec vos têtes de veaux
Et vos cœurs à l’oseille?
Où allez-vous ? Où allez-vous ?
Nous allons pisser dans les trèfles
Et cracher dans les sainfoins.
Où allez-vous avec vos têtes de veaux ?
Où allez-vous avec embarras ?
Le soleil est un peu liquide
Un peu liquide cette nuit.
Où allez-vous, têtes à l’oseille ?
Nous allons pisser dans les trèfles
Et cracher dans les sainfoins.
Où allez-vous ? Où allez-vous
À travers la boue et la nuit ?
Nous allons cracher dans les trèfles
Et pisser dans les sainfoins,
Avec nos airs d’andouilles
Avec nos becs-de-lièvre
Nous allons pisser dans les trèfles.
Arrêtez-vous. Je vous rejoins.
Je vous rattrape ventre à terre
Andouilles vous-mêmes et mes copains
Je vais pisser dans les trèfles
Et cracher dans les sainfoins.
Et pourquoi ne venez-vous pas ?
Je ne vais pas bien, je vais mieux.
Cœurs d’andouilles et couilles de lions !
Je vais pisser, pisser avec vous
Dans les trèfles
Et cracher dans les sainfoins.
Baisers d’après minuit vous sentez la rouille
Vous sentez le fer, vous sentez l’homme
Vous sentez ! Vous sentez la femme.
Vous sentez encore mainte autre chose :
Le porte-plume mâché à quatre ans
Quand on apprend à écrire,
Les cahiers neufs, les livres d’étrennes
Tout dorés et peints d’un rouge
Qui poisse et saigne au bout des doigts.
Baisers d’après minuit,
Baignades dans les ruisseaux froids
Comme un fil de rasoir.

2 commentaires:

  1. Merci pour votre billet. N'oublions pas :
    http://www.editions-heloisedormesson.com/livre/legende-dun-dormeur-eveille/

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