samedi 21 mars 2020

Ces grands (minuscules)… remède à la flatterie !

Difficile quand on a cadenassé une grille de programme, de la décadenasser, de faire autant avec moins de personnel, d'essayer d'inventer quand le "réactif à tout prix" empêche d'être inventif. Parmi les premiers faux-pas de quelques cadres en mal absolu de reconnaissance en période de confinement (1), il y a en face la lumière de professionnels de la profession qui agissent sans se mettre en avant, qui mettent en valeur les autres, les minuscules qui n'ont ni tribune ni journal de confinement, ni Insta pipole, ni rien d'autre que l'envie de partager… 















L'auto-satisfaction, non confinée
On n'en peut déjà plus de Machin qui se filme depuis sa salle de bains, de Legrand (Thomas, Inter) qui explique aux auditeurs de Quotidien (TMC) comment travailler avec son iench, de Frisch (Laurent, Radio France) qui, de son siège de confinement, roucoule "je t'embrasse bien fort et on se retrouve très bientôt hein, ma @radiofrance" (2). De Voinchet (Marc, France Musique) qui, rougit, en se regardant pérorer (3). De France Culture qui crée "Confinement votre" (4) qui permet à Lou Doillon de rejoindre ses petites camarades Leila Slimani (5), juste ridicule et Marie Darieusecq (6) pitoyable et pathétique.

L'écœurement le dispute au mépris pour ces étalages pipoles du spectacle tragi-comique de la société des médias. Pipoles jamais avares d'évoquer les déshérités, les opprimés, les déclassés dans une position de classe dominante décomplexée de tout. De la vanité, de la honte, de la morgue. Si on ne pouvait imaginer le Général de Gaulle mis en examen, peut-on imaginer, Jacqueline Baudrier, Pierre Bouteiller, Louis Dandrel, Julien Delli-Fiori, Roland Dhordain, Marc Garcia, Jean Garretto, Jean-Luc Hees, Yves Jaigu, Agathe Mella, Dominique Pensec, Jacques Santamaria, Pierre Schaeffer, Jean Tardieu, Pierre Wiehn monter sur le toit de la Maison de la radio et hurler "Je suis la radio" ?  

Quelques jours avant le désastre du Covid-19, une animatrice de radio habituée à l'auto-satisfaction-promotion était venue sur le plateau d'un talk-show (Quotidien) vendre son livre, de regrets sans doute (7). Mais, sûrement pas celui d'avoir pris en otage pendant deux heures, en mars 2015, sur France Inter, des auditeurs abasourdis et perplexes et une direction totalement mute. La situation inédite que vit le monde - hors conflits armés - montre le réel d'une société désemparée devant l'incurie de gouvernements successifs sur la politique de santé et de recherche. Et le réel des péroraisons permanentes de ceux qui nous gouvernent et gouvernent la radio publique. Ceux-là même qui, sans l'ombre d'un doute de leurs qualités à animer le média radiophonique, se complaisent dans les chiffres et le ravissement absolu qu'ils ont d'eux-mêmes !



Et puis, dans l'ombre, il y a celles-ceux qui agissent et s'engagent auprès de ceux qui ont si peu souvent la parole. Caroline Gilet est de celles-là. Sur Inter ou sur Sound-Cloud elle créé du lien. Elle raconte : "L’équipe de Foule Continentale a commencé la semaine dernière, à recevoir des témoignages sonores de vécus d’un peu partout. On s'est dit qu’on avait envie de faire entendre ces sons pour fabriquer un journal de bord intime et collectif, choral, qui raconte nos quotidiens pendant cette période et ce que ça dit de nos sociétés. 

On a donc lancé un appel pour proposer à tous ceux qui le souhaitaient de nous envoyer des mémos vocaux via Whatsapp pour témoigner du très concret (les courses, les trajets..) mais aussi les questions plus abstraites que tout ça pose (la famille, les peurs, les doutes, les choix). On a commencé à recevoir beaucoup de sons de partout. Chaque jour, on en ajoute certains sur la plateforme SoundCloud

Il y a d'abord eu Marie, Larisa au Luxembourg, Elodie à Bruxelles, Valentin, une femme à Lyon, Wagazina au Vietnam, un garçon à Liepaja en Lettonie. Ces sons, des sons captés dans l’intimité, des témoignages très simples, très proches (et franchement, pas si tristes)."

Caroline Gilet
















(1) Pendant ce temps le Président du CSA n'ayant sans doute plus grand chose à faire d'autre, court après Canal + qui veut diffuser en clair tous ses programmes pendant la période de confinement, mais n'interdit pas la haine quotidienne de Zemmour sur Cnews. Roch-Olivier Maistre, qui n'est pas du tout avare de flatteries en tout genre sur Twitter semble bien timoré pour interdire Zemmour et sa tribune d'expression haineuse !

(2) On aura noté le possessif, Twitter, 18 mars,
(3) Twitter, 19 mars, 
(4) Référence générationnelle datée à "Amicalement votre",

(5) Le "Journal du confinement" de Leïla Slimani, jour 1 : "J’ai dit à mes enfants que c’était un peu comme dans la Belle au bois dormant", Le Monde, 18 mars 2020. Et sa critique !
(6) "Nous planquons au garage notre voiture immatriculée à Paris", Le Point, 19 mars 2020,
(7) "Mute", Flammarion, 2020,

(8) Caroline Gilet propose : "Si ça vous dit, lancez-vous :) Créez un groupe intitulé 'Mémo corona + votre prénom (ou pseudo si vous souhaitez rester anonyme) + votre ville' sur les deux numéros : 00 33 626 087 761 et 00 33 687 891 951. Envoyez-nous régulièrement des nouvelles de ce que vous observez et ressentez. C'est chouette de penser aussi à enregistrer les bruits autour de vous (le son par la fenêtre, les ambiances dans les magasins, le bruit des jeux vidéos de votre petit frère, les discussions à table, le skype avec votre grand-mère etc.) et chaque fois, de commencer ce son en nous disant de quoi il s'agit, puis en laissant courir le son d'ambiance seul pendant au moins 20 secondes." 

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