Ivan Levaï |
Il y a dix ans j'informais quelques plus jeunes que moi, persuadés qu'Ivan Levaï était né à France Inter depuis "toujours", que si le journaliste avait bien commencé sa carrière à la radio à l'ORTF, c'est à Europe 1 qu'il installera sa réputation et sa façon bien particulière de mener et raconter la revue de presse. En 1989, il rejoint France Inter comme directeur de l'information et responsable de la revue de presse. Mais je me souviens très bien qu'avant qu'il ne cumule les deux fonctions, une jeune femme était chargée de la revue de presse, avec un ton et une énergie qui ont peut-être décidé de son sort (à elle et à lui) !
En tant que directeur, Levaï n'était pas censé intervenir au micro, au-delà du fait que cela pouvait le démanger, il n'a sûrement pas fallu beaucoup le pousser pour l'engager à occuper ce temps fort de la matinale. Temps fort que quelques-uns de ses prédécesseurs sur la chaîne avaient fini par installer, entre autres par leur brio et leur façon captivante de donner envie de lire (1). Oui car l'affaire est bien là, au-delà d'écouter les points de vue de la Presse Quotidienne Nationale (PQN) et ceux de la régionale (PQR), la personne chargée de la revue de presse devait donner envie de lire soi-même ce que le "Maître de Cérémonie" avait incité à faire. Levaï ne ménageait jamais ses "Lisez", "Quand vous aurez lu", "Vous relirez", "Achetez plus que jamais les journaux", et il m'est bien sûr arrivé de passer à l'acte d'achat plus d'une fois, quand il avait su suffisamment titillé ma curiosité ou ma soif "d'en savoir plus".
Je me contenterai dans ce billet de parler de Levaï à la revue de presse (2). Mais qui se souvient que, dans une radio où le moindre invité qui se risquait à citer une marque commerciale, se faisait tancer sévère, Levaï a osé citer une page de publicité ! Invraisemblable. Ligne jaune franchie allègrement. De quoi s'agissait-il ? Rien moins que la mise en valeur d'un texte rédigé, pleine page (du Monde je crois), par les salariés de Canal + manifestant leur soutien à leur Pdg, André Rousselet, qu'Édouard Balladur (3) venait de "tuer" (4). En lisant ce pensum Levaï dépassait son rôle, montrait son inclination pour le pouvoir socialiste qui avait soutenu et accompagné Rousselet, et surtout sa profonde désapprobation de la façon balladurienne de couper les ailes d'un entrepreneur qui, en l'espèce, n'aurait pas eu l'heur d'être "du bon côté".
Bien sûr ce n'est pas très grave, et peut-être même que Levaï avait prévenu, qu'exceptionnellement, il lirait une publicité (je ne m'en souviens pas), mais quand on travaille sur une chaîne du service public, qui se doit d'être rigoureuse vis à vis de la publicité, on se doit, particulièrement quand on est directeur, d'être irréprochable. Cela ne m'a pas empêché de réécouter son témoignage à Longueur d'Ondes en décembre 2004.
On peut écouter sa revue de presse chaque samedi et dimanche sur France Inter à 8h30, ce qu'il m'arrive de faire quelquefois.
(1) Je me souviens que c'est Jean-Claude Bourret sur France Inter, un matin de janvier 1978, me donna envie de lire (et d'acheter) "À suivre" le tout nouveau mensuel de bandes dessinées édité par Casterman,
(2) Et surtout pas la guimauve de l'annonce et encore moins celle de la coupure pour annoncer l'heure. Insupportable,
(3) Premier ministre de François Mitterrand (1993-1995),
(4) André Rousselet, quelques jours avant, avait lui-même publié un point de vue, en Une du Monde, intitulé "Édouard m'a tuer" (faute d'orthographe en référence à l'affaire criminelle, portant sur le meurtre de Ghislaine Marchal, présumée avoir été assassinée par son jardinier Omar Raddad, avec sur les lieux du crime, l'inscription "Omar m'a tuer")
"Je me souviens que c'est Jean-Claude Bourret sur France Inter, un matin de janvier 1978, me donna envie de lire (et d'acheter) "À suivre" le tout nouveau mensuel de bandes dessinées édité par Casterman,"
RépondreSupprimerFormidable aveu ! L'ami Perec eut été jaloux d'un tel "je me souviens" !