Île Molène |
Il m'arrive de lancer une bouteille à la mer dans les archives de l'Ina, pour y trouver des choses… INAttendues. Hier, avant de mettre le cap sur La Manche, ma recherche était aussi vaste que la chanson de Charles Trenet… "La mer". Et vous ne serez pas surpris, parmi les différentes propositions, j'ai sélectionné l'archive "Là où finit la terre"… parce que ça me parle au cœur. Hors, il se trouve qu'il ya une dizaine de jours j'étais chez une amie fondue de radio, fondue d'archives, fondue de mer. Le document Ina (dont vous pouvez entendre un extrait ci-dessous) date de 1958. Je décide de tenter ma chance auprès de cette amie, aucazou !
Elle consulte dans son ordinateur, son index, régulièrement mis à jour, et trouve un enregistrement "Là où finit la terre", avec comme observation "achetée à la foire St Michel, Brest, 1973". (1) Elle file dans sa bibliothèque, trouve le petit boîtier plastique et me propose de venir illico.
Vous pouvez imaginer que l'écoute a été un moment tendu, avec l'inquiétude que la bande magnétique se déroule en dehors de son boîtier, que le son s'interrompe ou qu'il soit très altéré par la "vieillesse", voire inaudible. Les voix sont caractéristiques de l'époque, graves et solennelles. La lecture des dictons qui ouvre le documentaire "noircit le trait". "Qui voit Molène voit sa peine…" On est dans le noir, la solitude et l'absence. Les veuves et les familles dans le deuil "permanent". Entendre un message de "Radio Conquet" et retrouver l'accent des femmes. La voix du narrateur, au ton de tragédie, pour évoquer les naufrages et autres échouages rituels des gens de mer ou de ceux de la côte. Les cimetières de bateaux. Et puis le mythe des îliens naufrageurs, le marquage des épaves rendues sur grève, les prières pour que "ça vienne de temps en temps", et le "don de Dieu" quand ça vient.
Et le narrateur d'ajouter "et même leur radio n'est pas une radio comme les autres", (en référence à Radio Conquet), et en une jolie formule "le forum des îles c'est la café" (bistrot).
J'étais avec eux à Molène, avec mes amis goémoniers ou dans le bistrot d'Erwan. J'étais un peu comme à la veillée quand Fine ou Job repassaient le passé. Ma bouteille à la mer n'avait pas mis longtemps à s'échouer sur la grève du Ledenez, l'ilôt de Molène aux vieilles baraques de goémoniers. Les ondes de 1958, elles aussi, avaient fini par "s'échouer" dans nos oreilles, comme la mer, la radio toujours recommencée.
(1) Comment, un tel documentaire de 1958 a pu lui aussi s'"échouer" sur une cassette audio, qui finira par être vendue par un enfant, dont elle se souvient qu'il n'avait pu, ni rien lui en dire, ni même lui avoir fait écouter… Elle même ne se souvenait plus du tout de son contenu.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire