dimanche 2 janvier 2022

Marie-Paule Vettes toujours en ondes…

Ça tombe comme une mauvaise nouvelle de plus ! Et la petite communauté des ondes radiophoniques se transmet l'info juste avant de fermer l'année terrible. Vendredi 31 décembre 2021, Marie-Paule Vettes, documentariste à France Culture est décédée. Ce nom résonne à l'oreille de l'auditeur attentif et assidu à la chaine, particulièrement au temps où le documentaire avait toute sa place à l'antenne.












Comment dire ? Comment l'écrire ? Une voix disparaît et lentement (insidieusement) une page de France Culture se referme. Une voix qui avec les autres a donné (1975-1997) une couleur à la chaîne, une marque de fabrique, un univers qui, n'ayons pas peur des mots, ont absolument disparu aujourd'hui. Pour rendre un modeste hommage à Marie-Paule Vettes j'ai interviewé aujourd'hui par téléphone Irène Omélianenko (1) qui a eu l'occasion, documentariste elle-même, de bien la connaître.

"Après plusieurs années à faire des reportages pour la chaîne depuis le milieu des années 80, il m'a été proposé de réaliser (1996) un "Pays d'Ici". J'étais assez inquiète à l'idée de devoir produire quatre émissions pour ce programme emblématique de la chaîne. À l'époque il n'était pas très facile d'intégrer une équipe de producteurs tournants rodés à l'exercice. Généreuse Marie-Paule Vettes m'a accueilli, donné trois conseils essentiels pour "assurer l'affaire"; Elle avait une exigence de journaliste, avec une ligne, pour engager un documentaire ou un reportage. Quand on écoute ses documentaires on décèle vite une personnalité avec des engagements forts pour inciter l'interlocuteur à s'exprimer. Elle n'est jamais dans une position de sachante.

Il est intéressant de noter que dans son doc. sur la forêt landaise, les femmes ont la part belle. Pour l'occasion, propriétaire elle-même, elle sait ne pas être envahissante. Pas de je qui exclu. Ce "je" qui est devenu aujourd'hui la marque de fabrique des podcasts. Marie-Paule avait une voix de radio, avec comme une corde vocale "blessée" qui faisait qu'on la reconnaissait immédiatement quand elle était à l'antenne".

Pour ce billet j'ai aussi réécouté "Le bon plaisir" de Michel Guérard qu'elle avait produit en 1985. Entre Landes et Gers elle est "chez elle" et c'est sa connaissance du milieu qui lui permet de donner tout son sel, son âme à ce long documentaire qui trouve son rythme grâce aussi aux chemins de traverse explorés (3). Irène m'a aussi cité des émissions qu'il serait bon de réécouter : 
- "Le Bon plaisir" avec Maria Casarès (22 novembre 1986), 
- "Les tangos des disparus" (Grille d'été, Constats à l'amiable : L'argentine,14 août 1989),
- "Promenade sur les bords de rance : la matinée de Maria Louyer" (La matinée des autres, 14 mai 1991).

Et dans la séquence "Le temps de se parler" q'un temps Pierre Descargues animait, Marie-Paule Vettes échangeait chaque semaine avec les auditeurs (là je n'ai pas de dates précises).

Avec les émissions citées ci-dessus ou d'autres on aimerait que la chaîne sache dignement rendre hommage à cette productrice qui aura participé à un âge d'or de France Culture (1975-1997) où le documentaire était roi !

Merci à Irène Omélianenko qui au pied levé a bien voulu évoquer la mémoire de Marie-Paule Vettes














Ajout du mardi 4 janvier 2022,
Le journal Sud-Ouest (édition du 3 janvier) en rendant compte du décès de M.P. Vettes écrit qu'un de ses documentaires "Les gens du bout du monde"  montrait bien l'attachement de la productrice aux autres.

J'ai réécouté ce documentaire (France Culture, dimanche 24 août 1997, 158', réalisateur Jean-Claude Loiseau). Son micro d'introduction :

" "C'est le bout du monde", cette formule facile mais ronde fait partie de mon vocabulaire depuis toujours, mon père vétérinaire le disait souvent après un moment de découragement et trouvant enfin la maison nichée dans un coin perdu sans que nous ayons rencontré sur le trajet, âme qui vive. Cette formule inscrite dans la mémoire de l'enfance disait en fait une tentation, loin du monde, hors du monde ou bien j'ai quitté le monde, votre monde. Et le monde que l'on veut quitter c'est forcément par choix pour fuir la promiscuité, la mondanité, le bavardage, les autres.

Alors pourquoi donc aujourd'hui les gens vivraient-ils dans la solitude, dans la distance où et avec quel type d'énergie et pourquoi faire ? Ainsi sournoisement, de fil en aiguille, l'idée a cheminé. Puis un jour en Corrèze j'ai rencontré un de ces forcenés, le dernier d'un village ayant presque perdu l'usage de la parole, si bien que lorsque je lui tendais le micro ces borborygmes  étaient couverts par les chants des coqs et des volatiles qui partageaient, avec lui, son gîte.

Ce face à face étrange m'a invité à creuser l'idée et à rencontrer ceux qui ont choisi à un moment de leur vie de rompre avec notre monde ou bien seulement de vivre à côté, souvent pour renouer avec lui, les rencontrer c'était partir à la découverte de leur cachette, d'un lieu d'élection, sculpté à leur image. Les gens du bout du monde vivent dans les écarts. Il aura fallu lire et relire attentivement la carte, se repérer à des détails et quelquefois finir le chemin à pied faute de route carrossable. En quinze jours nous sommes allés à la rencontre de neuf personnes qui constituent autant de haltes et d'approfondissements dont le dénominateur commun est la solitude."


(1) Documentariste, Coordinatrice de "Sur les docks" jusqu'à la fin du programme en juin 2016. Pour cette "fin inexplicable" comment ne pas y voir la "patte" de la nouvelle directrice (depuis août 2015), Sandrine Treiner, qui en installant La Série Documentaire (17h, du lundi au jeudi) reproduit le système pervers et vicié de "faire du passé table rase"…
(2) Samedi 22 juin 1985, 15h30-19h, et oui 3h30 pour prendre le temps ! Je vous parle d'un temps non saucissonné pour faire des clics !
(3) Ne jamais oublier que c'est Laure Adler, directrice de la chaîne (1999-2005) qui dès la rentrée 1999 l'enverra aux oubliettes… de l'histoire ! Patrice Gélinet (1997-1999) l'avait déjà amputée d'1h30…

2 commentaires:

  1. A signaler,
    dans les Nuits de France Culture,

    Le bon plaisir de Jean Starobinski en 1985
    https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/le-bon-plaisir-de-jean-starobinski-1ere-diffusion-28091985

    Le pays d'ici, une série complète de 1991, Conques et nabisnals
    https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/le-pays-dici-conques-et-nasbinals-12-1-conques-une-etrange-ferveur-partie-24-conques-un-village-pas-0
    https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/le-pays-dici-conques-et-nasbinals-22-3-chez-bastide-a-nasbinals-partie-44-nasbinals-laubrac-0

    Une échappée belle de 1988, Destination Paris
    https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/lechappee-belle-destination-paris-1ere-diffusion-22071988-0

    Bonne année !

    Curly de chez "Regard sur France Culture d'en face"

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    1. Merci ! L'auditeur curieux peut encore trouver un peu de miel dans l'usine à gaz du site FC, personne ne leur a jamais expliqué ce qu'était l'archivage !

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