vendredi 15 février 2013

Le masque et la plume… L'original

X, F-R Bastide, M. Polac






C'était le dimanche… J'emploie l'imparfait à dessein. Qu'on ne compte pas sur moi pour parler d'une émission qui a ce titre-là aujourd'hui (1). France Inter a eu la très bonne idée de titiller notre mémoire en publiant un court son qui met en scène Bory (Jean-Louis), Charensol (Georges), et Pasolini (Pier Paolo). Les deux premiers, critiques de cinéma, le troisième cinéaste ! C'est peu dire qu'un son de 3'18" laisse sur sa faim. 
Alors j'ai couru à l'Ina (Institut national de l'audiovisuel) et trouvé l'intégralité de l'émission du 2 février 1969. Régal. Régal, car, même si Charensol et Bory surjouent quelquefois leurs différents, on sent derrière de vraies positions antinomiques, de vrais points de vue opposés et une vraie joute verbale "naturelle" qui n'existe plus en radio aujourd'hui (je parle de radio publique, et hors échanges politiques ou d'actualité). La contradiction étant gommée au profit de vraies-fausses conversations lissées par la tendance actuelle de l'insipide élevé au statut de maître-étalon (2).

Mon adolescence a été bercée par ces dimanches soirs qui nous faisaient oublier pendant soixante minutes que le lendemain il faudrait passer de nombreuses heures à s'ennuyer au lycée. La joute des compères est magnifique mais le reste s'écoute avec attention. Cette "comedia dell'arte" participait du bonheur d'aller bientôt voir le film critiqué ou de celui d'y avoir été. C'était une mise en bouche (et en oreille) et la promesse, une fois sa religion faite, qu'on pouvait y aller "les yeux grands ouverts" ou "rester à la maison". C'était aussi un spectacle, mais pas celui qu'aujourd'hui l'on vend partout et que l'on subit, mais un spectacle de l'agora vivante, bouillonnante, partisane, et au final de bonne compagnie culturelle. Un spectacle des mots, de la pensée intelligente et de l'analyse critique pointue du cinéma.

Pour écouter cette émission il ne faut rien faire d'autre et très vite on est dans le studio 104, dans le fauteuil avec les autres spectateurs-auditeurs. On rit, on sourit, on grogne, bien décidé à ne pas louper la "séance" publique du dimanche suivant. Bastide (François-Régis) et Polac (Michel) ne jouent pas aux vedettes de la médiacratie cinématographique ou littéraire. Ils font le job avec conviction(s) et le font bien. Ils sont (eux aussi) "Le Masque" et "La plume".

(1) Au début des années 60 a été inventé le "Malabar" chewing-gum bien rose, goûtu, et épais, qui durait en bouche et coûtait 10 centimes. Aujourd'hui cette friandise n'a plus que le nom et la couleur, le reste a fondu et son prix a décuplé. Tromperie sur la marchandise !
(2) Les exemples ne manquent pas sur les radios publiques comme sur les radios privées.
 

3 commentaires:

  1. A propos de François-Régis Bastide j'ai eu la bonne surprise en fouinant dans les rayons de la librairie de La Martinière de trouver dans l'édition d'origine (Seuil) un recueil de nouvelles titré "Flora d'Amsterdam".
    Les nouvelles sont inégales mais l'écriture reste élégante tout au long du recueil avec une mention particulière pour l'atmosphère de la nouvelle-titre.C'était le conseil désintéressé du jour.

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  2. Je n'ai pas connu ce Masque-là et me régale chaque dimanche soir du Masque actuel mais si tu es de passage d'ici Avril, "Instants critiques" est repris à la Pépinière : http://www.theatrelapepiniere.com/Instants-Critiques.php
    Pour avoir savouré ces instants l'année passée, au Théâtre 71, je recommande chaudement ! Les joutes de ces messieurs sont ponctuées d'intermèdes musicaux délicieusement rétro et la célèbre fileuse résonne joyeusement dans les cœurs des masqués et plumés d'hier et d'aujourd'hui :-)

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    1. Rien à dire, tant mieux si tu y trouves ton compte. J'ai vraiment envie d'aller écouter "Instants critiques"… Bon le jour où dans vingt ans une émission que tu aimes et suis avec ferveur passera à la moulinette d'un certain Arnaud Lapeyre et sera "réduite" à des bruits de chiotte, tu écriras un billet sur ton blog pour louer l'original que tu aimais. Un peu comme un Louis Bozon lyrique, malicieux, cultivé pour animer "Le jeu d'Émile Franc" quand aujourd'hui la "copie" est pâle, très pâle… Merci pour ton commentaire !

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