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15 avril 2015. Rien à voir avec le 11 juin 1936. Le "Il faut savoir arrêter une grève" n'a pas du tout ici le même sens. On ne comparera pas les grèves massives du début du gouvernement de Front populaire de Léon Blum et les 27 jours de grève à Radio France. La reprise du travail chez Renault en 36 ne s'entend pas pareil que celle sur les sept antennes de Radio France. N'en déplaise aux impatients, qu'ils soient directeurs d'antenne, auditeurs ou cet innommable animateur qui réclamait le "droit de travailler", je n'avalerai pas la couleuvre du "show must go on".
Mercredi je n'ai pas écrit sur ce blog pas plus que je n'ai écouté la radio. Un goût amer. Et encore moins si c'est pour entendre une litanie de chiffres en trompe-couillons. J'arrive pas à oublier l'envers du décor. Les conditions de travail. Les cellules d'enregistrement rénovées inutilisables. Les risques qui pèsent sur les studios moyens pour créer une porte D pharaonique. L'externalisation du service de sécurité. Une syndication augmentée pour France Bleu clouant définitivement au pilori l'aventure généreuse et utopique en 1980 de "radios décentralisées" originales : "Radio Mayenne", "Fréquence Nord" et "Melun FM". Je vous parle d'un temps…
J'arrive pas à faire semblant de croire que derrière le miroir, les alouettes travailleraient dans le plus pur enchantement. Après le "Tout doit disparaître" d'un passé radiophonique décrété has been par le "jeune" Pdg de Radio France, Mathieu Gallet on va pouvoir passer au "Tout reste à faire". À commencer par le Contrat d'Objectifs et de Moyens (Com) qui donnera le cadre de fonctionnement de Radio France pour la période 2015-2019. Ça, ça mange du pain. Et de ça j'ai envie d'être à l'écoute. Comme j'ai envie d'être à l'écoute de ceux qui vont bien devoir s'expliquer sur la "faillite" d'un chantier monstrueux et dévastateur. Être aussi à l'écoute des conditions de production qui ne manqueront pas de faire évoluer les métiers de la création radiophonique.
Alors si vous voulez bien je vais commencer par faire grève (1), et ce, sans préavis. Je ne peux pas écouter ce qui sortirait de mon poste sans entendre ce qui se dit, se chuchote ou se murmure derrière. Pas plus qu'enfant et même adulte je ne supporte d'aller au cirque. Pour voir le matin celui qui tapant comme un forcené sur les pieux pour fixer le chapiteau fait tout son possible le soir pour nous faire rire. Derrière son masque je reconnais toujours le misérable qu'on oppresse.
Alors "Bas les masques". Les programmes quels qu'ils soient n'arriveront ni à me faire avaler la pilule de la Comedia d'ell arte ni les couleuvres planquées derrière le rideau de fumée. "Je suis comme je suis je suis fait comme ça" disait Prévert. J'ai encore quelques histoires d'avant à vous raconter et je vous les raconterai. D'avant oui car il y aura bien un avant et un après les "27 jours de grève de 2015 à Radio France".
Si j'ai longtemps été un auditeur passif et innocent des choses de radio j'ai décidé en créant ce blog d'être un auditeur actif. À ce titre et c'est peut-être une première je me mets en grève car dans cette société de faux-nez pas question de porter celui du clown ou de supporter au-dessus de ma tête l'anneau de l'ange béat.
En montant dans la voiture j'entends "Comme un boomerang" (2). Y'a pas de hasard. Pourtant j'aurais été inspiré d'écouter "Il quarto stato" d'Ennio Morricone (3)… Je suis en grève et ne vais pas tarder à crier le slogan de Coluche " Ce n'est qu'un combat. Continuons le début… " Si d'autres veulent se joindre à moi…
(1) Et même si vous ne voulez pas ;-)
(2) De Serge Gainsbourg, par Dani et Daho,
(3) Musique du film "Novecento/1900" de Bernardo Bertolucci.
Je partage ton sentiment Fanch (une fois de plus....), et curieusement, ton billet de ce matin me fait du bien...car depuis quelques heures, je n'arrive pas à sortir de ce sentiment de profond malaise qui m'étreint autour de cette grève d'où les faux-nez et les faux culs semblent sortir grandis. Honte à ceux-là, petits et "grands" serviteurs de l'ultralibéralisme économique qui ici et ailleurs cassent sans vergogne tout ce qui est Le Service Public, et tentent de saloper un peu plus de jour en jour notre communauté d'etres vivants et notre dignité d'êtres humains, libres et instruits....
RépondreSupprimerMais je ne veux pas rester seulement sur ce sentiment d'amertume. Je veux dire ici, comme je l'ai manifesté le 9 avril dernier à leur côté à Paris, tout mon soutien indéfectible, et toute ma fierté d'avoir partagé quelques instants de ce combat aux côtés de ces femmes et de ces hommes courageux et dignes, avec le sentiment que cette lutte - qu'ils ont eu raison de mener - ils l'ont aussi mené pour moi et pour nous tous, et ils m'invitent à ne pas baisser les bras face au pouvoir (de la bétise et de l'argent).
Je ne veux pas non plus rester sur un sentiment d'amertume vis à vis de ces "journalistes" qui ont petitement failli à leur devoir d'information (y compris dans la presse régionale de l'ouest de la France, suivez mon regard...), et te remercier ici Fanch, d'avoir tenu jour après jour ce blog essentiel à notre compréhension des enjeux qui se jouent aux alentours de Notre maison de la Radio. Il faut sans doute profiter de ces derniers moments où l'information libre et objective (mais aussi subjective !) est encore accessible sur Internet, sans crainte d'être fliqué pour pouvoir le dire et l'écrire [Dans quelques mois, il sera peut-être trop tard...].
Un grand merci à toi Fanch de ton regard (aimant), de ton écriture (précise) et de tes oreilles (attentives). Tu l'as dit, ce n'est qu'un combat...continuons le....
Guillaume de Saint-Brieuc (dans les Côtes d'Armor)
En espérant que cette grève-ci sera plus prolifique que celle de Radio France...
RépondreSupprimerJe devrais être heureux de retrouver "mon" France Inter. Je devrais être content de ne plus être tributaire des antennes commerciales sursaturées de messages publicitaires dont c'est peu dire qu'ils sont horripilants. Je devrais... je devrais. Mais je ne peux pas. J'ai moi aussi dans le coeur le sentiment diffus et pénible que cette fin de grève n'annonce pas la victoire de celles et ceux qui ont eu le courage de la mener, n'annonce donc pas non plus notre victoire à nous les auditeurs pour qui n'en doutons pas "les Radio France" se sont battus. En fait en écoutant la "véritable annonce de la grève" que nous offre Fañch sur Soundcloud et l'énumération de tous les enjeux je me dis qu'une telle partie ne s'arrêtera pas là et qu'à cette casse de notre service public de radiodiffusion ils ne renonceront pas, et si "eux" n'y parviennent pas, les clônes (ou clowns) politiques qui leur succèderont au terme de la prochaine consultation électorale de quelqu'importance, achèveront le travail de sape. Croire le contraire reviendrait à espérer que les bulldozers qui parfois font demi-tour dans la fôret amazonienne devant la levée de bouclier des associations et personnalités sensibilisées à la protection des populations indiennes menacées dans le lieu de vie, à croire que ces bulldozers ne reviendront pas terminer le boulot une fois levés les derniers interdits. Une fois de plus on nous a pris pour des jambons avec le coup du médiateur désigné par le gouvernement en désespoir de cause et les petits sermons adressés au président Gallet à qui ses employeurs -les vrais- repprochent en fait -mais en off- de n'avoir pas eu assez de tact et d’efficacité pour que les "réformes" (le mot en vogue) se fassent en douceur. Si vous ne l'avez pas encore fait écoutez la minute vingt de l’annonce citée plus haut.
RépondreSupprimerCher Fanch, bravo à vous. Juste une remarque: je crains que personne, parmi les responsables du fiasco de ce chantier, n'aie jamais à fournir d'explication. La cour des comptes a réalisé un audit d'un amateurisme total, l'état actionnaire a déjà tranché par la voix de la ministre de l'inculture: comme d'habitude ceux qui créent paieront pour ceux qui dirigent ou désinforment cyniquement, à l'image du cher (en €) animateur que vous évoquez ci-dessus. N'oublions pas pour autant l'attentisme prudent (style "je planque mon cul, je suis au dessus de ça, on n'est pas visés par plus de 300 départs...) du SNJ qui a réussi à limiter la solidarité journalistique à UNE journée de grève contre 27! Je suis depuis peu retraité de cette grande maison. Si la qualité de ceux qui participent à la création ne fait aucun doute, la nullité et la petitesse de l'encadrement, jamais remise en cause par une direction toute puissante, est hélas pitoyable.
RépondreSupprimerMerci Philippe,
SupprimerEt d'abord vous souhaiter une belle retraite. Vous êtes sorti du bois au "bon moment". L'amertume de ceux qui restent est palpable. Et les faux-nez virevoltent sur les antennes...
Merci encore pour m'avoir permis de diffuser votre belle création de l'indicatif de "Staccato"... Je l'écoute régulièrement avec un immense pincement au cœur <3
Monsieur Destrebecq, cher Philippe
RépondreSupprimerJe suis d'accord sur tout!
Et merci pour ces années partagées dans cette si belle Maison, contre laquelle ils semble que l'on s'acharne aujourd'hui.
Aurions-nous pris notre retraite à temps?
Quelle tristesse!
Je n'avais pas encore lu ce billet. J'aurais dû. Cela fait une semaine que j'"oublie" d'allumer la radio. Moi qui auparavant allais jusqu'à organiser mes rendez-vous ou activités en fonction des émissions de l'une ou de l'autre des Frances. Tu as mis des mots sur ce mal dont je souffre : je suis blessée. Je me sens trahie. Alors bien sûr je continuerai à écouter la radio, mais moi aussi je ne suis plus fidèle. J'ai un vrai chagrin. Je n'ose imaginer ce que ressentent tous les salariés qui sont montés au front (pour certains ce sacrifice financier doit peser) et qui ont été roulés dans la farine, trahis par ceux qui sont censés les protéger (ne parle-t-on pas de tutelle ?). Merci à eux.
RépondreSupprimerMerci Marie pour ces mots touchant… On n'a pas fini d'avaler les couleuvres. Restons groupés !
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