lundi 13 avril 2015

Lettre ouverte à Dominique-Jean Chertier, médiateur de Radio France…

Vue du ciel, pour prendre un peu de hauteur




Monsieur le Médiateur,

Vous venez d'entrer dans la ronde maison qui depuis vingt-cinq jours n'a plus l'air mais a gardé la chanson… au cœur. L'air elle l'avait pourtant tenu depuis cinquante deux ans. Entonné sous le Général il s'est fredonné jusque sous Hollande. Ce dernier chantant faux, l'air commença à lui manquer jusqu'à l'étouffer en mars de cette année. Et voilà les auditeurs - publics - brusquement sevrés de la diversité de l'offre de Radio France. Privés de leur petite musique quotidienne au tempo du rythme des jours et des nuits qui accompagne leur vie.

Les auditeurs sont tristes, grognons, ulcérés, vengeurs, dépités, agacés. Compatissants, solidaires et inquiets. Inquiets pour l'avenir de la radio publique qui pourrait bien passer par pertes et profits de la managérite qui a gangrené le service public français. Inquiets pour la création radiophonique qui n'existe pratiquement qu'exclusivement sur le service public. Inquiets pour le son, label d'excellence de ce média, jusque là étalon de la mise en ondes, image de marque du service public. Inquiets de la brutalité avec laquelle un Pdg entonne "du passé faisons table rase" lui dont on ne souvient pas l'avoir entendu chanter l'Internationale (1).

Tout à votre écoute de l'intersyndicale et des salariés vous n'aurez sans doute pu entendre Fabrice Arfi (2) dire sa stupéfaction que M. Gallet en appelle à l'État-actionnaire alors que les actionnaires de Radio France sont les citoyens français. Les auditeurs et les autres. Cet abus de langage montre s'il en fallait le peu de cas que fait M. Gallet des auditeurs dont il pense sûrement qu'ils appartiennent à une galaxie spatio-temporelle floue. Si floue qu'il n'y aurait que Médiamétrie pour lui rappeler à date fixe que les auditeurs ne comptent pas pour du beurre.

Un désastre
La situation que vous découvrez est désastreuse. On s'apprêtait en haut lieu à rejouer "Chronique d'une mort annoncée" alors que dans le brouillard, tombé depuis le 19 mars, on aimerait bien (re)voir "Le jour se lève". Vous me pardonnerez de filer la métaphore cinématographique. Je ne crois pas manquer de références radiophoniques mais ce n'est pas le moment d'évoquer "Les riches heures de la radio publique" que vous avez sûrement pu vous-même apprécier comme auditeur.

Il n'y a pas de fatalité à la mécanique infernale qui s'est installée à Radio France. Un seul homme peut-il avoir le pouvoir de décider seul de l'avenir d'un média public au détriment de l'histoire, de la transmission, de la culture d'entreprise ? Fleur Pellerin souhaite absolument "qu'un dialogue social effectif et respectueux sur le projet stratégique de Radio France permette notamment un partage du diagnostic et un travail sur la méthode". 

Souhaitons que vous réussissiez dans cette entreprise sur le fil du rasoir d'un enjeu de société. Si vous n'y pouviez la radio publique se propulserait à la vitesse du son dans un changement d'ère radical et fatal dont les conséquences dépasseraient largement les limites de la Maison de la radio. La radio est "une action humaine, autrement dit collective" déclarait le Général de Gaulle lors de l'inauguration de la Maison de la radio en 1963. Cela nous concerne tous et concerne tous les secteurs de la société. Tous les domaines de notre vie.

Un service public essentiel
La Maison de la radio n'est-elle pas le lieu idéal de la médiation ? Et pour parodier un slogan de France TV en cours, ne pensez-vous pas qu'il y a lieu d'afficher clairement "Radio France ce service public plus essentiel que jamais"

Je ne sais pas s'il est dans les attributions de votre fonction d'écouter ceux pour qui la radio est destinée. Pourtant les auditeurs ont des choses à dire. Comme la loi les y incite les associations de consommateurs pourront bientôt siéger aux Conseils d'Administration des entreprises audiovisuelles publiques (3). En attendant, peut-être serez-vous intéressé d'entendre quelques-uns d'entre eux qui, pour une fois, pourraient vous faire part de leurs façons d'écouter, de leurs attentes, de leurs souhaits. Au-delà des "J'aime" "J'aime pas" coqueluche tendancielle à caractère contagieux.

Pour ma part, je suis prêt à vous rencontrer à votre convenance,

(1) Paroles d'Eugène Pottier, 1888,
(2) Journaliste à Mediapart, in "Le Tube" Canal+, 11 avril 2015,
(3) Les conseils d’administrations de France Télévisions et de Radio France doivent comporter désormais un représentant des associations de défense des consommateurs, agréées au niveau national, désigné par le CSA parmi les personnalités indépendantes dont la nomination lui incombe. Pour France Médias Monde, le CSA désigne un représentant de l’Assemblée des Français de l’étranger (Loi du 15 novembre 2013)

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