mardi 28 janvier 2020

Avant n'existe pas : la culture du déni !

Fallait pas ! 
Fallait pas décider en 1953 de construire une Maison de la radio 
Fallait pas ! 
Fallait pas rassembler 39 lieux dans Paris pour les faire travailler ensemble dès août 1963 
Fallait pas ! 
Fallait pas sanctifier l'affaire le 14 décembre 1963 par De Gaulle lui-même 
Fallait pas ! 
Fallait pas que Roland Dhordain invente France Inter et la place en tête des généralistes 
Fallait pas ! 
Fallait pas non plus qu'il installe l'antenne d'Inter 24/24
Fallait pas ! 
Fallait pas inventer la stéréo sur France IV haute-fidélité (France Musique),
Fallait pas !
Fallait pas inventer Fip, RFI, Radio Mayenne, Melun FM, Fréquence Nord, Radio 7, Radio Bleue, France Info, Le Mouv'
Fallait pas !
Fallait pas se présenter aux prix Italia et rafler la mise
Fallait pas !
Fallait pas inventer les Radios Publiques Francophones
Fallait pas !
Fallait pas pousser le son très loin et jusqu'au binaural en 3D
Fallait pas !
Fallait pas !



Avant n'existe donc plus ! La culture du déni a envahi tous les espaces et particulièrement celui des médias. La radio n'y échappe pas. Si tu fais la moindre démonstration d'excellence, de qualité, d'éveil précoce à l'imaginaire à l'appui d'une référence… historique, t'es bon pour être estampillé "nostalgique", "has been" et "réactionnaire". Pas moins. C'était pas mieux avant. Jamais. C'est un credo. Un mantra. Une énième formule du Docteur Coué à peu près aussi efficace que "La jouvence de l'abbé Soury". Pourtant les nouveaux fantassins de la rhétorique libérale d'un marketing sauvage s'en gaussent du matin au soir en se l'injectant en intra-veineuse au moindre risque d'être pris en flagrant délit d'affectivité.

Le mot est lâché. No affect. No alternative. No feeling. Ces nouveaux maîtres sans mystère vomissent "L'Internationale" mais sont prêts sans vergogne à faire du passé tabula rasa. Reconnaître le dit-passé radiophonique participerait à constater leur absolue médiocrité. Leur mépris ravageur. Leur morgue abjecte. Rappelons-nous comment Gallet (Mathieu, ex-Pdg) face à Yann Barthes (Le Petit Journal, Canal Plus, juin 2014) pour répondre au départ forcé de Daniel Mermet de France Inter avait d'un revers méprisant bafouillé "That's life" ! Sordide !

Gallet est le premier entré dans la bergerie et, ne s'affublant ni du costume du loup (de Wall Street) ni de celui du petit chaperon rouge, n'en a jamais fini, jusqu'à sa révocation par l'officine même qui le fit roi, de dénier la radio, son histoire, ses acteurs, ses savoirs-faire et sa capacité au mouvement perpétuel ! Pour l'histoire ce triste sire fera figure de bouffon. Et il ne donnait pourtant jamais envie de rire mais de pleurer. À chaudes larmes !

Il en va ainsi en suivant avec Madame Veil, campée dans la posture du Commandeur. Inflexible. Adepte absolue de Miss Thatcher et son "No alternative" fracassant. Veil voudrait bien se passer du chœur (de Radio France). Quand le sien est en mode débranché. No affect, on vous dit. No feeling. Cette personne s'est-elle jamais interrogée sur l'excellence d'avant ? Sa prédécesseure Jacqueline Baudrier (1ère Présidente de Radio France 1974-1981). La cohorte de talents femmes et hommes qui ont installé la radio publique dans les habitudes des Françaises et des Français. L'invention des formes, des techniques, des méthodes. Et qui, sans le moindre doute de forfaiture vient annoncer qu'il faut tout changer, tout moderniser, tout PDV (Plan de Départs Volontaires).

Ces gens-là ne connaissent ni Pierre Schaeffer (ingénieur, compositeur) à qui Giscard a volé le "Service de la recherche", sise à l'ORTF jusqu'en 1974 ! Ni encore moins Robert Murray Schafer (compositeur) qui, entre autres, pouvait dire sur le son :


"La vue est à portée de main
Le son vient de loin
La vue explique
Le son pare de mystère
La vue est vérifiable
Le son est légendaire" (1)

Et, comme me le disait hier un ancien directeur de France Inter, citant Bernanos "Ces gens-là ne seront heureux que lorsqu'ils auront été remplacés par des robots". CQFD ! À leur culture du déni il faut ajouter leur déni de la culture… radiophonique !

(1) Cité par Annick Cojean, Le Monde, "Les alchimistes du 8ème art", 7 janvier 1984. À l'occasion de la rencontre organisée le 3 janvier par l'association Espaces radiophoniques autour du thème "De la radio comme huitième art", pour fêter les 20 ans de la Maison de la radio ! Et de Schafer : R. Murray Schafer, Le paysage sonore, le monde comme musique, Marseille, éditions Wild Project, 2010.

7 commentaires:

  1. C'est étrange je me suis fait le même genre de réflexion cette nuit en entendant une rediffusion sur l'extermination des populations indiennes en Amérique du Nord. Je me disais qu'il y avait une époque où l'on pouvait réaliser un documentaire de deux heures avec des penseurs de différents horizons, et développer une réflexion complexe et des analyses subtiles en faisant confiance à la capacitè de compréhension des auditeurs...

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    1. oui j'ai aussi écouté. Réfléchir est un bienfait

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  2. C'était avant… et c'était pas mieux avant, na !

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  3. Fallait pas éteindre Allouis et ses 2000 kW ...
    Merci pour vos billets

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    1. Ah ben je l'avais oublié celui-là et l'arrêt des G.O. pour Inter ! Merci ;-)

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  4. C'est a peu près exactement ce que j'ai écrit en novembre dernier à Sybille Veil concernant l'avenir de Fip qui ne sera bientôt plus Fip tant la structure historique de ma chère radio est en train d'être anéantie par Mes Veil et Ravache !

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  5. Bonjour ! Fip sera un programme musical centralisé avec une animation "parisienne"… Pour faire bonne mesure après d'@jack et @machin, Bill Gates devrait passer, Tim Cook, Zuck, le Prince Harry, le maire de Londres, etc etc ! La diffusion hertzienne a encore qq années à vivre, puis Fip basculera sur le web intégral… Regardez sur ce blog les billets sur Fip et https://radiofanch.blogspot.com/2019/12/tiens-prends-ca-dans-le-fip.html

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