Des mots plombent l'aujourd'hui quotidien… "Trajectoire financière", "Trente pour cent du chœur", "Agile"… Lourds de sens. Insensés. Ces mots du langage financier, du marketinge, de la LQR sont, a minima hors contexte dans une entreprise culturelle de service public, a maxima du mépris absolu pour des salariés, des interprètes, des créateurs qui se "déchaînent" pour produire des contenus ! Et pourtant c'est à Radio France, entreprise publique de radiophonie. La même Radio France qui, il y a quarante cinq ans, accueillait presque jour pour jour, Jacqueline Baudrier, journaliste, pour en prendre sa présidence. Las, de l'eau a coulé sous le pont de Bir-Hakeim et les managères de moins de cinquante ans se sont imposées dans tous les rouages de la machine étatique. Désincarnés, hors-sol, interchangeables ils s'expriment dans un verbiage de caste et tentent pour faire avaler, couleuvres et sornettes, de pondérer "tout ça" en employant des mots dont ils ne connaissent ni l'esprit, ni la lettre : contenus, créations sonores, équipes de réalisation, numérique, audio… Comme de petits singes savants ou de funestes perroquets !
Roland Barthes à la fin des années 80 aurait-il peut-être ajouté "la radio" à ses "Mythologies" (1) ? Roland Barthes ? Connais pas, caquettent les épouvantails de la gestion moderne ! "La radio" (publique), cet ensemble cohérent a commencé par être affaibli quand France Inter a émigré à Mangin (l'immeuble proche de la Maison de la radio), puis ce fût au tour des formations musicales de se disperser dans Paris. C'est un peu plus grave quand, quittant le cœur de la radio, le chœur fût transplanté il y a huit ans à dache perpete. Comment une organisation, une société, un ensemble peut-il continuer à respirer, à vivre si son chœur est parti divaguer hors de son "corps" ?
Et surtout comment ne pas rendre signifiant un tel acte institutionnel ? Comment faire semblant de ne pas croire que le démantèlement progressif, par "petits bouts" n'a pas pour objectif l'extinction… de voix ? Toutes les voix, celles qui parlent, celles qui chantent, celles qui se taisent. Comment ne pas être sûr que Jean-Paul Sartre ne montera pas ce matin (avant les vœux de la Présidente), devant la porte A, sur un lourd bidon d'huile (2) pour constater, amer, qu'ils ont fini par "désespérer Radio France" comme d'autres avaient si souvent "désespéré Billancourt".
La belle maison d'Henry Bernard, reconfigurée, défigurée, arrive au bout de sa mue. Sera-t-elle encore une maison de radio (ou une plate-forme de podcast) ? Sera-t-elle encore le lieu de la création radiophonique ou un "Studio Radio France" prestataire de service et de co-productions. Sera-t-elle l'excellence de la création musicale avec Philar, National, Maîtrise et Chœur ou un baltringue pour happy-few ?
Quels vœux inavouables Madame Veil, Pédégère de Radio France, cachera-t-elle derrière ses vœux de circonstance ? Peu probable qu'à cette occasion elle emprunte la trajectoire… du cœur !
(1) Le Seuil, 1957,
(2) Comme à Billancourt en 68.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire