mercredi 29 janvier 2020

La fin de l'histoire… (bis repetita)

La fin de l'histoire radiophonique s'entend ! Je ne tenterai pas de copier l'oracle de Fukuyama (1) pour autant ce billet complètera celui d'hier tant l'interpellation d'une de mes lectrices (2) m'a incité à en rajouter une couche, au cas où les nouveaux maîtres puissent imaginer un seul instant qu'on va baisser pavillon et se ranger à leurs roucoulades superfétatoires. L'histoire plaide en notre faveur et ces Cavaliers de l'Apocalypse (qui sont un peu plus de quatre) ne nous empêcheront pas de penser que c'est leur absolu manque de culture radiophonique qui les enverra en enfer médiatique jusqu'à la fin de leur jour (3).



Donc l'armada de technocrateurs, marqueteurs, chiffreurs et numériqueurs a décidé d'en finir avec l'histoire radiophonique. En l'absence de culture le déni est devenu l'atout maître de ceux qui veulent construire le futur sur les seules bases de leur présence (nuisible). Présence qui se caractérise par l'utilisation abusive de jargon mi-techno, mi LQR, d'anglicismes au kilomètre (4) et de nouveaux mots tendances qui ne passeront jamais par la case "Académie" tant ils ne durent que le temps de leur rhume… de cerveau indisponible. Vous trouverez sur ce blog les détails de leur forfaiture en "série".

On comprend donc mieux pourquoi le Plan de Destruction Massive, élaboré par Bercy, exécuté par la soldate Veil, ci-devant Pédégère de Radio France, s'applique à commencer par détruire la "Documentation d'actualité" des fois que le travail acharné de documentalistes (aussi acharné-e-s) depuis la nuit des temps (radiophoniques) ne soit plus utile aux professionnel-le-s des sept chaînes de la maison qui ont en permanence besoin d'enrichir, documenter, sourcer leurs propres recherches. A-t-on déjà ajouté un bouton en or sur leur ordinateur qui clignote comme une enseigne de bordel "Wiki, Wiki, Wiki" ? (5).

Et si l'on pousse le déni encore plus loin ça donne : "Pas de mémoire du passé, pas d’état d’âme." Roulez jeunesse, l'avenir numérique vous tend les bras ! La start-up "Chiffres/Frisch" est une calculette à taille humaine (sic). 

Pour la "Documentation sonore" neuf "départs volontaires" ont été envisagés. Que penser d’une entreprise, dont le métier est le son, qui va gravement amputer son service de documentation sonore (6) ? On aimerait assez que Jean-Noël Jeanneney (7) s'exprime, lui qui a beaucoup fait pour une structuration des archives de Radio France et qui, en tant que producteur d'une émission d'histoire utilise beaucoup les archives sonores disponibles.

Voilà, mes chers auditeurs, le quotidien de décisions iniques et d'actions directes qui vont participer à la réorganisation de Radio France. Et changer la donne de fond en comble. C'est bien le modèle de la radio telle que vous l'écoutez encore qui va voler en éclats. Y faire sans cesse référence est considéré a minima comme passéiste a maxima comme régressif. C'est un autre modèle qui excite les apprentis sorciers. Un modèle où l'esprit de fabrication collective aura disparu. Un modèle où la transmission de l'"avant" sera bannie. Un modèle où l'individualisation et l'écoute à la demande auront pris le dessus sur l'écoute collective et une politique de l'offre. Au risque, suivant les contenus co-produits et/ou sponsorisés, d'écorner les valeurs cardinales qui ont procédé à la création du média public : informeréduquer et divertir. 

Un modèle en phase avec le modèle de société ambiant. Mais est-ce bien ce modèle de société et ce modèle de radio publique que nous voulons ? La question reste posée. 



(1) "La Fin de l'histoire et le Dernier Homme", Francis Fukuyama, Flammarion, 1992,
(2) Ah bon t'as des lectrices Fañch ? On croyait que tu prêchais dans le désert ?
(3) Vous l'avez le visuel genre GoT (Game of Thrones) ?

(4) Avec comme chef de file et prédicateur, Frédéric Martel, producteur (France Culture) engagé pour le Soft Power,
(5) Pour info, à la mort de Pierre Bouteiller j'avais été sidéré d'entendre qu'on lui attribuait "Qu'il est doux de ne rien faire quand tout s'agite autour de vous…" alors que c'est José Artur qui avait créé l'émission à la rentrée 68, sur France Inter. Un directeur de chaîne m'avait dit que son journaliste avait pris l'info sur Wikipédia. J'ai moi-même modifié la dite fiche !!!!

(6) Neuf départs volontaires pour 20 équivalents temps plein (ETP) et un poste d’encadrement. Soit 23 personnes. Il y a sept ans, ce service était de 32 personnes. Il fonctionne déjà avec 9 personnes en moins,
(7) Historien, Président de Radio France 1982-1986. "Concordance des temps", France Culture, Le samedi, 10h-11h, depuis 1999.

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