dimanche 20 mai 2012

Guy Sono*…



À gauche le sémillant Senaux, l'ingénieur son de l'"Oreille en coin"





Derrière la vitre, en régie, en cabine, des femmes et des hommes de l'ombre font la radio. Si l'on sait tendre l'oreille, ces noms s'égrènent lors des désannonces de fin d'émission. Au fil des ans, ils deviennent des bornes, des balises, des repères dans la galaxie de ceux qui ne "passent pas à la radio" mais sans qui il n'y aurait pas de radio. Ces techniciens du son, ces réalisateurs, ne trouvent une infime reconnaissance de leur fonction qu'une fois l'émission achevée, quand pourtant ils en ont aussi été des acteurs essentiels.

Guy Senaux, dans son très long parcours professionnel à Radio France (il est maintenant en retraite), a "tenu" les manettes de l'"Oreille en coin" pendant 18 ans, toutes les quatre semaines (1), à savoir cent quatre-vingt-six "Oreilles" au plus près des siennes et de celles des producteurs Pierre Codou et Jean Garretto. Cent quatre-vingt-six "Oreilles" avec la kyrielle des Kriss, Claude Dominique, Emmanuel Den, Thomas Sertilanges, Robert Arnaut, Katia David, Paula Jacques, Daniel Mermet et tutti quanti…

Guy rappelle que l'Oreille en coin était la seule émission de France Inter a disposer d'une équipe de production qui y était attachée. L'ingénieur du son et son assistant travaillaient en amont avec les producteurs des différentes émissions qui composaient le menu hebdomadaire de l'Oreille en coin. Cela commençait le mercredi dès 14h pour se terminer, en direct, le dimanche à 19h. C'est vraiment très peu de dire que le travail de (post) production de l'"Oreille" était très élaboré.

Pour être allé plusieurs fois en régie assister "de l'intérieur" à une émission de radio, j'ai toujours constaté une grande complicité entre le réalisateur (genre de chef d'orchestre) et son ingénieur du son. S'ils ne se regardent pas (ils sont en ligne, l'un à côté de l'autre), ils se parlent, s'écoutent, et surtout sont en symbiose de réalisation. Le fluide, le feeling, les ondes passent entre eux. Dans l'entretien que Guy Senaux m'a accordé pour écrire ce billet, il m'a précisé les notions essentielles qui permettent cette relation duelle. Rigueur, travail d'équipe et entente sont indispensables à la bonne marche de l'affaire. Chacun des mousquetaires avait son style, mais Codou et Garretto avaient aussi le leur et cette alchimie a duré 22 ans (2).

Au cours de cet entretien j'ai demandé à Senaux si, dans sa "cabine de pilotage", il n'était pas comme une vigie sur la mer. Il m'a immédiatement précisé être allé à "l'école" de Yann Paranthoën (3) quand, pendant un an, il a été son opérateur à TSF. Belle reconnaissance de Senaux, d'un collègue pour qui la mer était dans les gènes. Senaux évoque aussi la tension qui règne en régie, pas une tension d'énervement ou d'excitation, une tension d'attention extrême, de vigilance, d'anticipation. Avoir l'œil et l'oreille sur tout, veiller à éviter le couac technique (impardonnable), au blanc (tragique), et ne jamais trop lâcher des yeux la pendule qui, impitoyable, imposera à l'heure juste de "rendre" l'antenne pour le flash d'infos.

Senaux est passionnant et passionné. Cette dernière anecdote : "quelquefois c'est dans la vitre, en reflet, que je regardais Garretto et que je suivais les indications qu'il me donnait". "L'Oreille en coin" réalisait chaque semaine un numéro d'équilibriste et ils étaient plusieurs sur le fil. Senaux, professionnel chevronné, a voulu au-delà de son expérience, transmettre. Transmettre non seulement la technique mais aussi l'esprit d'un travail d'équipe qu'il qualifie de compagnonnage. Il parle d'un métier qui est une chaîne (de compétences et de savoirs-faire). Infatigable il participe au projet "son multicanal" de Radio France. Normal quand on s'appelle Sono… (4)

* Quand le courrier arrivait à la Maison de Radio-France, il n'était pas rare que pour l'une ou l'autre des émissions pour lesquelles Guy Senaux officiait, on demandât qui était ce "Guy Sono" ?…

(1) Ils étaient donc quatre mousquetaires : Yann Paranthoën, Édouard Camprasse et Joseph Rémiot, à officier les samedis après-midi, dimanche matin et après-midi de 1968 à 1990. Les trois premières années l'émission s'appelait TSF (+ l'année en cours),
(2) voir le livre de Thomas Baumgartner, L'oreille en coin, Une radio dans la radio, Nouveau Monde Éditions, 2007,
(3) celui que j'appelle l'"inseigneur du son", 
(4) un, deuxtrois

8 commentaires:

  1. Une petite anecdote destinée à l'édification de tous les fervents de YP: Il est amusant que Senaux se réclame d'être allé à "l'école" de Yann Paranthoën et je ne peux m'empêcher de citer ceci:
    Lors d'un entretien radiophonique où il évoque sa collaboration avec Yann Paranthoën avec qui il a longtemps officié, Bertrand Jérôme rappelait avec humour que celui-ci se méfiait des "écoles" en citant cette phrase admirable:
    - Ce n'est pas pour rien qu'il y a des panneaux "Attention Ecole"!

    A méditer....

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bon on veut les références de ce moment de radio M'sieur Jakki ! Thanks !

      Supprimer
    2. Merci pour ce commentaire documenté, cher Jakki, Senaux n'est pour rien dans le mot "école", c'est moi qui sûrement abusivement ait parlé d'école. Je ne supprime pas ce mot, ce qui permettra à chacun de situer l'homme Paranthoën, qui d'une façon ou d'une autre, a bien dû semer quelques façons de faire ou mieux… d'être face au son !

      Supprimer
  2. Il faut que je remette la main là-dessus, ça date un peu et ma mémoire n'est pas aussi bonne que celle de certain billettiste de ma connaissance ;-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Cesssssse-là oui ! Merci cher Jakki de "faire vite" car demain nos chers auditeurs auront déjà oublié cette anecdote précieuse du Paranthoën libertaire de Bretagne…

      Supprimer
    2. Pour ces certains là, ce n'est pas une mémoire, juste des petits carnets noirs…

      Supprimer
    3. Et non, dans mes petits carnets noirs il y a de jolis coquelicots et quelques petits mots doux…

      Supprimer
  3. Oui, des pensées pour Kriss, Claude Dominique, Yann Parenthoën et tous les autres que tu admires !!

    RépondreSupprimer