Photo de famille avec Salvador Allende en 1972 à Santiago du Chili © Rodrigo Gomez Rovira |
"Avec une seule image on peut raconter 40 ans d'histoire". C'est avec cette belle phrase de Rodrigo Gomez Rovira que commence le long documentaire de Alain Devalpo et Jean-Philippe Navarre et (1). La douceur de la voix de Rodrigo, la "simplicité" de l'événement qu'il décrit, prendre une photo de famille avec le Président Allende, est bouleversante et plus de quarante ans en arrière, nous renvoie juste avant qu'un cataclysme de coup d'État militaire ne vienne "décapiter" la douceur d'un Chili en plein ascension démocratique. Alors elle est bien dérisoire et tragique mon image de magazine arrivé dix jours après le coup d'État, et la certitude et le douloureux regret, à ce moment-là, d'avoir raté quelque chose de terrible pour la démocratie et pour la paix. En Bretagne, sans radio, sans télé, sans désir de lire le journal quotidien, j'étais en ce mois de septembre 73 à l'écart du monde. J'avais 20 ans et l'insouciance qui allait avec, même si je venais doucement, grâce à ce magazine (2), de commencer à comprendre le monde.
Entendre cette Marseillaise en español, chant révolutionnaire des socialistes chiliens "sorte de transition entre l'hymne national français et l'International" c'est prendre aux tripes ce morceau de fraternité dont un "bout" d'océan seulement nous séparait, englués que nous étions dans un pompidolisme de certitudes, d'arrogances et de mépris pour la jeunesse qu'il convenait d'étouffer. Je ne suis pas fier de ne pas avoir suivi depuis 1970, cet avènement populaire qu'Allende avait accompagné et promu. Je crois que ça fait longtemps que j'attends que la radio revienne sur cette histoire. France Culture et "Sur les docks" nous donnent l'occasion sensible de ne pas oublier et de comprendre. Hasta siempre.
Quand je dis radio je ne parle pas d'une radio de l'information, de l'actualité chaude ou froide, des experts qui s'écoutent, politologues pédants, marabouts de grosses ficelles, spécialistes précieux, va-t'en-guerre arrogants, pacifistes caution, chroniqueurs spécialistes de tout, et tout le fourbi dont nous assaillent toutes les chaînes de radio pour tenter de rendre compte quand il s'agit trop souvent d'enfiler les perles de la glose amphigourique. Glose talkée, tous les jours et à toutes heures sans jamais prendre le temps d'aller plus loin que l'effet ponctuel et immédiat du "On vous dit tout". Mais de ce tout on ne saura rien, car à peine le début de quelque chose "prend corps et esprit" qu'on passe à autre chose furieusement et inéluctablement. Qu'on arrête alors de me dire que ces émissions d'information sont l'alpha et l'oméga de la radio. Y'a basta !
Le documentaire qui rend si bien compte de la petite histoire comme de la grande doit le plus souvent possible être mis en avant sur France Culture. C'est ce qui fait de la chaîne sa singularité. C'est ce qu'elle doit défendre au point d'en faire son identité.
Demain le deuxième volet "Les braises de l'espoir.
(1) Diffusé les 9, 10, et 11 septembre, "Sur les Docks", 17h, France Culture,
(2) Le Nouvel Observateur,
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