© CHRISTOPHE ABRAMOWITZ/Radio France |
Jamais assis dans un fauteuil académique, ce chercheur d'histoire(s), toujours en marche, écoute, soulève, scrute, creuse, s'interroge, confronte, y revient et, quand il finit par s'asseoir devant son micro, on pourrait sentir une certaine jubilation à avoir mitonné son sujet. Gourmand, il se prépare à une joute verbale en bonne compagnie avec celle ou celui qui viendra raconter son Histoire. Une autre ou la même. À lui alors de tourner autour en une cérémonie savante. Sa cérémonie. Il s'approche. Lentement d'abord. En cercles concentriques larges. Sans avoir l'air d'y toucher. Matois. Puis d'un bond il sort du champ (pour mieux y revenir). Il guette. Se rapproche. Donne un coup de patte. Si besoin un coup de griffe. Affirme. Son autorité, sa parole, son savoir. Écoute. Rebondit. Chahute. Minaude. Et en une pirouette subtile sort du jeu à pas de velours. S'il pouvait ce serait le bon moment pour retourner à son fauteuil. Satisfait il pourrait alors commencer à ronronner.
Tout ça pour vous dire, mes chers auditeurs, que Lebrun (1), mais vous l'aviez reconnu, à l'antenne vendredi dernier, était à son affaire en inaugurant les séances qui désormais, le vendredi, verront intervenir un "Témoin" qui aura charge d'éclairer la mémoire orale (2) des faits de la petite ou de la grande histoire. Le chantre de la "République de la parole" va la donner au passant qui passe, à celle ou celui qui se souvient, à tel qu'on dit "taiseux" ou à tel autre "volubile" qui pourrait, subrepticement, être "sans voix". Ajoutons à cela ce "témoin" qui aura sûrement quelque chose de nouveau à dire ou à redire autrement. Ne doutons pas que le conteur Lebrun n'y sorte de sa besace le grain de sel qui donnera toute sa saveur à l'affaire.
Mais ce n'est sans doute que le premier étage de la fusée (3). Gageons que, dans quelques mois, Lebrun nous proposera un rendez-vous dans quelque université de son style, un café et, sur un temps plus long, cherchera à confronter les savoirs populaires à ceux de l'histoire érudite. Cela pourrait aussi se faire en une université d'été qu'on appellerait "Les rencontres du Contadour" (4), celles "du Mont Lozère" ou, pourquoi pas, sur une autre hauteur propre à disposer de toutes les perspectives à tisser et retisser les fils de l'histoire. Celle qui n'en finit pas de nous poursuivre, comme celle que nous aimons, à notre tour, raconter.
(1) France Inter, La marche de l'histoire, du lundi au vendredi, 13h30-14h,
(2) "Pas d'histoire sans archives. Mais les archives peuvent être aussi orales. Il y a plus de cent ans, était lancée en France une opération qui portait le beau nom d' «Archives de la parole». Le but était de recueillir des voix anonymes des « provinces » ainsi que d'autres, illustres, de Paris. « La marche de l'histoire » renoue avec cette tradition et propose de faire entendre un témoin venu d'un passé, d'un pays plus ou moins proches. Mais la radio n'étant pas seulement chambre d'écho : ce sont aussi les auditeurs qui feront surgir les témoins."
(3) Dans le sillage de l'écrivain Jean Giono (1895-1970) qui voulait bien se réunir avec ses amis et autres admirateurs sur cette "montagne" du Contadour en Provence avant la guerre de 39, mais en aucun cas être un guide ou un gourou,
(4) Hypothèse gratuite et non validée par l'intéressé.
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