"Il suffit de passer le pont, c'est tout de suite l'aventure" ©Gilles Davidas, Place de la République, (41 mars, 10h) |
Hier soir, pour son direct, Radio Debout utilisait tous les moyens disponibles pour rendre compte des événements périphériques autour de la République (place de, Paris) et particulièrement le cortège bloqué dans son déplacement qui voulait "aller prendre l'apéro chez Valls" (en déplacement à Alger). Là, les téléphones portables, les twitter, les Périscopes permettent en temps réel de savoir "par où passer", et "où c'est bloqué". L'hyper communication pour l'hyper mobilisation.
Mais en 68, mai en 68, le Préfet Grimaud ayant vite compris que les manifestants écoutent Europe n°1 et RTL (1) pour connaître la position des CRS, prend plusieurs mesures qui entraveront les reportages des journalistes. Les radiotéléphones des voitures sont coupés, sous prétexte de les rendre disponibles pour la police. Yves Guéna, (Ministre des PTT et futur ministre de l'information et de… l'ORTF) coupe les moyens HF des reporters. Les journalistes n'ont plus d'autres solutions pour transmettre leurs papiers que de téléphoner depuis chez les particuliers (2). C'est Grimaud qui évoque "Radio-Barricades".
Et, le 14 mai, Georges Pompidou peut déclarer à l'Assemblée : "Je ne peux pas ne pas souligner le rôle, en pareil cas difficilement évitable mais néfaste, de radios qui, sous prétexte d'informer, enflammaient, quand elles ne provoquaient pas. Entre la diffusion des renseignements et la complicité, entre le souci de recueillir les explications des manifestants et l’appel à la manifestation, il n'y a qu'un pas et qui fut franchi parfois allègrement". (3)
Et, le 14 mai, Georges Pompidou peut déclarer à l'Assemblée : "Je ne peux pas ne pas souligner le rôle, en pareil cas difficilement évitable mais néfaste, de radios qui, sous prétexte d'informer, enflammaient, quand elles ne provoquaient pas. Entre la diffusion des renseignements et la complicité, entre le souci de recueillir les explications des manifestants et l’appel à la manifestation, il n'y a qu'un pas et qui fut franchi parfois allègrement". (3)
©Gilles Davidas, Place de la République, (41 mars, 10h) |
Et dans L'Express du 3 juin 1968, Danièle Heyman écrivait : "Depuis le 6 mai, le transistor est devenu le cordon ombilical qui relie la France à sa révolution. La télévision, muselée ou presque, a pour l'instant renversé le régime de l'image. Le pouvoir est à la parole. Et dans le domaine de l'information, les radios périphériques, grâce à leur souplesse, à leur mobilité, grâce aussi à une certaine liberté, ont affirmé leur puissance et, dans l'ensemble, assumé leurs responsabilités". (4)
Quant à Grimaud, il est clair : "Pour la première fois, nous mesurions le rôle considérable que jouaient dans ces événements les reporters de radio et notamment des postes périphériques. Cette radio dans la rue, au niveau des manifestants, sans intervalle, sans répit, donnait un caractère extraordinairement dramatique aux moindres incidents, et l’information atteignait de plein fouet des centaines de milliers d’auditeurs tendus vers leurs transistors ». Il ajoutait que ces reportages avaient "certainement contribué à rabattre vers le Quartier latin quantité de gens qui, sans cela, seraient restés chez eux". Mais, il précisait aussi : "ces reportages étaient d’ailleurs suivis avec soin (...) par mes collaborateurs. (...). Plus d’une fois, c’est par ce moyen que, nous aussi, nous étions alerté sur un incident. (...) C’est un peu comme si, pendant la guerre, l’état-major avait su à tout instant ce qui se passait dans les lignes adverses" (5).
"Les radios n’étaient peut-être pas d’ailleurs les seules sources d’information des manifestants qui, semble-t-il, avaient également réussi à se brancher directement sur les fréquences de la police." (6)
©Gilles Davidas, Place de la République, (41 mars, 10h) |
Marcelle Michel, dans Le Monde du 5 juillet 1968, donne une des conclusions provisoires à cette
expérience de la manière suivante : "Les événements et la contestation devraient engendrer un nouveau
style radiophonique [...] les échanges téléphoniques, ainsi que les multiples "tables rondes" et débats
organisés à RTL et Europe n° 1 entre leaders politiques, journalistes, spécialistes, se caractérisaient par une
certaine qualité de ton, des références techniques, un souci de traiter l'auditeur en adulte." (7)
O tempora, o mores, l'histoire de la communication pendant les #NuitDebout reste à écrire, mais ne vient-elle pas juste de commencer cette histoire moderne qui n'aurait pas été pour déplaire à Mc Luhan (8) ?
(À suivre)
(1) L'ORTF (radio & TV) est en grève,
(2) Jean-Pierre Farkas, rédacteur en chef à RTL à l'époque (après "Combat" et avant d'être directeur de l'info à France Inter) m'a confirmé cet épisode quand je l'ai rencontré en février 2014,
(3) Cité par Jean-Jacques Cheval, in "Mai 68, un entre deux dans l'histoire des médias et de la radio en France", Grer, juillet 2008,
(4) in opus cité,
(5) op. cit.,
(6) Jean-Jacques Cheval, op.cit.,
(7) Jean-Jacques Cheval, op.cit.,
(8) Marshall McLuhan (1911-1980), théoricien canadien de la communication et du "village global"
(3) Cité par Jean-Jacques Cheval, in "Mai 68, un entre deux dans l'histoire des médias et de la radio en France", Grer, juillet 2008,
(4) in opus cité,
(5) op. cit.,
(6) Jean-Jacques Cheval, op.cit.,
(7) Jean-Jacques Cheval, op.cit.,
(8) Marshall McLuhan (1911-1980), théoricien canadien de la communication et du "village global"
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Hier les 40èmes Rugissants… |
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