lundi 12 décembre 2022

Avant le raout (du 19 décembre), David Christoffel nous livre sa vision des enjeux pour la radio publique…

Bon, quelquefois il vous arrive bien avec des potes de faire un plateau TV un soir de match de… croquet. Avec David Christoffel, - Poète et compositeur / Producteur @RTS/ Metaclassique sur 100 radios libres - on a, depuis octobre, réservé une bonne partie de la journée du 19 décembre pour écouter “Trois variations en do majeur” ou l'audition des trois postulants à la Présidence de Radio France. Florent Chatain (journaliste), Maïa Wirgin et Sibyle Veil. Que, comme nous, vous pourrez suivre sur le site de l'Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique). J'ai proposé à David de répondre à quelques questions.

















Radio Fañch David, tu m’as annoncé depuis longtemps la pose d’une RTT (Radio Tout Touïe) le 19 décembre, que se passe t-il ce jour-là ?
D.C. : Quand, il y a 5 ans, Emmanuel Macron parlait de l'audiovisuel public comme d'une "honte", il entendait sortir d'un "système incestueux" avec le voeu d'apporter la culture à ceux qui en sont les plus éloignés. L'idée même d'une culture à deux vitesses tient d'une rhétorique assez verticale de démocratisation de la culture. Depuis 5 ans, les dynamiques s'intensifient pour réfléchir en termes plus horizontaux de démocratie culturelle. Et le Ministère de la Culture promeut de plus en plus systématiquement la déclinaison des droits culturels. Si bien que la diversification des voix (trop souvent comptabilisée sur des marqueurs identitaires) et le pluralisme des écritures radiophoniques sur les chaînes publiques sont des enjeux démocratiques majeurs, pourtant très peu mis en avant par les projets stratégiques en débat. C'est pourquoi je serai à l'écoute, le 19 décembre, des déclarations des candidats mais aussi de l'expression des attendus de l'Arcom.

R.F. : Que des prétendants à la gestion de la radio publique fassent du cinéma, ça ne t’interroge pas grave sur le « transfuge de genre" ?
D.C. : Le storytelling risque effectivement de masquer les enjeux. Et le box-office de prendre une place trop écrasante dans les bilans. Il est même contradictoire d'avoir un consensus massif pour défendre une offre audiovisuelle indépendante des GAFAM et de justement compter ses succès en nombre de vues. La guerre des chiffres laisse en angle mort des questions aussi essentielles que l'indépendance de la radio ou les questions éducatives. Il me semble préoccupant que le seul candidat qui vienne du métier de la radio n'emploie pas le mot "éducation" et, surtout, n'affiche aucune ambition culturelle qui dépasse l'existant. Mais il a eu le courage d'y aller. Et on peut regretter que la fonction n'ait pas attiré d'autres profils que les deux énarques dont les parcours sont d'autant moins discutés qu'aucun autre type de compétence ne vient les challenger. 

Leurs projets ont des nuances assez fines dans la forme mais plutôt fortes dans le fond. Pour ne prendre que l'exemple de l'éducation aux médias, leurs projets stratégiques restent enfermés dans une vision très centrée sur l'information. Aucun des projets ne questionne la variété des genres radiophoniques. Encore une fois, le pluralisme ne peut pas se penser sans une riche variété de formes et d'expressions. Or, les deux projets entendent concentrer leurs efforts sur la formation des journalistes, comme si ce n'était pas tous les métiers de la radio qui méritaient de faire éducation aux médias. 

Maïa Wirgin fait mention de l'éducation artistique et culturelle, mais pour vouloir seulement renforcer l'offre existante en pratique musicale. Il est incroyable que la pratique artistique de la radio (ou, par extension, la création sonore) n'apparaisse dans aucun des projets. En plus d'une vision réductrice de ce qui peut faire radio, cela révèle aussi une vision parisianiste en ce que ces projets cantonnent l'éducation aux activités pédagogiques de la maison de la radio au lieu d'envisager l'envergure nationale que ces enjeux méritent dans chacune des radios locales de Radio France. Et j'insiste sur ce point car c'est bien l'un des travers du prisme des bonnes audiences qui porte les analyses à raisonner sur l'existant plus que sur l'idéal.

















R.F. : On peut dire (par ta naissance) que tu es vraiment un enfant de Radio France, quels Pdg et/ou directrices ou directeurs de chaîne t’ont marqué… à vie ?
D.C. : Je suis effectivement né sous Giscard. Mais j'essaye de rester à distance de tout culte de la personnalité.

R.F. : Comment vois-tu l’avenir de la radio dans le maelström de la fusion des audiovisuels publics ?
D.C. : Je ne peux pas m'empêcher d'espérer que de nouvelles synergies puissent faire émerger de nouvelles formes. Comme disait Silvain Gire au dernier colloque du GRER, la production télé est très majoritairement de la radio filmée. Mais je redoute que des calculs du type ratio coût/nombre de clics ne viennent décevoir ces utopies que, à mon échelle, depuis plusieurs saisons, je ne réussis à épanouir que sur les radios libres.

R.F. : Si pour Aragon “la femme est l’avenir de l’homme” le podcast est-il l’avenir de Laurent Frisch (1) ?
D.C. : Il ne fait aucun doute que, comme chacun de mes collègues de la maison de la radio et de la musique, Laurent est quelqu'un de génial. Et il ne fait aucun doute que tous les gens qui ont du génie peuvent avoir de l'avenir dans le podcast ou dans autre chose (car il y a beaucoup de génies qui ne font pas de podcast tout comme il existe beaucoup de podcasts qui ne sont pas géniaux), à moins d'être viré de la radio comme cela peut aussi arriver à beaucoup de gens géniaux. Bref, laissons à l'avenir le soin de nous surprendre.

R.F. : Peux-tu révéler le thème de ta prochaine création radiophonique ?
D.C. : Ce sera le réveillon. J'ai proposé à la Compagnie Turbulences (bien connue du grand public pour sa participation aux Rencontres du Papotin sur France 2) de faire un réveillon de Noël rien que pour Metaclassique. C'est une création pleine de rêves irréalistes, de bons sentiments d'une hypocrisie jubilatoire, d'histoires drôles hilarantes de nullité, de chants de Noël chantés à tue-tête et de bonnes résolutions pour la nouvelle année.

R.F. : Avec qui aurais-tu rêvé de faire une quotidienne sur France Musique ou sur France Culture ou les deux ?
D.C. : Avec les publics. Dans un esprit de jeu, de découvertes et d'utopies partagées.

Demain… je répondrai à ce même questionnaire.

(1) Directeur du Numérique et de la Production à Radio France,

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