Comme prévu ce lundi 19 décembre, nous étions nombreux (j'en sais rien) sur le site de l'Arcom à écouter les projets stratégiques de Florent Chatain, Maïa Wirgin et Sibyle Veil qui briguent la Présidence de Radio France (2023-2028). Trois candidats seulement, dont deux candidates. Un journaliste, deux énarques. L'une ex-secrétaire générale de Radio France (MW), l'autre actuelle Présidente (SV). L'une synthétise son projet, l'autre se prend pour Zola (sans en avoir la plume). L'une est actuelle secrétaire de la Cour des Comptes. L'autre a à son actif 66 jours de grève, une enquête externe en cours sur le management de la Directrice de France Culture et la situation désastreuse à France Bleu (1). L'une est pour la fusion des audiovisuels publics (MW), l'autre est contre (SV).
Tour Mirabeau, siège de l'Arcom, 9h : Florent Chatain,
En 30' chrono, Chatain avec précision (et un certain panache) a présenté et défendu son projet stratégique qui avait tout de suite un peu plus de saveur que ce qu'on avait pu lire de sa version transmise à l'Arcom. Il a bossé le sujet. Ce fut plus périlleux pour répondre aux sages du Collège. Même s'il annonce que l'accès aux budgets de Radio France n'est pas facile, il pouvait s'attendre à ce que son plaidoyer pour redonner aux Ressources Humaines une moralité incite les membres de l'Arcom à connaître les modalités financières et techniques d'un tel postulat.
Plus qu'une conviction, il aurait fallu à Chatain une démonstration implacable pour permettre aux Sages d'être assurés/rassurés sur la maîtrise budgétaire d'un tel programme. Sincère, convaincu, Florent Chatain, s'il a montré une assez bonne connaissance de la radio, n'a sans doute pas convaincu ou donner suffisamment de garanties à être l'homme idoine pour diriger Radio France. Particulièrement dans sa réponse à cette question du Président de l'Arcom Roch-Olivier Maistre.
Intermède
Assez surprenant de lire ce matin, sous la plume d'Aude Dassonville dans Le Monde, citant un responsable audiovisuel (anonyme, of course) "il sera difficile pour l’Arcom, "qui a désigné Sibyle Veil en 2017, de ne pas la reconduire : cela pourrait vouloir dire qu’ils s’étaient trompés”. On rêve là, non ? Nommer quelqu'un de différent, d'un choix initial pour une période donnée, ne signifie aucunement que le CSA se serait "trompé". Au vu des auditions l'Arcom est en mesure d'apprécier si les nouveaux enjeux stratégiques - budgétaires, de gouvernance audiovisuel public, - les incite à choisir une autre personne (ou pas) pouvant remplir la fonction. Autrement ce n'est même plus plus la peine d'organiser des consultations. Si la personne choisie n'a pas failli qu'elle soit donc… nommée à vie !
Tour Mirabeau, siège de l'Arcom, 11h 15: Maïa Wirgin,
Maïa Wirgin connaît la chanson la Maison ! Ses propos assurés montrent assez vite son engagement pour une "mission publique" pour laquelle elle entend s'appuyer sur trois axes stratégiques. Une stratégie vers les publics. Une autre pour les contenus. Une coopération avec les audiovisuels publics (qu'à un autre moment de l'entretien elle appelle gouvernance). En précisant que "Les médias publics doivent être unis et Radio France ne doit pas considérer [leur synergie] comme une menace." Forte de son expérience à Radio France (2014-2018) elle a pu consulter et confronter l'avis de professionnels de la profession pour imaginer un projet qui pourrait répondre aux enjeux qui pèsent sur la radio.
Si Wirgin devait être nommée on n'oubliera pas de lui rappeler qu'elle a annoncé publiquement en direction des collaborateurs que l'avenir de la radio est aussi le leur. Pour annoncer un peu après qu'il faut aimer la radio pour la gouverner. Ce qui semblerait être son cas ! En répondant à l'un des Sages elle précise que les ressources publicitaires liées aux offres numériques (podcasts, replay) ont beaucoup trop évolué (1) et qu'il conviendrait de réguler cette croissance. On a aussi noté qu'elle affirme que Radio France n'a pas à faire de prestations techniques à des tiers non publics.
Pour ce qui est de la holding (des quatre audiovisuels publics) Wirgin est convaincue que c'est "un espace stratégique de propositions et d'arbitrage et qui, en aucun cas, ne doit être une super structure. Qu'elle doit permettre de mutualiser les investissements technologiques, les données et la mise en commun du back office" (les parties de gestion "invisibles" pour les auditeurs). Elle imagine que les conditions de mobilité et d'écoute des usagers vont nécessiter de nouveaux formats pour de nouveaux types d'écoute. Dans le sens des pronostics de la BBC (2) elle prône la mutualisation des plateformes de l'audiovisuel public.
Notons que Maïa Wirgin n'a pas eu besoin d'agiter le hochet "audio" que sa concurrente défend mordicus comme LA solution de l'avenir de la radio.
Tour Mirabeau, siège de l'Arcom, 14h30 : Sibyle Veil,
Comme à son habitude, Sibyle Veil a un discours linéaire, sur le même ton, sans distinction où il est difficile discerner la passion ou l'enthousiasme. Un exposé pour École de Commerce où elle ne dit rien de l'abandon progressif des métiers (réalisateurs/réalisatrices), le bouleversement de la chaîne de production radiophonique, le passage définitif au podcast au risque d'abandon des émissions de programmes en tant que telles. Exprimer et défendre un projet stratégique ne veut pas dire l'incarner si son expression orale est trop lisse et/ou trop formatée par un positivisme de circonstance.
Veil dispose d'un staff payé pour avoir des projets et les mener à bien (ou à mal). Elle les synthétise, les développe et récite sa leçon. Il lui manque juste le supplément d'âme, des références à l'histoire de la radio, à l'histoire de celles et ceux qui l'ont faite et la font. S'accrocher autant à l'audio tient plus du slogan tendance que de la conviction. La prestation fut convenue et didactique.
Malgré ce que les médias annoncent comme gagné d'avance, gageons que l'Arcom n'aura pas, juste pour la forme. organisé cette séquence d'auditions.
Ajout de 19h
L'Arcom a choisi de reconduire Sibyle Veil pour cinq ans.
(1) Recettes non encadrées quand celles de la publicité en flux (France Inter, France Info, France Bleu) le sont par des recettes plafond,
(2) "Le patron de la BBC brise un tabou. Tim Davie, le directeur général du groupe audiovisuel britannique, a indiqué qu’il se préparait à un futur uniquement « online », sans les fréquences radio ou la télévision, au cours de la prochaine décennie. in "La BBC se projette déjà dans un futur sans radio ni petit écran" , Marina Alcaraz, Les Échos, 9 décembre 2022.
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"Comme si je vous disais", début du titre de ce billet, sont les premières paroles de Ferré pour "Le conditionnel de variétés". J'en referai bien une chanson, ça s'appellerait
"Le conditionnel de radio" !
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