Illus. C.Rosset/ACR Vol 540 |
C'est une somme. Pas par son épaisseur (correcte) mais par son fourmillement intérieur. En son for intérieur même, si j'osais paraphraser Olivier Germain Thomas. Deux-cent-soixante-quatre pages de traces que l'on croyait éphémères "sur le papier" et, qui finissent par affluer, au fur et à mesure que les sons, les génériques, les voix percutent la mémoire. Au point de laisser faire, jusqu'à ce que, tout finissant par s'imbriquer, nous ayons un moment l'illusion de reconstituer notre mémoire sonore de "ces temps-là". Mais quels temps ? Quand, un jour ou un autre, chacun, par effraction, par hasard ou par religion, est passé sur la fréquence de France Culture, - chaîne publique de la Radio Télévision Française qui porte ce joli nom depuis le 8 décembre 1963 -, pour ensuite ne plus jamais en repartir ou si peu.
Par "religion", comme l'a évoqué Brice Couturier, au micro de Marc Voinchet dans la matinale de France Culture, vendredi dernier. Par effraction, en s'énervant sur une molette, rétive à trouver notre fréquence habituelle d'écoute. Par hasard, comme moi qui, tournant ladite molette de mon transistor pour écouter France Inter, "tombe" sur la voix de Jean Giono à l'été 1986. Mais, même si ces "50 ans de France Culture", sans index, sont faits pour être picorés dans tous les sens ou par thématique, j'ai commencé à tourner toutes les pages une par une, reconnaissant ça et là, tel producteur, tel programme ou, grâce à la mise en page, m'arrêtant volontiers sur un mot ou sur un autre.
Ce qui ressort immédiatement de cette lecture survolée, c'est qu'aujourd'hui la mécanique d'antenne, de grille, de programme a presque "fini" par "figer" un modèle presque lisse. Où demain, trouver vivants, gris-gris, crayonnés, surlignés, brouillons, tentatives, essais (bienvenue au Club), qui parsèment le travail de recherche d'Autissier & Laurentin ? Tout cela (et le reste) ne faisait-il pas partie du tâtonnement expérimental (cher à Célestin Freinet) foutraque et joyeux, sévère, austère quelquefois, mais absolument riche et vivant ? Dans quels clouds trouvera-t-on ces petits éclats de verre disparates, polis, dépolis, ébréchés, translucides ou opaques ? Il aura fallu attendre cinquante ans pour qu'ENFIN l'on découvre l'envers du décor d'une chaîne qui, se gardant bien de parler d'elle, avait au-delà du son, quelque chose à en lire.
La bonne idée de ce livre c'est qu'on peut le prendre par tous les sens (en gardant surtout l'ouïe… à l'oreille). Et, pour une fois, entrer en France Culture par l'émiettement ou l'éparpillement (me) va bien. D'une lecture (écoute) linéaire et sage on peut passer à une lecture éclatée, morcelée, vivante, joyeuse. Et truffer son livre de marque-pages et autres coches subtils pour y revenir… souvent. Oui car souvent il va falloir y revenir pour comprendre l'histoire ou s'en imprégner. L'été tombe bien pour, chaque jour, prendre quelques minutes avec… Surtout (après usage) ne pas le refermer, le laisser grand ouvert, auprès, quitte à ce que les pages se tournent au gré des vents et des humeurs qui nous entourent… Se surprendre alors à lire quelque chose pour lequel rien n'avait accroché notre regard ou notre mémoire, et avoir du mal à s'en détacher. On en reparle après l'été…
Ah ! Une dernière chose : ce qui, dans ce livre, me plaît le plus c'est qu'il est "incomplet" et qu'on va pouvoir entrer dans un vrai labyrinthe mémoriel, pour chercher à retrouver tout ce qui n'y est pas et peut-être aussi ceux qui, entre les lignes sont bien là !
En illustration : le programme d'un Atelier de Création Radiophonique, Vol 540, par Jean-Yves Bosseur et Christian Rosset, 1983, dessiné par Christian Rosset ...
Ben si, cette image (le programme de VOl 540) est dans le livre anniversaire, mais avec un fond coloré qui n'existe pas sur l'original. Je ne sais comment elle est arrivée là (via les archives Trutat, je suppose). J'ai fait ce dessin à la main et sans calque, mais ce sont des variations très fidèles sur des images d'Hergé et de Joost Swarte : 1983 : la ligne claire !
RépondreSupprimerIL me semblait bien aussi que ces croquis étaient Hergéens en diable....
RépondreSupprimeretruspi argument