Capture d'écran du webdoc "Tour en fête" |
Pour une fois je commence par une image, celle que vous voyez là, à gauche, car en ouvrant le nouveau webdoc publié par Radio France, c'est cette image qui m'a touché. Elle est simple et spontanée, à l'image de la ferveur populaire qui entoure le Tour de France qui fêtera dans quelques jours sa centième édition. Ce webdoc fait mouche pour plusieurs raisons. Mais, avant de les détailler, j'ai voulu interviewer Anne Brunel, chargée de programme multimédia à Radio France.
Radio Fañch : Quelle a été votre fonction sur ce webdoc ?
Anne Brunel : En tant que chargée de programme, mon travail a consisté à faire en sorte que l'auteur, Simon Bouisson, à l'initiative du projet, et Camera Lucida, à qui nous avons délégué la production, soient en phase et en accord avec ce que Radio France souhaite montrer de son savoir-faire : en veillant notamment à ce que le webdoc s'adresse à un public qui ne soit pas seulement celui qui manie et vit au quotidien avec la technologie numérique. Comme ce sont France Bleu et France Info, les 2 stations en première ligne sur le Tour de France, qui vont porter la promotion et la diffusion de ce webdoc, la dimension grand public était à prendre en compte.
Radio Fañch : Quelle a été votre part de prescription pour la sélection des archives ?
Anne Brunel : Avec le documentaliste de Camera Lucida j'ai débroussaillé tout ce qui, de ma propre mémoire de terrain et de souvenirs d'écoute vécus, pouvait permettre une recherche pointue. À cela nous avons associé la banque de données des archives sonores et le savoir-faire des documentalistes de Radio France et de l'Institut National de l'Audiovisuel. J'y ai ajouté des sons, des archives de France Info, que l'on ne peut pas aisément retrouver à l'Ina. J'ai ainsi identifié une série de mots-clefs qui devaient permettre une recherche pertinente plus rapide.
Radio Fañch : Les archives c'est le "cœur vibrant" de votre métier et de votre expérience à Radio France depuis vos débuts à France Inter à l'été 1980…
Anne Brunel : Bien sûr ça aide beaucoup pour la recherche en amont, mais "n'importe qui", avec le concours des documentalistes spécialisés de l'Ina, peut le faire aussi bien. Cela aurait simplement été plus long, et moins ciblé peut-être.
Radio Fañch : Combien de sons ont été retenus ?
Anne Brunel : Finalement, ce sont 90 sons qui sont proposés. La parole des anonymes, la parole des intellectuels (Finkielkraut, Edgar Morin, Aragon), la parole des journalistes qui sur le Tour sont devenus eux-mêmes des légendes (1). Avec Simon Bouisson nous avons travaillé sur l'équilibre vidéo/sons , soit une vidéo pour neuf sons.
Radio Fañch : Depuis les premières discussions avec Bouisson, jusqu'à la publication de ce webdoc avant-hier, combien cela aura t-il pris de temps ?Anne Brunel : Dix mois…
Radio Fañch : Pour un tel web-doc, pas d'alternative, il fallait absolument des images ?Anne Brunel : Notre objectif aux Nouveaux Médias et à Radio France est de mettre en valeur la radio par l'image, autrement dit de lui trouver de nouveaux publics, une nouvelle audience. Pour trouver ce nouveau public, pour faire découvrir la radio autrement, nous sommes obligés de constater que 90% des usages sur Internet concernent la consultation des vidéos. Pour faire connaître nos productions et nos talents, nous nous devons donc d'être présents sur les plateformes vidéos, y poser des extraits, des teasers, ou des productions complètes parfois, et surtout de concevoir nos productions également comme des œuvres à voir, en intégrant donc de la vidéo et de l'image en général. Aujourd'hui la consommation culturelle est autonome, individuelle, indépendante et passe, de fait, par les supports qui permettent l'accès à Internet. Le mode de pensée "broadcast" - vertical, d'un émetteur unique vers une masse d'auditeurs bénéficiant du même programme au même moment - est dépassé (2). Nous voulons séduire de nouveaux auditeurs en prenant en considération ces nouveaux paramètres comportementaux.
Radio Fanch : Ce web-doc fait la part belle aux sons "isolés" de leur doc d'origine est-ce que cela veut dire que la tendance serait à consommer des "étincelles "plutôt que les docs et/ou reportages dans leur entier .Anne Brunel : Pas du tout. Le web-doc est produit pour Internet et doit mettre en appétit des gens qui cliquent. Ceux qui vont être séduits par le son pourront toujours se tourner vers les podcasts en écoute nomade ou statique at home. En imaginant qu'il y a encore des gens qui pourront prendre du plaisir, dans leur fauteuil, à ne rien faire d'autre que d'écouter. Il n'y a pas de grand écart entre les deux "systèmes".
Radio Fanch : Un exemple ?
Anne Brunel : Dans le chapitre "Instant", "Passage éclair", 2ème son (en partant de la gauche) est un fichier "ambiance", c'est le pré-générique d'un documentaire de Yann Paranthoën (3), avec tout ce qui va faire la matière sonore qui entoure la parole. On entend même Jean-Paul Brouchon (Inter) saluer Paranthoën. J'aimerais qu'après cet instant fugace les gens se disent "Qu'est-ce que c'est beau la radio" et viennent sur le site de NouvOson en entendre d'autres dans leur contexte initial. Ce web-doc c'est aussi un moyen de "ferrer" ceux qui, sensibles au son, auront envie d'aller plus loin de façon ponctuelle sur un site dédié et pas forcément en broadcast.
La partie 2 de ce billet sera publiée à midi…
(1) Note du rédacteur : Ce n'étaient pas des légendes du Tour mais, peut-être, des légendes de France Culture. Une certaine émotion à réécouter Geneviève Ladoues dans le Pays d'Ici et Marion Thiba, deux productrices de la chaîne qui savaient faire les détours vers le vivant et le populaire… Et Anne Brunel d'ajouter "Sans oublier l'encyclopédie vivante qu'était devenu le commentateur du service des sports de Radio France, Jean-Paul Brouchon !",
(2) Diffusion en FM ou hertzien, (merci à Thierry Voyer, de Radio Néo, d'avoir pris le temps de me briefer avec beaucoup de pédagogie sur ce fameux "broadcast")
(3) "Le Tour de la France 1989 de Vincent Lavenu, dossard 157", documentaire radiophonique de Yann Paranthoën diffusé sur France culture en août 1992.
"... en veillant notamment à ce que le webdoc s'adresse à un public qui ne soit pas seulement celui qui..."
RépondreSupprimerToujours cette curieuse crainte d'avoir à faire à un public qui ne serait pas à la hauteur du programme !! Vaudrait mieux que ce soit l'inverse, non ?
Gérard Coudert
Bonjour, ce n'est pas ce que j'ai entendu dans les propos d'Anne Brunel. Si le webdoc est facilement accessible aux internautes et autres geeks, l'objectif de la direction des Nouveaux Médias était de veiller à ce qu'aussi le public de France Bleu (partenaire du webdoc) ait envie d'aller y "regarder". En l'occurrence il sera intéressant de savoir comment les auditeurs de cette chaîne se seront intéressés au sujet… Je fais suivre ce commentaire à Anne Brunel qui précisera s'il y a lieu.
SupprimerJe suis un peu comme Gérard Coudert sur cette notion de "grand public" et de catégorisation du genre " France Bleu et France Info".
RépondreSupprimerSe poser la question du "grand public" c'est définir en creux la question d'une "élite" qui elle, parée de tous ses beaux atours du savoir et de modernité technologique serait mieux préparée à apprécier le travail réalisé.
Foutaises! C'est toujours l'éternel débat entre curation et politique documentaire qui anime les milieux où on détient une parcelle de savoir.
Notons qu'en revanche les lieux où se fabrique le savoir (les lieux de recherche) sont généralement moins frileux et partent du principe que ce savoir est naturellement transmissible à tous.
Le grand public n'existe pas! Chaque individu est à l'intersection de savoirs divers et il suffit de jouer sur les bons ressorts pour lui permettre d'accéder à n'importe quel type d'information ou de savoir.
Quant à l'idée de mettre la radio en valeur par l'image.....je pense préférable de m'abstenir de tout commentaire par pure charité....
Bigre ! J'ai relu ce que j'ai écrit et je me demande pourquoi vous (Gérard et Jakki) exprimez le contraire de ce que j'ai voulu dire, ou plutôt le contraire de ce que je crois Anne Brunel voulait dire. Je réessaye : il était facile de proposer un webdoc techno qui brille et utilise les ficelles tendance de l'accroche d'un public ado ou geek. Au contraire les promoteurs (RF) ont voulu un webdoc grand public, accessible à tous, sans sur-effet technologique. Un fond d'écran avec une image floue et quelques boutons à cliquer. Simple et efficace.
SupprimerQuant au rapport image/radio, dans ce webdoc, le son est beaucoup plus présent que l'image. 1 seule vidéo par thématique et une vraie collection de sons. J'ai exprimé dans mon billet le paradoxe ce qui pourrait s'appeler "une collection de citations", qui ici, je trouve, finissent par recréer un nouveau documentaire.