lundi 30 juin 2014

Señor… vous avez dit seniors

Daniel Mermet © Radio France - Claude Abramowitz















Il faut bien derrière les mots poser des actes si l'on veut être crédible. C'est ce qui arrive à Radio France qui a décidé de "rajeunir ses antennes". Et comme d'habitude la presse s'engouffre dans ce leitmotiv sans même se poser la question du sens : 
• "Rajeunir les antennes" est-ce que ça veut dire "rajeunir les programmes" ? 
• "Rajeunir les antennes" est ce que ça veut-dire, par effet induit, "rajeunir les auditeurs" ? 
• Et enfin "rajeunir les antennes" est-ce que ça veut dire, peu importe son travail de production ou d'animation, du moment qu'on est "jeune" on peut "rester à l'antenne" ? 

Qui a fixé les seuils d'âge ? Age physique ou âge moral ? Les jeunes qui vont quitter l'antenne étaient-ils déjà "vieux" et les "vieux" qui vont rester sont-ils donc toujours "jeunes" ? Plutôt que de tenter répondre à ces questions la presse et la horde de commentateurs patentés constatent les faits et versent leurs diatribes en fustigeant les "vieux" en annonçant d'emblée leur âge. Levaï 77 ans, Mermet 71, pour Veinstein on a échappé à son âge mais il quitte quand même l'antenne de France Culture (1). Quand à Frédéric Lodéon il semble bien que son âge n'ait pas été rédhibitoire puisqu'il passe d'Inter à Musique !!!

À ne jamais parler du fond, la presse n'a plus d'autre solution que de surfer sur le plus visible ou le plus pipole "l'âge du capitaine" (2). Que Levaï excelle à la revue de presse soit, il a largement fait ses preuves, qu'il puisse laisser la place à d'autres n'est pas indécent. Que Mermet qui a inventé beaucoup de choses en radio considère son éviction comme politique soit, que pour autant il n'ait pas depuis longtemps préparé la transition avec son équipe de "reporters" c'est dommageable pour l'émission (à la trappe), pour les journalistes concernés qui ne savent pas du tout à quelle sauce ils vont être mangés, et pour lui s'il voulait continuer à faire de la radio… le week-end. Quant à Veinstein son émission, "unique" pour recevoir cinq jours par semaine des écrivains, avait toute sa place sur une chaîne culturelle, mais lui y avait-il toujours sa place ?

Il faudra attendre les grilles de rentrée pour commencer à faire le tri dans "cette grande vague de jeunisme" paravent bien fumeux qui "cache" les nouvelles politiques de programme co-dirigées par Frédéric Schlesinger, directeur des antennes et des contenus du groupe Radio France, les directeurs de chaines et les directeurs de programme de ces mêmes chaînes. C'est, passée la conférence de presse de rentrée, que l'on saura à quoi s'en tenir et qu'il conviendra de tenter comprendre cette "nouvelle politique de programmes". D'ici là les gazettes de tout poil vont continuer dans le pipole et le vulgaire au risque de nous faire croire qu'elles s'intéressent à la radio quand, par effet d'annonce, elles ne réagissent qu'à l'événement éphémère et souvent absolument dérisoire.

(1) Levaï ex-directeur de l'info de Radio France, puis présentateur de la revue de presse en semaine sur Inter, puis de celle de fin de semaine jusqu'au 22 juin 2014. Mermet producteur de "Là-bas si j'y suis" sur France Inter depuis 1989, mais de tellement de choses avant sur France Inter et France Culture. Veinstein producteur de "Du jour au lendemain" sur France Culture, mais historique de la chaîne pour "Les nuits magnétiques", "Surpris par la nuit"…   Ne pas louper sa dernière de "Du jour au lendemain" où il s'invitera vendredi 4 juillet,

(2) On remarquera que pour l'instant les femmes échappent à cette "sanction". Evelyne Adam qui animait "La compil'" sur France Bleu quitte l'antenne, mais je n'ai pas lu que ce soit pour une question d'âge…

4 commentaires:

  1. Je ne savais pas pour Alain Veinstein. Il va nous manquer. J'avais tellement peur que cela arrive. Son émission était unique elle n'était pas d'aujourd'hui. Écouter quelqu'un pendant une demi heure (avant c'était plus long) et un écrivain en plus. Sans concurrent, sans débat, sans autre invité, se permettre d'être au rythme de l'âme, au rythme du silence.
    Comme les grands inventeurs de la radio il ne pourra pas être remplacé. Son émission était celle d'un temps ou on ecrivait . ou on parlait
    Je ne sais pas comment ça va continuer sans sa voix. Je ne sais pas.

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  2. Rappel ;-) Pour être publié les articles doivent être signés… Je publie néanmoins le commentaire ci-dessous et sollicite son-sa rédacteur-rédactrice pour bien vouloir se faire connaître. Merci !

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  3. Mon commentaire a-t-il été pris? On dirait qu'il a été effacé. Je recommence allez...
    Oui c'était moi qui ait écrit cette petite note sur Alain Veinstein. Lorsque sur les conseils d'une amie aimée, adorée, j'ai écouté france Culture, j'ai été accueilli par sa voix silencieuse et douce, par ses mots qui ouvrent la parole. C'était il y a 27 ans! Un moment où on ne parlait jamais économie et conjoncture sur France Culture. Et rarement politique de tous les jours.
    Il m'a tellement accompagné. J'ai écouté si souvent sa voix, essayant de percer le mystère de ces silences qui font parler, de cette voix qui venait de la nuit, qui parlait à la nuit, à chacun d'entre nous. Son émission était réalisée par Yann Parentoën. On y découvrait des voix, des écrivains, uniquement. Puis il a ouvert un peu son antenne bien sûr.
    Je me souviens qu'un jour il a invité Claire Chazal pour son roman. C'était un premier avril.
    Elle était contente, du reste.
    j'ai beaucoup craint un monde sans son émission. Un monde sans ce temps, particulier, donné, à la voix, au silence, sans question. Un temps où un écrivain pouvait prendre l'antenne pendant une heure simplement parce qu'il avait écrit de la littérature, et ainsi parler, à tout le monde.

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    1. Merci Gabriel… Passée une saine colère, en conclusion mon billet de demain (4 juillet) rend hommage à Alain Veinstein.

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