par Gérard Coudert
8. La Guerre
A peine née, la Radiodiffusion Française Nationale, connaît à la suite de la déclaration de guerre de la France à l'Allemagne des bouleversements qui pour certains vont marquer durablement son évolution. Logique ! Oui, mais pas seulement… Censure, contrôle de l'information, monopole (malgré quelques autorisations données au privé par Vichy) s'entendent fort bien en temps de conflit mais se comprennent beaucoup moins en temps de paix. Or la réorganisation du service public de la radio en 1945 se fera sur les bases de la réforme de la Radio Nationale de 1939. Mais nous n'en sommes pas là…
Les stations régionales d'état émettent jusqu'en mai 1940. Dès l'invasion des troupes du Reich, elles vont pour la plupart se saborder : Lille PTT sera la première, les autres suivront, y compris les privées comme Radio-37 qui ferme et Radio-Ile-de-France qui se sabordent également… A l'armistice annoncé par le Maréchal Pétain le 17 juin sur Bordeaux-Lafayette PTT, toutes les radios françaises cessent d'émettre (1)…
A Paris, seul le poste de Radio-Paris sous contrôle allemand (2) maintient ses émissions. Les personnels de la radio nationale sont évacués vers Bordeaux d'abord, puis Rennes où se replient en septembre les musiciens de l'orchestre de la radio et d'autres formations de renom... Cette étonnante migration de quelque 300 musiciens et solistes vers la Bretagne fera de Rennes la "Capitale de la musique". Avec leur concours, Radio-Bretagne poursuit la diffusion de concerts pendant toute l'occupation.
Mais c'est à Vichy que se réimplante la Radio nationale dont les émissions à partir de juillet sont diffusées en direction de la zone libre. Pierre Schaeffer y produira jusqu'en 1942 une émission pour la jeunesse (3). Il n'est évidemment plus question des postes régionaux d'État qui disparaissent, à l'exception de Radio-Bretagne à Rennes qui poursuit ses programmes sous contrôle allemand. Particularité surprenante : on introduit pour la première fois le breton à l'antenne, au moment où est abandonné le puissant émetteur de Thourie (4). Pour le secteur privé, de nouveau toléré, le régime vichyste subventionne Radio Lyon, Radio Montpellier, Radio Nîmes, Radio Agen, Radio Toulouse et Radio Méditerranée (5).
A l'entrée en guerre, on dénombre en France 5 millions de postes récepteurs dont plus d'un quart en région parisienne et… 3000 en Lozère. Malgré l'importance pendant l'occupation, de ce qu'on appelle la "Guerre des Ondes" entre la BBC, Radio-Paris et les "radios noires" de la propagande nazi, les auditeurs doutent souvent de la véracité des informations diffusées. Ils n'écoutent qu'avec prudence les radios interdites (6), notamment Radio-Londres et les émissions destinées aux Français dans leur langue maternelle sous la responsabilité de Maurice Schumann, mais également Radio-Brazzaville, capitale symbolique de l'Afrique française libre…
(1) Une des conditions de l'armistice : les radios cessent d'émettre le 25 juin,
(2) D'où le slogan "Radio-Paris, ment, Radio-Paris ment, Radio-Paris est allemand…" popularisé par Pierre Dac,
(3) C'est à son retour à Paris en 1942 que P. Schaeffer crée le "Studio d'essai" dont les travaux se poursuivront à la Libération avec le "Club d'Essai" que dirigera Jean Tardieu,
(4) Radio-Bretagne émet alors sur l'émetteur Rennes-Alma, beaucoup moins puisssant,
(5) Histoire des médias en France, de la Grande Guerre à nos jours, Christian Delporte, Flammarion 2003,
(6) La transgression de cet interdit peut coûter la confiscation du récepteur, une amende conséquente, l'emprisonnement…
© Gérard Coudert/Radio Fañch
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire