vendredi 3 juillet 2015

Les radios régionales… 4/24

Francisque Poulbot.1933






















Un feuilleton d'été en 24 épisodes, du mardi au vendredi
par Gérard Coudert


4. Demandez le programme !
Aux premières heures de Radio Alpes-Grenoble, Lucien Ferrand, musicien qui devait plus tard fonder un orchestre réputé de 39 exécutants, inaugura en 1928 un titre jusqu'alors inconnu : celui de "Responsable des programmes". L'on ignore si la fonction fut assortie d'un statut d'intermittent plus ou moins précaire ! Plus tard, ce sont des responsables artistiques qui l'assumeront, puis des chefs du bureau artistique (1), plus tard encore des "responsables d'antenne". On retrouvera les "responsables de programme" à Radio France et France Bleu... 

Quoiqu'il en soit, Lucien Ferrand le violoncelliste est le premier de la lignée, placé sous l'autorité bienveillante du directeur Honoré Gillio et celle de l'Association des Amis de la Radiodiffusion des Alpes. Grenoble… Oui, mais aussi Strasbourg, Limoges, Marseille… Dans les stations PTT, les programmes s'étoffent au cours des années 30. On sait bien sûr diffuser les disques 78 tours mais on préfère la retransmission en direct de concerts ou d'impromptus.

Ainsi, les radios s'attachent des formations musicales dont la réputation croît au cours des années : Orchestre symphonique de l'Association Radiophonique de la Côte d'argent (Bordeaux), l'Octuor de Radio Alpes-Grenoble, Le Jazz de la station de Marseille, l'Orchestre de la station de Montpellier, celui de Louis van Cavorden à Limoges, l'Orchestre permanent de Toulouse-Pyrénées (2)… L'actuel Orchestre National de Lille créé par Jean-Claude Casadesus en 1976, issu de l'orchestre Ortf, est l'héritier lointain de l'Orchestre permanent de Radio PTT Nord des années 30…

A ses débuts, la radio se nourrit essentiellement de manifestations artistiques. La musique est sa matière première mais très vite, le théâtre est un élément privilégié des programmes. Les stations d'avant-guerre s'unissent à des compagnies comme la Troupe de comédie des spectacles d'art libre dirigée par Suzette Guillaud à Lyon, ou à Limoges le Groupe théâtral de l'Avant-scène… et diffusent en direct des oeuvres du répertoire puis des oeuvres spécifiques. C'est ainsi que, venant du "théâtre radiophoné", naîtra bientôt avec le développement de l'enregistrement sur disque souple qui va permettre le montage, la tradition de la dramatique radiophonique. 

Le quotidien de la TSF s'enrichit de saynètes, de causeries, de nouvelles de la presse, d'émissions scolaires (3), de chroniques régionalistes comme celles de la Mère Bajut écrites et interprétées par Geo Mondrey à Grenoble, ou du Père Allemand qui dispense ses conseils pour l'agriculture… ou encore de "matinées enfantines" avec les "Radio Friquets" et Grand-Papa Léon (Léon Plouviet) à Lille, Tonton Guy à Bordeaux, Tonton Gès à Grenoble, Maman Guite à Rennes… "Aux chroniques, leçons, informations de toutes sortes, s'ajoutent les spectacles et les concerts, les émissions artistiques, les transmissions d'opéras-comiques, les communications d'académies ou de sociétés savantes…" disait en 1932 le ministre Victor Laurent-Eynac (4).

Ndlc (Note de la claviste) : 
dès la fondation du journal Libération (1973 par Jean-Paul Sartre), 
les clavistes chargées de la saisie des textes intervenaient "entre les lignes" 
pour donner un avis ou réagir avec humour ou colère. 
En tant que claviste, pour ce feuilleton, je ferai de même…

Prochain épisode, "Public et privé : liberté surveillée"…


(1) Les centres régionaux Ortf comportaient un Bureau Régional de l'information et un Bureau Régional Artistique, (ndlc : le principe même des usines à gaz, on voit bien que dès la genèse de la radio on ne mélange pas l'info et les programmes, journalistes et saltimbanques),
(2) Tradition qui explique l'aménagement de grands studios dans les stations régionales, studios toujours utilisés(sous-utilisés, hélas !) dans les années 80 du temps de FR3.
(3) Développées à Bordeaux, Toulouse, Grenoble (où l'Académie finance l'équipement d'écoles en récepteurs),
(4) Victor André Laurent-Eynac, ministre des PTT, 1932-1933 (Discussion au Parlement sur la redevance radiophonique).

© Gérard Coudert/Radio Fañch

5 commentaires:

  1. Tu me permettras, cher Radio Fañch, de ne pas être d'accord avec ta remarque ajoutée à ma note 1 : la séparation que l'on fait entre l'info et l'artistique obéit plus à un principe de réalité et d'efficacité qu'à celui de l'usine à gaz. Ayant été (successivement) journaliste et saltimbanque comme tu dis, je crois savoir de quoi je parle... Difficile en effet de regrouper dans un même service et sous une même direction des métiers dont les missions sont fort différentes. On demande aux uns une relative objectivité dans le flux de l'actualité et aux autres une indispensable subjectivité dont se nourrit la création. On a vu d'ailleurs dans l'histoire de Radio France (et dès 1987 par exemple, nous y viendrons bientôt dans ce feuilleton) ce que donne une direction "tout info" où les vrais "saltimbanques", les créateurs, les faiseurs de rêves et les raconteurs d'histoires (c'est bien ça la radio, non ?) disparaissent des grilles... Donc : à chacun son métier, ce qui n'empêche pas des correspondances et des passerelles de toutes sortes !
    L'usine à gaz n'est pas là, non ! Mais plutôt dans la gestion des moyens de production, dans la concentration des pouvoirs décisionnels et l'autoritarisme qui s'en suit...

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    1. Tu as raison, mon incise mérite précision. Il est bien normal que les directions soient différenciées mais ces distinctions ont eu des effets "pervers" : il y avait la "sérieuse" et la "fantaisiste" et de fait une hiérarchie active même si elle n'apparaissait pas dans les organigrammes. Celle-ci s'est encore "manifestée" lors du dernier conflit social à Radio France en mars et avril 2015…

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  2. Juste un tout petit commentaire de rien pour signaler qu'il me semble dommage que vous n'ayez pas indiqué l'auteur de cette délicieuse illustration, Francisque Poulbot, surnommé aussi le père des gosses...

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    1. Ben on va le faire Madame Rita ;-) J'en informe immédiatement le rédacteur et je fais skif en tant qu'… éditeur. Merci

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    2. Honte sur moi, Rita ! Je n'ai pas fait le rapprochement ni remarqué la signature de ce dessin trouvé dans l'Annuaire de la Radiodiffusion Nationale de 1934. Et je confirme que Poulbot (1879-1946) avait fait de la TSF l'un de ses thèmes préférés...

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