ndlc : ah le fameux "Organe" |
Un feuilleton d'été en 24 épisodes, du mardi au vendredi
par Gérard Coudert
9. Un monopole parisien
Après le Débarquement de juin 44, les Américains remettent en état certains émetteurs régionaux. Ici ou là, c'est avec leurs équipements mobiles qu'ils redémarrent des émissions en langue française tandis que se poursuivent sur le territoire les programmes de l'American Forces Network (AFN) (1) destinés aux troupes US. C'est ainsi que naissent quelques stations nouvelles comme à Nancy (restituée à la RDF en 1945) ou renaissent des postes historiques comme Radio Bretagne à Rennes dont Jean Marin (2) prendra la direction… et d'autres encore parmi les postes d'avant-guerre qui se baptisent spontanément "Radio de la Nation française".
Cette appellation qui témoigne de l'euphorie de la libération ne dure que le temps du mois d'août et disparaît des antennes au profit de "Radiodiffusion française". L'officialisation viendra : l'ordonnance du 23 mars 1945 crée la RDF, établissement public chargé de la radio et de la télévision, sur les bases de la réforme de 1939 (3).
Ces dispositions qui placent l'établissement sous l'autorité du ministère de l'information, ne sont pas anodines : il s'agit alors de faire de la Radiodiffusion française l'expression d'un gouvernement plus que celle d'un pays… Du même coup est ordonnée la suppression définitive des radios privées, ce qui n'est pas non plus sans conséquences ! Le curieux silence qui règne désormais sur les ondes oblige la RDF à repenser ses programmes et à les multiplier. Elle ne dispose en effet que d'un poste national (programme culturel) et d'un programme parisien : le Club d'essai (4) que dirige Jean Tardieu. Ainsi va naître Paris-Inter à l'initiative de Wladimir Porché (5) en février 1947. Trois programmes nationaux donc, et ce n'est pas fini : le monopole favorise l'appétit hégémonique de la RDF puis de la RTF en 1949 et surtout, de ce qui va devenir l'Ortf en 1964.
Et que sont donc devenues dans ce dispositif nos radios régionales, nos anciens Postes PTT qui fleurissaient avant-guerre ? Elles renaissent au train de la réfection des émetteurs, rapatriées dans le giron de la radio d'état : les voilà toutes "Radiodiffusion française"… et sous l'autorité elles-aussi du ministère de l'information. Exit les "Associations des amis de la radio de…" qui concoctaient les programmes de Lille, de Rennes, de Grenoble, de Toulouse ! Exit l'inspiration locale ou régionale qui apparaît maintenant secondaire. Terminées les émissions "fédérales" qui permettaient à Limoges ou à d'autres de se faire entendre par la France entière… L'on n'aura désormais que deux heures par jour
pour s'exprimer en décrochage de la station nationale ! Programmes peau de chagrin : pour des raisons d'économie, ces décrochages à partir de 1946 seront réduits à 30 ou 45 minutes. La radio, c'est désormais l'affaire de Paris…
Demain "RTF : l'essor d'un monopole"…
(1) The Early Shortwave Stations : A Broadcasting History Through 1945 - Jerome S. Berg, 2013 McFarland,
(2 )Jean Marin, ancien speaker de Radio Londres. Il annonce le 19 août 44 : " Ici la Radio de la Nation Française, poste de Radio-Bretagne,
(3) On avait alors adopté un véritable "statut de guerre" avec une administration unifiée, un Commissariat général à l'information…
(4) Héritier du Studio d'essai créé par Pierre Schaeffer en 1942,
(5) Directeur général de la Radiodiffusion française. Il était secrétaire général adjoint des émissions en 1936.
© Gérard Coudert/Radio Fañch
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