Série "Les Shadocks" par Jacques Rouxel, Ortf, 1968 |
Un feuilleton d'été en 24 épisodes, du mardi au vendredi
par Gérard Coudert
12. L'ORTF : un colosse aux pieds d'argile
L’Office de la radiodiffusion télévision française est créé par la loi du 27 juin 1964. Ainsi disparaît la RTF, ainsi se maintiennent le monopole, l'autorité et le centralisme ! L’établissement public est dirigé par un directeur général nommé en Conseil des ministres, administré par un conseil d’administration qui "s’assure de la qualité et de la moralité des programmes… [Veille] à l’objectivité et à l’exactitude des informations diffusées par l’Office…" et tutti quanti. Et bien sûr, l’Ortf est placé sous la tutelle
du ministre de l’Information qui s’assure du respect du monopole… approuve le budget, contrôle… et "veille à l’observation des obligations générales découlant du caractère de service public de l’Office" (1).
Autant dire immédiatement que cette réforme monumentale n'aura quasiment aucun effet sur l'indépendance annoncée de l'Office par rapport au pouvoir politique. En 1965, Alain Peyrefitte s'empresse de déclarer à l'Assemblée Nationale que "… en raison du quasi-monopole de la presse régionale détenu par l’opposition, il revient à la télévision de rétablir l’équilibre." Voilà qui est clair !
Mais il y a d'autres causes que l'insupportable ingérence du politique dans la conduite de l'Office qui vont miner l'édifice et le conduire inexorablement à sa perte, malgré les réformes de 67, 68 et 72 (2). Comme une malformation congénitale… On oublie trop vite en effet qu'aux origines, le pouvoir n'assurait le service public que dans le rôle de distributeur ou de diffuseur. Et voilà que l'Office se retrouve diffuseur, producteur, créateur, acteur culturel avec, en 70, un budget qui représente 1,3% du budget national alors que celui des Affaires culturelles est de l'ordre de 0,4% ! Le tout animé par des personnels aux formations et missions si différentes que l'on ne sait plus les gérer ! En fait, "personne n'avait prévu l'inextricable imbroglio qu'allait constituer la cohabitation de techniciens, d'artistes et de gestionnaires." (3)
Et les radios régionales, alors ? Il est vrai que depuis la RTF et avec l'Ortf on les oublie tellement bien au fond de leurs lointaines provinces, qu'elles végètent au rythme lent de leurs chiches décrochages. Les journalistes y font leurs premières armes, les animateurs signent des contrats hebdomadaires et tout le monde espère un jour "monter à Paris". Pourtant, cette réforme de juillet 72 les remet vaguement au devant de la scène. Mais, et c'est un peu fort de café, lorsque que l'on crée au sein de l'Ortf cette fameuse "régie" pour la 3ème chaîne de télévision, on lui colle aussi la gestion des Stations régionales de télévision… et de radio ! Ce qui explique pourquoi, 2 ans plus tard, lesdites stations radio se retrouveront dans le giron de FR3 et pas celui de Radio France. Mais au moins, on les rappelle au bon souvenir des Directions régionales qui accepteront de financer désormais quelques autocollants…
(1) Toutes citations entre guillemets issues de l'art. 4 de la loi du 27 juin 1964,
(2) La loi du 3 juillet 1972 tend, par la déconcentration des pouvoirs décisionnaires, à distinguer gestion et missions du service public avec la création de 8 "régies" qui préfigurent en interne ce que sera l'après ORTF : radio, 1ère chaîne TV, 2ème chaîne, 3ème chaîne et radios régionales, diffusion, vidéo, vidéo mobile, film,
(3) "Machines à communiquer, 1. Genèse des simulacres", Pierre Schaeffer, 1970 Editions du Seuil.© Gérard Coudert/Radio Fañch
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