jeudi 23 juillet 2015

Les radios régionales… 15/24






















Un feuilleton d'été en 24 épisodes, du mardi au vendredi
par Gérard Coudert

15. Eclatement… Vous avez dit Ortf ?
Avril 1973, le gouvernement de Pierre Messmer sous Georges Pompidou rétablit un Ministère de l'information disparu en 1969. D'évidence, on entend peser sur la marche de l'Ortf. Philippe Malaud (1) puis Jean-Philippe Lecat (2) sont aux commandes… Le PDG Arthur Conte prompt à réagir, dénonce "certaines interventions politiques qui se manifestent d'une manière intolérable sur certains directeurs et journalistes de l'Office". Pressions diverses, menaces sur le financement, accusations partisanes contre le directeur de France Culture soupçonné de connivence avec le Parti communiste et la Cgt (3)… 

Le Président finit par faire savoir qu'il entend poursuivre son mandat à la condition de "…ne pas mettre l'Ortf au service de la moitié de la France contre l'autre moitié.On estima qu'il avait franchi le Rubicon : Arthur Conte démis de ses fonctions, fut remplacé par Marceau Long, tandis qu'au Ministère de l'Information Jean-Philippe Lecat poursuivait la préparation d'une réforme radicale…

En 1957 Roland Barthes publiait ses Mythologies (4). Aurait-il attendu quelques années qu'il aurait peut-être augmenté son ouvrage d'un thème supplémentaire (5) : L'Eclatement de l'Ortf ! La réforme de l'Ortf issue de la loi du 7 août 1974 n'est pas un mythe. En revanche, l'expression lourde de sens cachés et d'interprétations diverses en est un, ambigu ou ambivalent pour le moins. On peut y voir l'explosion immonde d'une baudruche hypertrophiée, l'éparpillement "façon puzzled'une entité qui n'avait rien demandé à personne, l'acte terroriste d'une bande de méchants assoiffés de vengeance et d'abatis sanguinolents. Raccourci commode qui dit tout et ne dit rien, ou qui plutôt, témoigne de l'incapacité que l'on a d'en dire quelque chose hors d'une vision convenue à l'avance. Le mythe de l'Eclatement, 40 ans plus tard s'enrichit de tentations contradictoires et permet
toujours de reprocher aux uns de vouloir "refaire l'Ortf" comme à d'autres de l'avoir défait !

L'Eclatement de l'Ortf - on aurait pu parler de démantèlement, de réorganisation, de désintégration, de refonte - faisait dire 20 ans plus tard à Marcel Julian (6) au micro de Jacques Chancel : "… c'est même une déchirure… On avait un équipage de 700 personnes et cet équipage était comme désemparé, démâté et il y avait des plaies à panser… On était en train de casser l'objet dont Arthur Conte disait que c'était un cadeau des dieux… Mais d'un autre côté c'était une ouverture parce qu'il devenait nécessaire dans le monde tel qu'il était, de mettre en rivalité la télévision publique et la télévision privée…C'est que l'on a du mal à concevoir qu'une telle réforme perçue comme une volonté politicienne de casser un symbole gaulliste, de torpiller l'influence syndicale et de contrôler l'information, puisse aussi, accessoirement, aller dans le bon sens…

Demain "Grandeur et décadence""…

(1) Ministre de l'Information d'avril à octobre 1973.
(2) Ministre de l'information à partir d'octobre 73. Prépare la réforme de l'Ortf
(3) "…L’Ortf est devenu un des principaux centres d’action de l’opposition dans ce pays. Un risque d’insécurité permanent pour les services publics, susceptible de devenir à tout moment un foyer de subversion et un instrument de totalitarisme" (Note de Philippe Malaud à Georges Pompidou),
(4) Mythologies, Roland Barthes, Editions du Seuil, 1957,
(5) Conjecture fantaisiste : l'analyse sémiologique s'étant compliquée depuis, Barthes renonce à corriger l'édition de 1970,

(6) Directeur des programmes à l'Ortf en 1974, premier Président de Antenne 2 en 1975.

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