lundi 22 février 2016

La révolte des artichauts : le paysan et le recteur, en Léon, juin 1961…

Alexis Gourvenec porté en triomphe à sa sortie de prison,
juin 1961


























Qu'il est bon d'attraper au vol un documentaire qui, au-delà de remettre les pendules (de l'histoire) à l'heure, vous plonge dans vos propres souvenirs. "La Fabrique de l'histoire" (1) vient de rediffuser le documentaire "La révolte des paysans bretons" (2). Au-delà de son intérêt mémoriel et historique, ce documentaire évoque des personnages avec qui j'ai eu l'occasion de travailler depuis le début des années 80, dans un pays que l'administration appelle le Nord-Finistère et que l'usage populaire appelle le Léon (3).

Quand j'ai entendu ce qui suit, et qui date de 1961, je me suis dit que 7 ans avant 1968 (et un an avant le début de Vatican II), quelque chose était en train de changer en Bretagne. Les hommes commençaient à s'affranchir du poids énorme de la religion, et de l'ordre moral et politique que celle-ci imprimait dans les esprits depuis quelques siècles.



Formidable Pierre Chapalain, paysan qui, 43 ans plus tard, résume le basculement qui s'est opéré et qu'il a opéré. Qui, en 1961, pouvait bien mettre fermement dehors un vicaire, venu remettre "la brebis égaré dans le troupeau" et qui, bien plus improbable encore, pouvait oser interrompre le recteur (curé) en pleine homélie pour le prévenir d'une opération d'éclat à son encontre ? Il fallait bien que les hommes (Léon, Gourvenec, Chapalain, et d'autres) formés à la Jeunesse Agricole Chrétienne (JAC), aient trouvé l'assurance suffisante pour ne plus accepter le joug de la fatalité économique décidée en "hauts lieux".

Comme le résume Chapalain, puisqu'il devenait plus fort que le curé-patron, il pouvait s'engager devant les électeurs de sa commune pour briguer la mairie. Quelle affaire, j'ai connu un genre d'équivalent de Pierre Chapalain, Alphonse Arzel, jaciste lui aussi qui ne reculait devant rien et, surtout pas devant le pouvoir des multinationales du pétrole. Les années 60 allaient cristaliser la mutation de l'agriculture ainsi qu'un ordre ancestral qui finirait par péricliter au tournant des années 80.

L'église catholique et, sa cohorte de prêtres et autres recteurs, ne pouvaient s'attendre à ce que l'ordre millénaire établi vacille, et particulièrement dans ce pays de Léon dévoué, corps et âmes, à la foi catholique. Un temps nouveau était en germe, un temps ancien allait disparaître. Il venait de la terre et personne ne l'avait vu venir, pas même les paysans qui, avec celui-ci, allaient devoir s'adapter à beaucoup d'autres bouleversements.




(1) Du lundi au vendredi, 9h05, producteur Emmanuel Laurentin, France Culture, 
(2) J'espère pouvoir ajouter ici le player de la rediffusion dans la journée…
(3) Du nord-ouest de Brest jusqu'aux limites de Morlaix à l'est, et Landerneau au sud. Le Léon est lui-même divisé en Bas-Léon et Haut-Léon et, l'un comme l'autre, sont différents ;-)

Titre de la vidéo : "Les Bretons parlent aux Français" (déjà je me l'encadre !)
Émission de Télévision "5 colonnes à la Une", le magazine de Pierre Lazareff, Pierre Desgraupes, Pierre Dumayet et Igor Barrère, 7 juillet 1961, 1ère chaîne de télévision,

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