vendredi 6 décembre 2019

Sibyle Veil et la trahison des "clercs"…

Madame Veil, Pédégère de Radio France, a dû lire dans Médiapart hier matin (1) l'article de Laurent Mauduit où dès les premières lignes il cite Chomsky : "Comment détruire un service public ? En baissant son financement. Il ne fonctionnera plus. Les gens s’énerveront, ils voudront autre chose. C’est la technique de base pour privatiser un service public." Madame Veil qui roucoule quand France Culture organise des séminaires à la Sorbonne n'a pas dû s'empresser de demander à la directrice de la chaîne, Sandrine Treiner, d'en organiser un avec le célèbre linguiste. Des fois que, non seulement le personnel de Radio France s'y rendrait en masse, mais les auditeurs y assistant prendraient conscience de la catastrophe attendue pour le service public audiovisuel et pour la radio en particulier.

Noam Chomsky














Les énarques doivent passer tellement d'heures à étudier les meilleures stratégies pour casser les services publics, tout en faisant accroire qu'ils se débattent comme des lions pour les faire vivre, qu'ils n'ont plus le temps de lire Chomsky, ni de l'écouter et encore moins de mettre en œuvre ce qui permettrait de changer de paradigme. Madame Veil applique froidement des consignes de destruction massive (où le mot "guerre" de Mauduit prend tout son sens) sans n'y rien connaître à la radio et encore moins à son histoire ni à sa mémoire populaire et collective. Elle débite un charabia technocratique, markétique, numéricomique (ou numérocomique) pour lequel elle essaye d'avoir une posture pour convaincre les tutelles, les salarié-e-s de Radio France et accessoirement les auditeurs. Qui est dupe ? Le CSA bien sûr qui l'an passé avait voté à l'unanimité pour la nommer en toute indépendance au poste de Pédégère du groupe public (2).

La force de ces purs produits de l'énarquie réside dans leur capacité d'entraînement sans faille. Elles, ils peuvent retourner à 180° ceux qui étaient pourtant connus pour leurs engagements pour le service public. Cela n'échappe à personne et encore moins à Jean-Paul Quenesson (3) qui vendredi dernier en AG de grève au 104 (studio Radio France) a déclaré : "… le plus cruel c'est quand des professionnels de la radio (aujourd'hui dirigeants, ndlr) trahissent la radio. Quand on discute avec des responsables qui ont eu une carrière dans cette Maison qui justifient les lignes éditoriales, qui justifient l'assèchement, qui justifient l'appauvrissement…". CQFD.


C'est ce que j'appelle, "la trahison des "clercs"" (4). Benda fustigeait les intellectuels, je fustige la trahison de ceux qui ont connu l'analogique, les équipes de réalisation, Lulu, les Pdg issus du sérail et plus si affinités… Aujourd'hui ils avalent les couleuvres et les vomissent sans même les avoir digérées. Ils chantent "L'opportuniste" de Dutronc encore mieux que Jacques et ne manquent aucune occasion de s'esbaudir pour le patrimoine radiophonique qu'ils seront incapables de constituer. 

Voilà un état de la situation que Gallet et Veil auront participé à installer durablement. Bousiller les savoirs-faire, cracher sur l'histoire, écraser le moral des troupes, se coucher devant des politiques ineptes, massacrer un patrimoine, persuadés d'être modernes au risque d'être méprisables ! 



(1) "Radio France: Sibyle Veil en guerre contre le service public", 5 décembre 2019, 
(2) Y avait-il des questions sur l'histoire de la radio ? Non ! Y avait-il des questions sur la singularité de la radio ? Non ! Y avait-il un quizz sur sa mémoire radiophonique ? Non ! Un larbin lui avait écrit des phrases qu'on lui avait aussi soufflées ! Et le CSA béat l'intronisa en moins de temps qu'il en fallut pour choisir Delphine Ernotte comme PDG de France Télévisions !

(3) Corniste à l'Orchestre National de France, délégué Sud-Radio France,
(4) Julien Benda (1927).



6 commentaires:

  1. Je me souviens d'un temps où il y avait même une véritable "radio de nuit" et pas de tristes (pas toujours, il est vrai, sur France Culture) rediffusions.
    Sur France Inter , les voies de Luc Bérimont, puis plus tard,Jean Charles Aschero, par exemple.
    Merci pour vos billets

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    1. Bonjour jean, les rediffs d'Inter sontbpitoyables à l'image d'une chaîne de plus en nplus "mainstream" ! Par contre celles de Culture -Les Nuits- sont formidables ! Regardez mes billets du dimanche, ils mettent en avant quelques perles ! ;-)

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    2. Merci pour TOUS vos billets :-) Ceci était pour dire que la "destruction" d'une belle radio (toutes chaînes confondues...pour dire si je suis vieux, j'ai connu Inter Variétés...) ne date pas d'hier ni de SixBilles. Pour moi, c'est à partir de 1974, avec, il est vrai, quelques beaux restes, en vrac, "Les Papous..", "Marche ou rêve", que la démolition commença.

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    3. De fait ! C'est juste, à partir de 74 oui, mais avec Wiehn (73-81) on peut parler de l'âge d'or ! https://radiofanch.blogspot.com/2016/02/lage-de-pierre-de-claude-et-de-patrice.html

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    4. Ah, Jean Charles Aschero, j'avais 15 ans, j'attendais le lundi avec impatience à cause de sa nuit :)

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    5. J Ch. Aschero nous a quitté il n'y a pas si longtemps.J'avais été le rencontrer dans sa galerie consacrée au travail du verre, dans le Marais, il y a quelques années. Ce fut pour moi aussi, une "grande voix" avec ces précieuses "Enquêtes du commissaire Joubert"...

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