Bruno Patino (1) vient de publier avec Jean François Fogel "La condition numérique" (2). Voilà un beau titre qui va, sans doute, ré-interroger "La condition humaine" d'André Malraux. Patino était hier l'invité des Matins de France Culture (2). Pas de changement en ce qui concerne ma façon d'écouter ces "Matins". Toujours incapable d'avaler des kilomètres de tunnel, je me contente d'utiliser le player pour n'écouter que ce qui m'intéresse et, la plupart du temps, l'invité, rien que l'invité !
La voix, l'élocution, la clarté des propos de Patino sont tout à fait agréables à écouter. Il a une forme d'"autorité" naturelle pour inciter au silence autour de lui (ce qui facilite la concentration) et "imposer" au journaliste l'écoute, "jusqu'au bout", de ses réponses. Sur le sujet difficile d'une mutation galopante de société, Patino rend limpide le/les contextes, les étapes, les enjeux et propose de cesser la dissociation réel/virtuel, allant même jusqu'à affirmer "Comme internet a changé, notre réel a changé et notre condition humaine est en train de changer". Il ajoute "Nous sommes persuadés qu'une nouvelle société est en train de se créer, mais aussi de nouveaux pouvoirs économiques et d'une certaine façon une distribution du pouvoir politique". "Rien que ça" mériterait un colloque à la Sorbonne. Il faut pouvoir y penser et, cela prend un peu plus de temps que de passer "sans transition"… à la question suivante.
Pourquoi un sujet en chasserait-il un autre ? Pourquoi le sujet d'hier ne pourrait-il être encore approfondi ce matin ? Pourquoi courber l'échine et suivre frénétiquement les sirènes affriolantes de l'actu ? Pourquoi ne pas tenter ce que personne ne fait le matin, un long entretien sans les pirouettes des "chroniquailles" ?
Patino et Fogel ouvrent des pistes. On lira le livre mais ça n'y suffira. Il faudrait initier le débat et, comme le scandait Pierre Bellemare, "il y a sûrement quelque chose à faire". France Culture, de la même façon qu'elle sait mobiliser autour des sciences, de la philosophie et de l'histoire, pourrait montrer qu'à cinquante ans, elle va plus loin qu'éclairer l'évènement immédiat, en se donnant les moyens d'une analyse pluridisciplinaire et d'une présence transversale du sujet sur la grille.
J'ai besoin de repenser à ce qui s'est dit hier… Ce matin, je n'ajouterai pas une couche à ce début de réflexion, mais réécouterai attentivement Bruno Patino. Je viens de le réécouter et, tout d'un coup, je me demande s'il ne serait pas temps de relire le "rapport Nora" sur l'informatisation de la société (3). J'aimerai assez que Jean Noël Jeanneney fasse se confronter Nora et Patino pour voir si la "Concordance des temps"…
- N'ayant jamais pratiqué l'aéroplane, j'ai hier matin tenté de prendre mon envol sur le tarmac d'un parking glauque et mal éclairé. Butant au décollage sur une sorte de trottoir mal placé, j'ai fait un vol plané de trois mètres, écrasé mes lorgnons, fracturé une de mes côtes, immobilisé épaule droite, bras et poignet et douloureusement attendu que le prochain avion à hélice en bois vienne me téléporter aux Urgences, histoire d'apprécier si le bon docteur Schlesser pourrait me rafistoler tout ça. J'écris de la gauche (vers la droite)… Soyez donc indulgent si quelques sauts furtifs mélangent lettres et mots.
(1) Responsable des programmes et du développement numérique de France Télévision, (ex-directeur de France Culture 2008-2009),
(2) En deux sessions distinctes 7h42-7h56, 8h19-8h50. Si Marc Voinchet, l'anchorman des "Matins", trouve à juste titre, datées et anti "ère-numérique", les émissions de Drucker et Sébastien sur le service public de télévision, le saucissonnage de l'invité de la matinale de France Culture l'est tout autant… daté. C'est bien d'avoir un regard critique et sévère sur ce qui se fait ailleurs, mais il faudrait aussi le faire pour sa propre émission en faisant évoluer une formule qui, par l'empilage incessant de chroniques démultipliées, perturbe la fluidité de la parole et de la réflexion,
(3) Simon Nora, Alain Minc, L'informatisation de la Société, Paris, La Documentation française, 1978,
(4) France Culture, le samedi à 10h.
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