samedi 20 avril 2013

Sans les images…

Magique moment de grâce hier matin dans la matinale de France Inter (1). Desserrant l'actualité tragique, Patrick Cohen recevait Gilles Jacob, le président du Festival de Cannes. En deuxième partie d'interview, pour donner des voix et des sons aux souvenirs de l'invité, France Inter fit écouter à Gilles Jacob une petite pépite sonore.
Gilles Jacob est ému, touché. Mais qui peut se rendre compte à quel point ce moment de radio est précieux ? La radio a fait avec ses moyens spécifiques : le son. Et pourtant le "message" s'adressait à un homme qui a consacré toute sa vie aux images cinématographiques. Jacob n'a pas eu besoin d'images visuelles pour faire affluer celles suggérées par ce collage sonore sensible.  

Quel plaisir vraiment en écoutant ce concentré de souvenirs, de pouvoir chacun mettre les images de son choix, celles qui nous "sautent aux yeux", celles qui restent floues, plutôt que béat voire défiler des évidences. Quand la radio disposera d'équipements audiovisuels il sera alors "facile" de faire des images. Et le son passera après !

France Inter, par une toute petite chose "banale",
a sublimé hier matin son métier en donnant à la radio toutes ses lettres de noblesse. Alors, qui voudra nous faire accroire que l'avenir sera "à tout prixde coller des images sur les sons ?

Un grand merci à Jakki qui, hier, a peine sauté de son destrier d'acier extrayait cette pépite…

(1) le 7/9

6 commentaires:

  1. Christian Rosset20 avril 2013 à 09:47

    C'est juste la preuve que nous mémorisons au moins autant les sons que les images des films que nous avons vus (et, simultanément, entendus). On peut d'ailleurs faire des films purement sonores (l'écran restant noir : il y a plusieurs exemples). Faire une accumulation d'extraits de bandes-son est facile : effet-madeleine quasi-automatique, surtout si on privilégie les chansons. Bref, il n'y a pas à opposer cinéma (ou même télévision) et radio. Les images ne sont jamais faciles à faire. C'est comme le son : certains pensent qu'il suffit d'ouvrir un micro et, hop, c'est dans le poste. Cinéma et radio doivent avoir des relations fraternelles, ce sont des arts complémentaires. Le complexe de supériorité que j'ai parfois surpris chez certains "auteurs" de radio, sous prétexte qu'ils se passent d'images (ce qui serait très fort !), m'a toujours semblé d'une vanité insupportable. Yann Paranthoën disait qu'il aimerait bien qu'on écoute ses émissions, comme on regarde un film. Dans le noir et en silence. Quand on lui demandait ses influences, il citait Tati dont il ne regardait pas les films les yeux fermés. Par contre, et là je suis d'accord avec ce billet, je me passe très bien de l'image filmée des directs. De plus, je ne crée que très rarement des images mentales en écoutant la radio. L'idée de "cinéma pour l'oreille" m'est très étrangère. Je préfère les sensations pures, sans contour.
    Pour finir, c'est surtout le billet de François Morel que je retiens de cette matinale. Vraiment génial pour le coup !

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  2. Le propos de Christian Rosset "je ne crée que très rarement des images mentales en écoutant la radio" me fait ressouvenir de la toute première soirée d'écoute ADDOR où Christophe Rault - avec la complicité amicale d'un certain Thomas B. - expliquait que lorsqu'il élaborait ses créations sonores il restait justement attentif à ne pas créer "d'image", souci d'exigence qui m'avait laissé admiratif comme on s'en doute!
    Concernant Jacques Tati - en tout cas pour ce que je connais de son oeuvre - je conseille de regarder ses films "avec les oreilles"...car si on peut dénombrer un nombre incalculable de gags visuels à la seconde dans ses films - ce doit être un cauchemar pour en tirer une audio-description - il n'est pas moins intéressant d'écouter les sons qu'il distille avec un soin qui me laisse pantois! Les gens d'image - j'excepte certains réalisateurs et documentaristes - sont rarement aussi soucieux de produire pour eux-mêmes dans leurs oeuvres des sons dignes de ce nom qui ne soient pas seulement une confiture ou une mélasse sonore destinée à "faire passer" l'indigence de l'image.

    ( Pour ceux qui ne connaissent pas Christophe Rault rappelons qu'il fut l'alter ego de Silvain Gire lors de la création d'Arte Radio.)

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  3. La bande sonore "inventée" par France Inter n'est ni le mot pour mot, ni le copié-collé des images qu'évoque Gilles Jacob. Ce sont ces interprétations de la riche palette d'images que Jacob distille dans ses mémoires… qui permettent à chacun de "voir ou revoir" les images suggérées.

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  4. edit: "dénombrer un nombre incalculable" est une sottise qui en revanche est bien mesurable à l'aune de la fatigue des fins de semaine. Pardon, je ne le ferai plus .......

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  5. Christian Rosset20 avril 2013 à 14:00

    "Inventée", tu veux dire fabriquée à toute allure, paresseusement ? C'est normal, c'est le quotidien, on n'a pas le temps de travailler réellement la matière, on va au plus vite, au plus accessible... Et toc : trois chansons, du Truffaut de base, un peu d'Amérique, un ou deux trucs rigolos, etc. Et puis, dis-donc, la sélection du Festival, cette année, ne fait pas beaucoup rêver... Où sont passés les Weerasetakhul, Carax, Von Trier, Jarmusch, Kaurismäki... ? Et leurs successeurs à découvrir ? Bref, le cinéma à la radio, c'est de moins en moins ça... Mal traité, sinon maltraité. Où est le temps où de belles émissions s'élaboraient lentement à France Culture ?

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    1. On pouvait en effet attendre "autre chose" de la part d'une radio équipée de moyens techniques et humains que cette litanie mal ajustée...

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